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4,03

sur 490 notes
Cette période est à la fois proche et tellement lointaine. Dans ce journal de guerre, pas de haine pour celui d'en face, pas d'appesantissement sur son sort.
La mort peut arriver à tout moment, c'est à la fois violent et absurde.
Pourquoi l'un reste en vie au contraire d'un autre.
Dans quel état d'esprit ressort t'on de cet enfer ?
Un livre fort
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Belle découverte, je l'avais acheté il y a quelque temps et je craignais de l'ouvrir, étant resté hermétique au seul livre que j'ai lu de l'auteur, le Coeur aventureux. Pour ceux qui seraient comme moi, rassurez-vous, c'est un simple livre de témoignage sur la première guerre mondiale. Je le trouve supérieur littérairement à certains livres du même type qui ont pu être écrits côté français, comme le Feu de Barbusse. Mon seul regret est l'absence de traitement de la question de l'armistice et de l'effet sur les troupes allemandes, ce moment est traité d'une seule phrase, éclipsé par l'obtention de la médaille "pour le mérite", cette célèbre décoration prussienne qui n'était décernée qu'à la crème de la crème, dont le visionnage du film Blue Max ou le Crépuscule des Aigles vous permettra de comprendre toute l'importance. Je me suis un peu intéressé à la polémique sur l'auteur, je la trouve parfaitement injustifiée. Certes, comme beaucoup d'autres, Jünger a été soldat pendant la seconde guerre mondiale, mais il n'était absolument pas un partisan du régime, détestant tout particulièrement la politique d'Hitler envers les juifs. Lui reprocher des écrits nationalistes écrits dans les années 1920, dans un contexte politique dégradé, me paraît excessif et injustifié. Pour revenir à l'Orage d'acier, j'en ai apprécié le style, très précis, à l'allemande, avec des petites envolées, mais jamais trop romantiques. Pour la plupart de l'ouvrage, Jünger est opposé aux Anglais, heureusement. ça m'aurait fendu le coeur de le voir tirer sur des français. J'ai appris par la suite que Jünger était très francophile, ayant servi dans la légion étrangère à 18 ans, juste avant que la guerre n'éclate. ça ce ressent à la lecture, il n'a jamais de mots durs ou xénophobes contre ses adversaires, qu'ils soient Anglais, Anzacs (Néo-Zélandais & Australiens), Hindous, ou encore Français, et ce même dans des circonstances où ça pourrait être compréhensible, avec tous ses amis qui tombent, les un après les autres, sous le feu ennemi . Jünger me réconcilie un peu avec la littérature allemande.
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"Cet exemple montre que dans la vie, le sens de l'ensemble décide des impressions particulières"

Dit-il en ayant un haut-le-coeur en voyant un conducteur d'auto s'écraser le pouce en tournant la manivelle du moteur. Et c'est vrai. Ernst Jünger, jeune homme de 20 ans en 1915 venait de nous décrire pendant 120 pages la manière dont ses compagnons d'armes mouraient autour de lui, sans en épargner les détails qui font de la guerre moderne plus une scène de boucherie qu'un combat chevaleresque idéalisé.

Ce récit nous plonge dans le carnet de campagne d'un jeune lieutenant originaire du Bade-Wurtemberg, engagé volontaire qui voulut avoir le frisson de la guerre. Il ne fut pas déçu, dès son premier jour, le village où il était fut pilonné. Quelle autre manière pour mieux accueillir les bleus ?

Le récit de sa guerre permet bien de se rendre compte de la validité de la citation d'accroche que j'ai sélectionné. La mort est sans doute le personnage principal, c'est un compagnon qui est avec vous à chaque instant, à chaque page. Quand les camarades crient « au gaz », quand les ennemis envoient des mines, des obus, du shrapnel, de plus ou moins gros calibres qui font jaillir du sol des gerbes de terre, quand il faut monter à l'assaut. Il décrit froidement ses camarades tombant un à un, des gens qu'il ne connaît pas, des pères de famille, des jeunes gens encore étudiants il y a peu, des fermiers, des bûcherons, des mineurs, mais aussi quelques amis rencontrés sur-le-champ de bataille.

