Ca y'est, c'est terminé. Un énorme pavé, en réalité une tétralogie réunie en un seul volume. Après avoir lu le premier tome, j'ai décidé d'attendre d'avoir tout lu pour faire une critique globale. Je le regrette maintenant, j'aurais du donner mon avis sur chacun des tomes. Je vais quand même tâcher de donner mon sentiment pour chaque tome, puis mon sentiment globale ensuite, sans écrire des pages pour autant.
Commençons déjà par tuer le suspens, je me suis régalé. Dans le premier tome, on découvre Memèd, notre héro, encore jeune garçon, jeune paysan pauvre de la région du Taurus, en Turquie. Il est maltraité par Abdi Agha, tyran local, et leur ''duel'' sera le fil rouge du livre. Au bout de quelques chapitres, Memèd va par la force des choses se faire bandit dans les montagnes, et sa réputation va grandir de jour en jour au près de villages des environs. C'est seulement le deuxième livre turque que je lis, (après ''
Le livre noir'' de
Orhan Pamuk, que je n'ai pas vraiment aimé) et à travers ce roman, nous découvrons la Turquie à l'époque de sa jeune république. Non pas la Turquie politique, d'Istanbul ou d'Ankara, mais la Turquie paysanne, ses coutumes, son folklore, et surtout sa misère et son délaissement.
Dans le deuxième tome, Memèd, qui jouit maintenant d'une grande réputation auprès des paysans, va lutter contre un nouvel ennemi, un autre tyran local (ils sont nombreux). C'est peut-être le tome que j'ai le moins aimé, non pas à cause de l'histoire, cette fois on voyage un peu plus dans la région, notre vision de la paysannerie s'élargie, et ce pour notre plus grand plaisir, mais ce qui m'a déplu c'est le comportement de Memèd, que j'ai trouvé de moins en moins attachant pour des raisons que je ne peux dévoiler sans spoiler. Mais il a fini par remonter dans mon estime à la fin du livre, ça reste un très bon roman.
Dans le troisième tome, Memèd, devenu presque un saint pour les paysans, se trouve encore un ennemi très puissant, un peu le même que les précédents, les despotes locaux se ressemblant tous plus ou moins. En fait Memèd aura de très nombreux ennemis, je ne parle à chaque fois que du principal. Un vrai régal encore, de nombreux personnages secondaires très réussis, qui ne feraient presque pas nous manquer Memèd beaucoup moins présent dans ce volume. J'ai ici une faiblesse particulière pour les personnages pourris, les puissants qui ont juré la perte de Memèd. J'ai adoré suivre leurs intrigues, leurs coups bas et leur lâcheté.
Et enfin dans le quatrième et dernier tome, encore un régal d'aventures, avec juste un coup de mou vers le milieu du livre. Cette fois l'ennemi de Memèd (parmi beaucoup d'autres) est un homme très puissant venu exprès d'Ankara. On l'a connu dès le deuxième tome, mais cette fois il va prendre les choses en main pour se débarrasser de Memèd. Je n'en dis pas plus.
Je vais juste finir avec un avis plus globale, Memèd, bien que bandit, est un personnage très attachant. C'est en fait un jeune homme bon, modeste, presque timide, qui se refuse à tuer les gendarmes venus l'arrêter. Il ne tue que les pires des salauds, et ne vole que pour redistribuer. Il va devenir au fil de ses aventures un saint, presque un dieu pour les paysans qui n'hésiteront pas à sacrifier leur santé, voir leur vie pour lui. En fait Memèd va vite être dépassé, et même surpassé par son image. On voit ici comment les légendes prennent forme, Memèd, jeune homme maigre à l'aspect juvénile, va devenir dans l'imaginaire collectif un géant aux énormes moustaches, qu'aucune balle ne peut atteindre, et chevauchant un cheval magique. A travers le personnage de Memèd,
Yachar Kemal nous fait découvrir les travers d'une jeune république Turque corrompue, en proie à de nombreux problèmes internes, mais également ce qui fait le charme de cette Turquie, ses traditions et coutumes ancestrales (surtout à travers le monde paysan) en confrontations avec une vision des choses plus moderne (vue à travers les puissants). En bref, un plaisir de romans d'aventures, dont l'épaisseur peut faire peur, mais il y a énormément de dialogues, ce qui rend la lecture plus fluide et donc plus agréable.