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3,27

sur 225 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En premier lieu je tiens à remercier Ambages qui m'a fait rencontrer ce livre.

A ce stade de la critique… je ne sais pas comment commencer...
"A ce stade de la nuit" est le genre de texte que j'aimerai écrire. Je dis texte car j'ai eu une impression de spontanéité, que les mots n'étaient pas travaillés, réfléchis, façonnés, maquillés, travestis. Les maux entraînent les mots en écriture automatique.
C'est le genre de texte que seule la nuit permet d'écrire, enfin c'est ce que j'aime croire.
C'est le genre de texte qui s'écrit d'une seule traite, dans l'ambiance et l'état d'esprit du moment et qui se lit de la même manière.

Maylis de Kerangal divague et quand elle dit vague…
Dix vagues, ça fait beaucoup quand on sait qu'une seule suffit à anéantir une frêle embarcation et engloutir des Hommes qui n'auront pas eu le temps d'entrevoir leur rêve de liberté, qui n'auront pas eu le temps d'avoir une petite lumière dans le regard, qui n'auront pas eu le temps de vivre. Ils n'auront croisé que la peur, la faim, l'humiliation et puis la terreur du dernier instant. Ils ne sont personne, juste quelques titres dans les journaux, quinze secondes chez Pujadas trop occupé à demander à Pierre Paul Jacques s'il se présentera en 2017 ou à faire un quart d'heure sur les croisières de luxe…

Vague à l'âme, la nuit, un flash à la radio. Vague à lame de fond qui nous entraine au fin fond des souvenirs de l'auteure. Association d'idées pour un voyage nocturne dont toutes les routes mènent à Lampedusa.

Lampedusa hier, Lesbos aujourd'hui, nous sommes de plus en plus nombreux, les ressources naturelles s'épuisent, les dieux sont tombés sur la tête, leurs disciples les plus tarés font régner la terreur et massacrent à tout-va. L'inquisition c'est très moderne comme concept…
Demain n'existe pas pour des millions (milliard?) de gens et n'existera jamais plus pour certains dont même l'espoir aura été… noyé. Je m'égare…

" A ce stade de la nuit " c'est… une culpabilité, un non lieu, une impuissance... un ressenti à mettre entre toutes les mains.
La vie est si… fragile…
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Cet essai est le fruit d'une commande pour la collection "paysages écrits".
Comment arriver à écrire un paysage, et quel paysage? Maylise de Kerangal se focalise sur celui de Lampedusa et sur cette nuit où, dans sa cuisine, elle écoute à la radio le récit du naufrage de 300 migrants au large des côtes italiennes.
Lampedusa. Ce nom lui évoque un film avec Burt Lancaster, le Guépard de Visconti, qui fait écho à Swimmer, autre film du même acteur.
Ainsi, chaque chapitre revient à cette nuit dans la cuisine et à l'actualité du naufrage, puis insensiblement reviennent par flots d'autres souvenirs, le transsibérien et le paysage nocturne, les îles italiennes, etc..., avant d'aboutir sur la tragédie finale, crue, violente de ces corps naufragés.
Le livre est court mais dense, chaque mot est pesé et Maylis de Kerangal nous entraîne dans les méandres de ses pensées, dont la première entraîne la suivante. Ces souvenirs sont entrecoupés par l'horreur de cette actualité qui fait que le passé est passé et qu'une nouvelles ère s'amorce.
J'aime l'écriture de cette auteure, profonde, mouvante et dont on entend la voix au cours de la lecture.
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Que j'aime la façon de penser de Maylis de Kerangal... A partir d'une information entendue à la radio (le naufrage d'un bateau de migrants à Lampedusa) elle nous dévoile ses sentiments et les associations d'idées qui lui viennent à la nuit tombée.
J'ai appris beaucoup, je me suis remémorée aussi des fragments d'histoires oubliées et je me suis laissée porter par son écriture très poétique.
Elle parle de la détresse, de la Sicile, des yeux bleus de Burt Lancaster « qui sondent l'envers du monde, cette zone intérieure de vacillemet et de trouble. » C'est ce même vacillement qui l'emporte vers cette Sicile et le naufrage de l'aristocratie décrite par Guiseppe Tomasi di Lampedusa, auteur du Guépard et mis en images par Visconti. Lampedusa comme trait d'union entre deux époques. Elle cherche à comprendre ce qui pousse les hommes à traverser les eaux. Ressurgit alors l'image de Burt en maillot de bains traversant les piscines des jardins américains pour rentrer chez lui (The Swimmer). Mais Burt est un migrant, lui aussi vient de loin. le rêve américain, comme île d'un autre temps, aujourd'hui les migrants trouvent malheureusement bien souvent l'Europe rêvée dans des eaux meurtrières. C'est alors que les mots de son père reprennent sens dans sa mémoire « la mer n'est pas un non-lieu, pas plus qu'elle est un espace indéterminé, une continuité fluide (...) en elle coexistent des zones diverses, de l'estran familier au gouffre de l'inconnu. »
à ce stade de la nuit, je me souviendrai longtemps de ce petit livre qui en dit beaucoup. « Ce que nous gardons en mémoire après avoir cessé de regarder ; ce que nous gardons en mémoire après avoir cessé d'exercer nos sens au sein d'un espace investi par le corps », je dirai que ce livre fera partie de mon paysage.
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Le souffle me manque.
Le silence s'impose en refermant ce petit roman d'une poésie douce et belle alors que le drame qui s'y joue est terrible.