La majorité de sa vie de combattant se déroule la nuit puisque l'on ne doit pas être vu quand on tente un sabotage de l'autre côté ou que l'on va espionner l'ennemi. de longues nuits, dans l'argile et la craie de Champagne, vivant comme des taupes, attendant un mouvement de l'autre côté ou un pilonnage.

Et puis, la Somme, cette bataille qui fut la première d'envergure pour les troupes britanniques qui se battirent conjointement avec les Français revenant de Verdun. C'est la première fois du récit où Ernst se sent dans un paysage qu'il ne connaît pas. Auparavant, il allait se reposer dans des villages où les habitants logeaient encore, là, il ne découvre que des décombres et des cadavres de civiles. La Somme fut en effet une bataille qui laboura tout le nord de la France de par les milliers de pièces d'artillerie qui furent alignés.

Toujours dans la droite lignée de la phrase d'accroche, Jünger nous raconte durant la bataille de la Somme, un bombardement matinal pratiqué par les Anglais avec des obus de gros calibres. le bombardement dura toute la matinée ce qui l'agaça au plus haut point et il décida d'aller dans la galerie d'un camarade pour boire et passer le temps. C'est une scène incroyable dans le sens où elle respire la normalité alors qu'elle se déroule pendant l'adversaire tente de détruire leur position.

Et malgré cette violence, il y avait des règles à respecter. Jünger s'entretint avec un officier français, de tranchée à tranchée, pour lui faire remarquer en français, que ses hommes avaient abattu un Allemand en traître. Et, vers la fin de la guerre, il rapporte un ballet de volontaire de la Croix-Rouge qui passait entre les feux de l'infanterie sans recevoir un seul tir. On remarquera que la plupart du temps quand il parle avec des officiers ennemis, il parle soit en anglais soit en français et ceux-ci lui répondent.

Bien que la guerre de 14-18 fut une de celle qui réunit le plus de velléités et d'envie de destruction de l'ennemi de la part du commandement, permise par l'artillerie toujours plus lourde qui faisait jaillir du sol des geysers jaune et noir. Jünger nous raconte que vers 1918, lors d'une des dernières grandes offensives allemandes, il blessa un Highlander qui des années plus tard lui envoya une lettre pour lui décrire la blessure que l'allemand lui avait fait. Il n'y avait pas d'animosité particulière entre ces étrangers réunis face à face sous le coup du sort, c'était une question de tuer pour rester en vie, mais la politique, l'envie de destruction émanait des instances dirigeantes et non de ceux qui étaient dans la boue.

On pourra être marqué par le détachement qu'à Jünger quand il s'agit de morts, de blessés qu'il doit abandonner pour continuer l'assaut, ce ne sont que des éléments fugaces d'une plus grande toile de fond. Mais c'est un officier, il a donc des hommes sous sa responsabilité d'où le fait qu'ils doivent continuer à mener l'assaut même s'il faut des laisser pour compte.

Quand il s'agit de parler de bataille, il déploie une panoplie d'adjectif, de verbe de mouvement et détail toute la manoeuvre, c'est la passion qui l'anime. C'est donc un livre très intéressant puisque nous avons au début du récit un jeune homme, désirant en découdre et tête brûlée. Et puis au fil du récit, c'est un guerrier qui en sort, un héro Wagnérien voulant jusqu'à la fin du conflit montrer qu'il y a encore de la « force virile » chez le peuple allemand. Il fait porter d'ailleurs la charge de la défaite allemande à plusieurs facteurs, le manque de provision pour les soldats et surtout le manque de moyen et de matériel mettant ainsi à mal la théorie du « couteau dans le dos ».
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C'était très intéressant à lire, de découvrir le point de vue de l'ennemi (en quelque sorte).
Même si, personnellement, j'avais de plus en plus de mal à le finir, j'ai apprécié cette découverte.

Je vous le conseille si comme moi vous avez un travail en français sur une présentation d'oeuvre :)
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(novembre 2009)

Résumé et structure du roman
Dans une série de courts chapitres, portant chacun le nom d'un combat, 'Orages d'acier' raconte les campagnes d'un soldat durant quatre ans. L'auteur raconte les occupations quotidiennes du combattant : la garde, le repos dans l'abri, l'attente, la fatigue... L'un des grands récits inspirés par la guerre 1914-18. A la fois roman d'apprentissage et réflexion profonde sur le destin de l'homme face à la mort collective.

