Toutes les conversations se terminaient par de semblables pirouettes. La moquerie était plus qu'une habitude ; elle devenait une protection, une sorte de drogue douce-amère, souveraine contre le désespoir et l'angoisse de la jeunesse livrée à elle même.
Par une sorte d'hygiène héroïque, la figure des compagnons descendus n'était jamais évoquée. Rayé du vocabulaire, absent de la conversation, l'aviateur mort disparaissait même du souvenir. L'esprit ne se tendait qu'en avant, vers le lendemain guerrier. Seuls, les blessés - ceux qui étaient privés de voler - bénéficiaient de la compassion que l'on refusait aux disparus - ceux qui n'étaient privés que de la vie.
Schwarz von Breck venait de faire agréer par le Führer le nom définitif de l'engin secret :
V1 : Vergeltungswaffe (Arme de représailles).
L'idée même d'accoler un numéro à l'initiale augmentait l'effet moral produit, en faisant présager d'autres robots plus redoutables encore.
Ainsi surgissait du néant une mécanique mortelle, avant-garde de tout un arsenal de terreur. La guerre s'engageait dans sa phase la plus aiguë et l'avenir paraissait obscur. Désormais, jusqu'à la décision finale, les peuples passeraient par des alternatives d'angoisse et d'espoir.
Pourtant, avec l’inconscience de son âge, avec son besoin impétueux d'espérance, le petit Maridor acceptait tous les fallacieux encouragements de la propagande. Pour lui, chaque recul français était un piège tendu, où l'ennemi se fourvoyait ; chaque mauvaise nouvelle cachait une savante tactique de nos armées. [...] Il ignorait encore qu'il suffirait de quelques jours pour que cette armée encore manœuvrière fût jetée sur les routes de la débandade et de la peur.
France douce et cruelle, inaccessible, perdue dans la brume argentée ! France vers laquelle allaient toutes les tendresses et qu'il fallait pourtant meurtrir ! France pour laquelle on était prêt au sacrifice de sa vie et qui vous accueillait avec un regard de mère courroucée !
Avec Katerina Fotinaki (arrangements et guitares), Henri Agnel (percussions, cistre et cordes) et l'aimable collaboration de Ninon Valder (flûte, bandonéon)
Soirée proposée par Martina A. Catella & les Glotte-Trotters
« Privée de mon pays, j'ai compris tôt que ma vraie patrie, la seule qu'on ne pouvait me prendre, c'était ma langue. »
Par ces mots, et à travers ses chants, Angélique Ionatos nous a offert le plus précieux d'elle-même : sa langue grecque. Guidés par l'oreille implacable de Katerina Fotinaki qui est aussi philologue, nous avons abordé les rivages de la poésie, passant de Sapho de Mytilène (VIIe siècle avant J.C.) aux auteurs contemporains comme Lina Nikolakopoulou ou Odysséas Elýtis, une poésie portée par la tradition populaire dans ses somptueuses polyphonies (encore un mot grec) et par des compositeurs tels que Manos Hadjidakis, Mikis Théodorakis, Nikos Kypourgos, Lena Platonos et bien sûr Angélique Ionatos à qui nous rendons un hommage plein de tendresse et de gratitude en ce 22 juin, jour de sa naissance.
Avec les voix de : Agathe Warlouze, Christine Thiollet, Fiona Sanjabi, Isabelle Favier, Jehanne Pollosson, Julie Lenormand et Amalia, Laura Clauzel, Léa Pointelin, Lena Petrossian, Lila Tamazit, Marylin Guerreiro, Mia Livolsi, Michèle Franza, Ninon Valder, Noé Forissier, Roxane Terramorsi, Yacine Fall Solbes.
À lire – Odysséas Elýtis, le soleil sait, trad. du grec par Angélique Ionatos, coll. « D'une voix l'autre », Cheyne Éditeur, 2015.
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