La nuit...
Comme ce temps mystérieux qui voit les sensations se décupler, les émotions se révéler, les peurs prendre leurs aises tandis que la chape de calme berce les bienheureux.

Lampedusa...
Comme cette terre du bout du monde, pourtant si proche.
Comme ce sentiment d'impuissance face à cette catastrophe humanitaire.
Comme ce phare qui s'éteint parce que nos yeux préfèrent se fermer devant l'indicible.

Maylis de Kerangal...
Comme cette plume sublime qui trace un lien merveilleux entre le Terrifiant et le Beau.
Comme cette amoureuse du cinéma qui, à travers des images, tricote des brins d'humanité chaleureuse.

De ce roman ressort une espérance intense, rayon de lumière qui nous permet d'aller au bout du roman, au bout du voyage, à bord de ces barques précaires.
Bousculés, chahutés, apaisés ou révoltés, la magie de Maylis de Kerangal nous entraine vers d'infinies introspections, vers une soif d'humanité plus généreuse.

A ce stade de la nuit...
Comme un bijou.
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"Je pense à ces noms inscrits dans les paysages et je pense aux paysages véhiculés dans les noms". Qui n'a jamais mesuré le pouvoir évocateur d'un nom croisé au détour d'un livre, d'un film ou d'un simple globe terrestre ? Rêve, fantasme ou souvenir. Il suffit de quelques lettres pour déclencher des vibrations heureuses, tristes, pleines d'espoir ou mélancoliques, nourries par les perceptions amassées par notre inconscient.

En cette nuit du 3 octobre 2013, un nom résonne soudain dans l'esprit de la narratrice. Lampedusa. Un bulletin d'information à la radio égrène les faits, le naufrage d'un bateau de migrants, des centaines de morts au large de cette petite île. Lampedusa. Jusqu'à présent, ce nom était rattaché à des images précises, un film, un chef-d'oeuvre, le Guépard, le personnage de Burt Lancaster. Il évoquait la beauté, l'affrontement entre deux mondes, l'avènement de la modernité par la grâce du sourire d'Angelina.

C'est désormais d'une autre transformation dont Lampedusa sera le symbole, celui d'un monde où il n'est plus question de modernité ou de tradition mais de fuite, de guerres et d'exils. Maylis de Kerangal déroule, avec la précision et la musique qui caractérisent son écriture, le fil de ses pensées. A partir de ce nom, elle s'interroge sur les traces laissées dans les mémoires, sur la construction de nos consciences. Nous pouvons penser à l'île comme étant celle du trésor, celle de Monte Cristo, celle d'Ulysse, ancrées dans nos imaginaires par la magie des écrivains, ou désormais avoir en tête des visions de naufrages qui n'ont plus rien de littéraire.

Le voyage auquel nous convie l'auteur est un bel exercice littéraire qui propose un angle de vue très différent de ceux que peuvent livrer journalistes et intellectuels que l'on a l'habitude d'entendre sur le sujet. Il n'en invite pas moins à la réflexion, et d'une bien jolie manière.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Un peu moins d'une heure de lecture pour cette beauté d'écriture que possède Maylis de Kerangal. Le 3 octobre 2013, l'auteur entend aux infos qu'une embarcation transportant des migrants clandestins fait naufrage. Bilan : 300 morts. Lieu : Lampedusa. Ce nom l'a ramène à Burt Lancaster et à Giuseppe Tomasi, prince de Lampedusa, auteur d'un seul livre ‘Le Guépard', qui fut porté à l'écran par Visconti. Comment un même lieu peut-il faire rêver ou être un cauchemar ? Pour adoucir, comme il m'est arrivé souvent, MDK se pose la question du pourquoi telle chose et tel lieu se nomme ainsi.
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La nuit, seule dans sa cuisine, une femme écoute la radio. Nous allons l'accompagner dans ses réflexions a chaque stade de la nuit. Mais pourquoi cette insomnie ?
Maylis de Kerangal écrit la nuit du 3 octobre 2013, quand elle apprend qu'un bateau débordant de réfugiés sombrait au large de l'île italienne.
De là, elle va nous entraîner dans ses pensées nocturnes. J'ai aimé la façon dont elle fait réapparaître Burt Lancaster dans le Guépard de Visconti car le film a été adapté du roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, comme un écho sur le thème du naufrage.
Les images et les mots se superposent, et Maylis de Kerangal médite sur les douloureuses errances du monde.
Ce texte, dont les chapitres commencent tous par "A ce stade de la nuit" (qui donne un très beau titre au livre) est très original même si j'avoue avoir parfois perdu un peu le fil.