Histoire du texte
Jünger s'est basé pour écrire ce récit d'un jeune lieutenant de l'armée allemande, engagé volontaire lors de la Première Guerre mondiale, sur les seize carnets qu'il a tenus durant toute la période de la guerre. L'écrit sous sa forme actuelle est le résultat d'un travail de composition et de réécriture des années d'après-guerre et même au-delà. Les éditions allemandes successives au cours des années vingt et trente présentent des différences textuelles importantes et l'édition définitive, la septième, date de 1978. le livre a été publié pour la première fois en 1920 à compte d'auteur à 2 000 exemplaires. Jünger voulait à l'origine intituler son livre le Rouge et le Gris en référence à Stendhal et a finalement opté pour une image empruntée aux sagas islandaises dans un poème scaldique.
Le livre a fait l'objet de nombreuses traductions dans neuf langues différentes

Description
Le témoignage porté par le livre est celui d'un héros militaire. Jünger a été blessé quatorze fois et a souvent combattu en première ligne dans les troupes de choc à la fin de la guerre. Avec le grade de lieutenant, il est resté, avec le capitaine Erwin Rommel, le plus jeune soldat à avoir été décoré de l'ordre Pour le Mérite, distinction la plus prestigieuse de l'armée allemande.
Contrairement aux autres témoignages littéraires publiés sur la guerre des tranchées, ici, la peur ou le sentiment d'horreur face au déchaînement de la violence ne sont que brièvement perceptibles.
Quand il s'agit de décrire les blessures ou les cadavres, la description demeure « clinique » et détachée. La langue de l'auteur prend en revanche plus d'élan lorsqu'il s'agit de décrire l'émotion du combat, l'ardeur qui s'empare de lui au moment de l'assaut, la satisfaction d'avoir abattu un adversaire – sans jamais éprouver de haine à son égard. André Gide a écrit dans son "Journal" : « le livre d'Ernst Jünger sur la guerre de 14, Orages d'acier, est incontestablement le plus beau livre de guerre que j'ai lu, d'une bonne foi, d'une honnêteté, d'une véracité parfaites".

Orages d'acier par rapport à ses contemporains
C'est d'ailleurs la grande différence du livre de Jünger avec celle de ses contemporains
(Gabriel Chevallier "la peur", ré-édité dernièrement, version française du conflit;
Erich-Maria Remarque "A l'ouest rien de nouveau", classique lu à l'école, version allemande du conflit,
et plus superficiellement Henri Troyat écrivain français dans "Les semailles et les moissons", saga du siècle avec des passages très forts sur les désastres humains de la guerre de 14-18).

En effet, Jünger, véritable combattant, s'est "détaché", "dissocié" de l'horreur, et est devenu mécaniquement un soldat en guerre, pour ne décrire son attachement à des valeurs "pacifistes" que plus tard. L'Allemagne humiliée au diktat de 1918 a eu besoin de ces soldats-là pour créer l'Allemagne nazie (à laquelle a appartenu Jünger et Rommel dans des destins différents). Néanmoins, Rommel comme lui ne sont pas devenus "nazis", ils sont restés des allemands de 14, fierté et bravoure dit l'histoire. Jünger a néanmoins été protégé par Hitler là où Rommel a lutté contre Hitler. Jünger était peut-être devenu plus "philosophe" qu'homme d'action …

Les autres témoignages littéraires sur 14-18 parlent surtout de l'horreur de la guerre des tranchées, des gaz, des rats, de la peur constante, continuelle, du froid, des tenues françaises voyantes à des km, des désastres neurologiques à leur retour. Ils sont tous partis la fleur au fusil, et pour six mois. Ils sont pour la plupart revenus écoeurés quand ils revenaient vivants. C'est l'une des guerres les plus meurtrières, celle qui a fait entrer l'Europe dans le XXé siècle, celle qui est à l'origine de la liberté des femmes (elles travaillaient pour remplacer les hommes, elles étaient veuves, elles ont commencé à lutter pour leur droit de vote à cette époque-là), à l'origine des mouvements pour la dignité de l'homme, des mouvements pacifiques …. le film "Joyeux Noël" décrit l'ambiance insensée de cette guerre des tranchées, des hommes qui se parlaient sans hausser la voix tant leurs tranchées se séparaient de quelques mètres, et qui tout d'un coup recevaient l'ordre d'aller tirer et trancher à coup de baïonnettes.

