Une remarque, pour commencer. S'il faut saluer la mise à disposition du public français de cet ouvrage, il faut néanmoins souligner que les principaux textes des féministes nord-américaines critiqués dans ce livre n'ont pas été traduits.
Privilégier la parole d'un universitaire homme relève de la même démarche que le battage publicitaire autour du livre de
Pierre Bourdieu «
La domination masculine ». Il s'agit de valoriser un certain discours sur les femmes, en lieu et place de la parole des principales intéressées, des élaborations des féministes. La domination de l'ennemi principal se manifeste aussi quotidiennement par la survalorisation de l'expression des ennemis principaux (pour utiliser la belle formule de
Léo Thiers-Vidal, militant féministe, critique de l'ordre masculiniste).
La lecture de l'ouvrage de Ducan Kennedy, professeur droit à Harvard, nécessite de ne pas s'arrêter aux vocabulaires et expressions pouvant paraître très étranges pour une lectrice ou un lecteur français-e. Je ne suis pas sûr d'y être toujours parvenu. La forme des discutions académiques nord-américaines peuvent laisser un peu perplexe les provinciaux de l'hexagone, sans oublier les prismes réducteurs de nombre de débats publics ici, liés à l'exception française (voir à ce sujet le dernier livre de
Christine Delphy :Un universalisme particulier. Féminisme et exception française (1980-2010), Editions Syllepse, Paris 2010)
Toujours est-il que nombre d'analyses de Ducan Kennedy sont stimulantes. Outre un long avant propos sous forme d'interview, le livre est composé de cinq chapitres « le droit des violences sexuelles », « le conflit d'intérêts entre hommes et femmes à propos de la prévention des violences sexuelles », « La violence sexuelle comme discipline », « Violence sexuelle et vêtement féminin », « Violence et résistance dans le langage du vêtement sexy », se concluant par « Intérêt érotique à mettre un terme à la violence sexuelle ».
Un ouvrage étonnant d'un « mâle bourgeois, blanc et hétérosexuel » comme se décrit l'auteur qui « aime bien les vêtements sexy et veut protéger les femmes contre le harcèlement parce qu'il aimerait bien qu'elles continuent à en porter… », aveu non dénoué de condescendance.