L'Allemagne a été effroyablement humiliée à la fin de la première guerre, et des hommes comme Jünger ne sont pas rentrés pacifistes de la guerre mais habités d'une ardeur au combat et d'une fierté allemande à restaurer d'urgence (ce qui sera le terreau de Hitler). Et pour que l'Allemagne émerge de son chaos, il fallait la faire sursauter sur sa haine de l'étranger qui dominait et pillait une nation vaincue. Et c'est ainsi que ces cultivateurs, ces ouvriers, ces comptables, ces enfants, pour qui la désobéissance aux lois, l'usage de faux, la tuerie, avaient été des actes d'héroïsme en 14-18 sont devenus encore plus méchants en 39-45 ….

Pourquoi faire la guerre ?
Certains disent aujourd'hui que l'une des raisons majeures pour lesquelles les hommes font la guerre, c'est que la compétition, le danger obligent à vivre intensément l'instant présent (ce que les bouddhistes disent être la capacité au bonheur …), là où la pensée comme l'émotion vadrouillent dans le passé et dans l'avenir, le corps est ici et maintenant. Et cette sensation crée une excitation, une fascination poussant les hommes à la répétition de l'action, en l'occurrence guerrière. Et lorsque la Loi, l'Etat t'y autorisent (en se déclarant la guerre), cela fait sur le terrain de terribles soldats décorés … dont faisait partie Jünger en 14-18, mais plus en 39-45. Parler à des sportifs vous apprend qu' "être au contact de mon corps me permet de vivre l'instant présent et d'y être heureux". de là, il n'y a qu'un pas pour ne pas s'étonner que le sport est l'un des moyens largement utilisés pour gérer les impulsions agressives des jeunes comme celles des peuples entre eux (les jeux olympiques servent la paix du monde …)



Orages d'acier VS A l'Ouest rien de nouveau

Ces deux livres de guerre cultes, chacun dans leur style, ont la particularité de se dérouler pendant la 1ère mondiale, mais dans le camp allemand. Pourtant, on peut dire que tout les oppose :

- le milieu social des auteurs :

Remarque se retranche modestement derrière un héros désabusé, issu d'un milieu modeste : Paul Baumer. Sa mère meurt, faute de soins dans un bon hôpital. Sa famille vit dans un petit appartement en ville. Son livre « A l'Ouest, rien de nouveau » est un roman peu épais (de ce fait, il est parfois étudié en classe), mais ses évocations des combats sont directes, alors qu'en réalité, l'auteur n'a jamais vu le front ; il fait mouche avec peu de mots ; l'ensemble est surtout emprunt d'une pesante mélancolie.

Jünger, lui, est une personnalité bien différente : c'est le plus pur produit de l'aristocratie prussienne, guerrière et patriotique. Son récit est à la première personne du singulier : il assume totalement son engagement et sait se mettre en valeur. Il a bénéficié d'une éducation soignée, et ses talents d'écrivains sont réels : dans « Orages d'acier », sa plume est rythmée et colorée : on lit ce pavé en haletant, tellement son récit est épique et bien ficelé. Une sorte de « Guerre et paix » du XX°S. !

- L'intensité de leur engagement militaire :

Ernst Jünger, lui, comprend que le métier des armes est fait pour lui, il fait rapidement une école d'élève-officier, de laquelle il sort avec succès. Il deviendra Adjudant, Leutnant (sous-lieutenant) puis Oberleutnant (Lieutenant) pendant la Grande guerre. Il fera partie des soldats les plus décorés du conflit, avec son insigne doré pour ses nombreuses blessures, et surtout, sa prestigieuse et rarissime étoile « pour le mérite » décernée par le Kaiser lui-même…

Le héros de Erich Maria Remarque fait partie des engagés volontaires de 1914 (« Krieg Freiwilligen ») devançant l'appel, certes, mais il le regrette vite ; il n'a fait que suivre tous ses camarades, eux-mêmes endoctrinés par leur instituteur. Cela donne lieu ensuite à une rencontre gênée entre son ex-instituteur et lui pendant sa permission… Paul Baumer reste curieusement membre de la troupe, des sans-grade du début à la fin… Pendant une cérémonie, il ne reçoit pas de décorations par l'Empereur, réservées aux les soldats les plus valeureux….

- Leur vision de la guerre :

Pour Ernst Jünger, la guerre est une expérience initiatique individuelle ; il sait qu'il est doté de qualité pour commander, d'une santé très robuste… et il a aussi beaucoup de chance ! Il comptabilise une vingtaine de blessures, mais sans subir aucune amputation ! La guerre, au même titre que le sport et la culture, sont des activité naturelles pour les hommes : c'est avant tout une occasion de montrer sa réelle valeur : la force est dans le sang et elle ne peut se maîtriser. Jünger est et restera un homme de droite, un conservateur non nazi.

Le héros de Remarque pense tout autrement : la guerre est une absurdité totale provoquée par des gouvernements hautains et irresponsables, au service de leur propre gloire. La personne de l'Empereur Guillaume II est l'objet de nombreuses interrogations de sa part, et il comprend progressivement qu'il ne s'agit que d'un homme qui est son égal en humanité ! La guerre n'est qu'un fléau, et son roman en décrit minutieusement tous les travers : hôpitaux-boucherie, tranchées-mouroirs, assauts désespérés, bombardements infernaux, gaz asphyxiants… Mais cela est dit sans haine, à la manière d'un « candide » voltairien qui découvre petit à petit les laideurs du monde… A chacun de se faire son opinion : son récit est en fait un pur roman d'obédience pacifiste.

- Vie et fin des héros :

Le récit de Jünger est purement autobiographique, voire même apologétique. Sa glorieuse histoire ne s'arrête par le 11 novembre 1918 ; versé dans la réserve, il deviendra Hauptman (Capitaine) au cours de la seconde guerre mondiale. Il passera l'Occupation en France, à vivre en dandy parisien. Il rejoint Remarque, en quelque sorte, mais seulement en 1944 : il fait partie des comploteurs du 20 juillet 1944 contre Hitler : au cours d'une féroce répression, 5000 officiers sont éliminés, mais Jünger y échappe en raison de sa popularité et de son passé de patriote… Reconnu pour ses oeuvres littéraires (« Jeux africains », « Héliopolis »…), ce vaillant vieillard arpentera l'Europe avant de décéder récemment, quasiment centenaire !

Chez Remarque, la boucle est bouclée quand le héros Paul Baumer meurt à la fin, bêtement, deux jours avant l'armistice du 11 novembre ! En fait, Remarque le pacifiste fuit pour s'installer aux USA à l'arrivée des nazis au pouvoir. Son livre sera même brulé dans un "auto-da-fé" nazi. Il n'écrira plus rien, comme si « A l'Ouest, rien de nouveau » avait finalement suffi à exorciser ses souffrances… Mais un film en sera une fidèle adaptation (voir chronique). A noter que c'est son point de vue est repris par l'historiographie, jusque dans la B.D., avec le fameux Tardi, qui est aussi très engagé…

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Jean Norton Cru : « Voici un livre que les défenseurs de la tradition vont utiliser pour défendre leurs légendes. [...] Il [Ernst Jünger] pose devant son lecteur pour un guerrier né, dont les repos et les permissions sont des revanches sur les privations de la tranchée, vrai lansquenet (c'est son mot) qui s'enivre et s'en vante. » (Commentaire écrit par Jean Norton Cru dans son exemplaire personnel de l'édition française d'Orages d'acier (1930) , cité par Leonard V. Smith, « Jean Norton Cru, lecteur des livres de guerre », Annales du Midi, n°232, 2000)
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Dans les romans autour de la guerre de 14-18, il y a bon nombre de livres qui dénoncent l'absurdité et l'horreur de cette boucherie, voire le mépris dans lequel les officiers tenaient la chair à canon des prolétaires du front. Coté allemand, le célèbre "A l'Ouest, rien de nouveau" de Remarque et le moins célèbre (et pourtant remarquable) "Le cas du Sergent Grischa" d'Arnold Zweig sont au sommet de cette liste. En France, c'est évidemment les premiers écrits de George Duhamel, "Vie des martyrs" et "Civilisation".
Avec Ernst Junger, on est aux antipodes d'une quelconque critique de la guerre, encore moins d'une remise en question. C'est un journal de guerre, où Junger fait le récit de son expérience de jeune officier dans la guerre de tranchées et lors de ses différents cantonnements dans les villes et villages où il a dû résider chez l'habitant. Il n'est pas très étonnant qu'un officier militaire de carrière n'aille pas remettre en cause ce qui est sa raison de vivre (au même titre qu'on ne va pas demander à un évêque de répondre à la question de l'existence de Dieu).
Pourquoi lire un tel récit quand on est, comme moi, antimilitariste ? D'abord, sur la suggestion de l'un d'entre vous (que je remercie) en rapport avec ma liste « Récits liés à la guerre ». Ensuite au même titre qu'un antifasciste lira « Mein Kampf » d'Hitler ou « Socialisme fasciste » de Drieu La Rochelle. Il faut essayer de mieux comprendre l'été d'esprit de ses ennemis pour combattre leurs idées (on peut aussi, si on n'a pas le temps, se contenter de citer le point de vue incisif d'Einstein sur le militaire « Il ne mérite pas un cerveau humain puisqu'une moelle épinière le satisfait »)
Donc je lis ce récit très connu et je découvre un premier point édifiant : la première partie de la guerre, jusqu'à la bataille de la Somme, était une villégiature où l'on s'occupait en agapes en surveillant du coin de l'oeil l'état des tranchées (cf ma citation). Evidemment, il y a bien quelques obus et balles perdues qui tuent le voisinage, c'est même très souvent le cas, mais pas Junger et surtout pas au point de le déranger à l'heure du café. Les troufions apprécieront.
Ensuite, c'est la bataille de la Somme. Là, on voit apparaître pour la première fois le mot « horreur », ainsi que quelques descriptions y compris olfactives qui nécessitent d'avoir l'estomac solide. On retrouve ce qu'on connait de certains récits de boucherie ignoble, mais avec la mentalité « c'est une (salle) guerre mais allez, on fait son boulot »
Ça ne va pas durer (deux longs chapitres quand même), c'est la retraite de la Somme, l'armée allemande s'enfuie – sans oublier de piéger les entrées de maison, les caves, d'empoisonner tous les puits, les sources potables, de bruler les champs, bref de laisser aux civils qui reviendront chez eux quelques souvenirs bien croustillants…
Un petit intermède de cantonnement à Cambrai où Junger loge comme toujours chez l'habitant (comme toujours aimable et accueillant…, « nous occupions nos soirées ensemble devant une tasse de thé, à jouer au jaquet et à bavarder »). A cet endroit du livre apparait pour la seule et unique fois « une question épineuse qui revenait souvent sur le tapis : pourquoi faut-il que les hommes se fassent la guerre ? » C'est tout, à la ligne suivante, on passe à autre chose. On a frôlé le hors sujet.
Enfin, le récit se conclue sur la bataille de Flandres, où Junger cite les notes de Fritz, un « bleu » gravement blessé, notes qui se concluent sur un paragraphe symptomatique de ce qui constitue la perte d'humanité du militaire pendant la guerre : « Je songeais à la mort sans que cette pensée m'inquiétât. Tous mes liens au monde me semblaient si simples que j'en étais stupéfait, et c'est en me disant « Tu es en règle » que je glissai dans le sommeil. » Comme quoi Einstein n'était pas un idiot, le règlement dans la moëlle épinière…
Enfin, lors d'un dernier assaut en Artois, Junger reçoit un éclat au poumon et va être ramené à l'infirmerie entre la vie et la mort. Partageant sa chambre avec un aviateur intrépide donc immédiatement glorifié (« l'un de ces longs corps à l'allure aventureuse que ne cesse de produire notre pays »), le livre se termine fort logiquement par la une très haute distinction de Sa Majesté l'empereur, la Croix pour le Mérite, qui conclue une première guerre très réussie et que Junger saura confirmer en étant dans l'armée d'occupation nazis à Paris pendant la suivante (tout en se prétendant anti-nazi).
Donner une note à ça est un sujet délicat : la qualité littéraire est assez médiocre, on s'ennuie ferme quand les obus, les shrapnels, les balles, les gaz, les assauts, les contre-assauts, etc occupent des pages et des pages, et pourtant, certains passages seront les bienvenus pour l'édification des masses 😉
Pas de note donc et ajout à ma liste https://www.babelio.com/liste/16991/Recits-lies-a-la-guerre
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Ernst JÜNGER, jeune universitaire, n'a pas vingt ans quand il part, simple soldat, pour les tranchées du nord de la France. Il suivra une formation d'officier, puis prendra plusieurs commandements d'infanterie, toujours en première ligne. Il sera blessé quatorze fois et décoré de l'Ordre du Mérite. "Orage d'acier" est la transcription du journal qu'il tint durant cette guerre, de janvier 1915 à septembre 1918.
Le style du livre est d'une maîtrise parfaite, et la traduction est impeccable (Henri PLARD, Universitaire belge, félicité par l'auteur, qui parlait français couramment).
On trouve dans ce livre le même fond que dans "La peur" de Gabriel CHEVALLIER ou "Les croix de bois" de Roland DORGELÈS, les combats violents, les pluies d'obus, la mort, la putréfaction, l'ennui, la boue, les camarades, les poux, etc. JÜNGER n'épargne rien au lecteur, les morts laissés à l'abandon sur le champ de bataille, les cadavres décomposés dans lesquels on s'enfonce en traversant les terres-sans-hommes, la boue fétide des tranchées, le staccato des mitrailleuses, les crânes de camarades qui explosent sous la mitraille des shrapnells, etc. Tim WILLOCKS peut toujours se rhabiller avec les descriptions de batailles dans son roman "La Religion".
Mais contrairement à CHEVALLIER ou DORGELÈS chez qui l'humanité, la peur, la compassion, sont omniprésentes, JÜNGER prend une grande distance, et son récit paraît froid, chirurgical. L'auteur prend dans sa description des combats et des champs de bataille le même recul qu'un médecin-légiste devant les odeurs de putréfaction ou les affres des morts violentes. Pourtant, il n'est pas inhumain, aimant ses hommes, aimé d'eux, admiratif du courage et des exploits de l'ennemi, inquiet pour la population civile restée dans les villages voisins des combats, etc. Mais son ton purement descriptif, loin de toute émotivité, laisse le lecteur en proie d'un malaise d'une profonde tristesse.
Étonnamment, le récit s'achève fin septembre 1918, sans aucun commentaire sur l'issue de la guerre.
Cent ans après ces événements, ce témoignage, tout comme ceux de CHEVALLIER, DORGELÈS, REMARQUE, CELINE, etc. est de très grandes valeurs historique et littéraire.
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La guerre. L'horrible et la sombre guerre. L'avide et cruelle maîtresse. Ce creuset où disparaissent le vernis policé de la civilité et les fragiles argiles de notre humanité.
Ernst Jünger ne cache pas grand chose de cette infernale ogresse. Et pour notre société qui dénie à la mort le droit de cité et à la violence la moindre légitimité, ce livre paraitra d'une incompréhensible absurdité. Certains en profiteront pour jeter à bas l'idée même de nation ou de patrie. D'autres exalteront au contraire l'héroïsme et le sacrifice. Quant à moi, je ne céderai pas à ce diktat manichéen.
A la lecture de ce carnet de guerre, je regrette simplement que l'homme ne soit pas capable du même engagement au service du collectif en temps de paix. Lecture ou conclusion sans doute naïve.
D'autant plus naïve que cette Grande Guerre, qui devait être la der des der, a été la première guerre industrielle ajoutant à la cruauté des combats, celle de l'asservissement de l'homme à une technologie homicide. Chemin jamais démenti depuis comme le démontrent malheureusement encore aujourd'hui la guerre à distance qui fait rage en Ukraine.
Il y a beaucoup d'enseignements à tirer de la lecture de ces témoignages et le premier d'entre tous : Homme libre, toujours, tu chériras la paix !

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