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Maylis de Kérangal. A ce stade de la nuit.

La narratrice écoute la radio au cours de la nuit dans la cuisine de son appartement parisien. Une information tombe : naufrage d'un bateau transportant des migrants à proximité de l'île de Lampedusa. Ce nom lui évoque un livre, un auteur, un film et une grande vedette, Burt Lancaster. Notre conteuse va revivre son voyage dans le transibérien, ses vacances en Italie, en Sicile. Dans ce court récit, Maylis de Kérangal nous force à penser à tous ces migrants qui échouent sur les côtes italiennes, ballotés par les flots dans des rafiots hors d'âge, dépourvus de sécurité. Ces hommes, ces femmes, ces enfants victimes de marchands de rêve paient un fort prix leur liberté. Combien disparaissent dans la Méditerranée? Combien de victimes? Nous ne le saurons jamais. Pour tenter d'atteindre le continent européen, depuis l'Afrique inutile de présenter une carte d'embarquement . Il faut uniquement des espèces sonnantes et trébuchantes, sans avoir la certitude d'atteindre l'eldorado promis.

de nombreuses descriptions de la nature, du relief, émaillent ses pensées. le vocabulaire très poétique nous plonge dans des réflexions sur le phénomène de la mondialisation, des navires battant pavillon maltais et ses frêles embarcations qui s'aventurent sur la grande bleue. Beaucoup d'émotions émanent de ce récit personnel. Maylis de Kérandal nous dérange dans notre petite vie tranquille. Nous devons réfléchir et être attentif au devenir de la planète et des hommes. Méditons et faisons en sorte de vivre tous en harmonie. Merci beaucoup pour ce texte et bonne lecture a tous.

Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Cône de lumière sur la nappe à une heure tardive, une femme seule dans une cuisine, tandis que la radio diffuse des flashes sur le naufrage de Lampedusa. L'esprit s'emporte, des associations inattendues lui viennent, Burt Lancaster dans "Le Guépard" de Visconti, tiré du roman du prince de Lampedusa, puis le même beau Burt dans "The Swimmer" (Frank Perry). Rapprochements décalés mais pas gratuits, Maylis de Kerangal lofe mais suit le cap, car les deux rôles, le prince Salina et Ned Merryl, sont "deux versions d'une même humanité" [...] "le prince et le migrant".

La radio murmure le fil d'informations sur le drame et la veillée est fiévreuse, intense : "quelque chose s'emballe" (p 10),"Je tremble de plaisir et frotte mes paumes l'une contre l'autre..." (p 32), "surexcitée, j'ai imaginé..." (p 45), "Mon coeur s'accélère" (p 66). Les idées fusent, une coulée de lave durcit, il y a vraiment de quoi écrire un livre dont Burt ne sera pas l'objet.

À d'autres stades de la nuit, une méditation sur la mer qui "n'est pas un non-lieu" et rappellent que l'écrivaine est fille de marin ; dans le sillage, de magnifiques pages sur les îles – la littérature en a fait son miel – en citant Michel Foucauld, "ces autres lieux [faits d'] une espèce de contestation à la fois mythique et réelle de l'espace où nous vivons". Maylis de Kerangal s'engouffre dans toutes ces brèches pour livrer des considérations portées par une écriture «viscérale».

Et le paysage surtout : "Je me dis parfois qu'écrire c'est instaurer un paysage", dans un détour par une leçon inaugurale de Gilles Clément au Collège de France en 2011 où il convoque les non-voyants pour expliquer les sens du paysage.

Ne manquez pas, revenez à ces pages-là, il y demeure la mémoire de migrants dans la nuit du monde, définitivement.

Une succession d'impressions, de minuscules événements négatifs peuvent déclencher l'abandon d'un livre comme je le fis avec "Naissance d'un pont". Me voici définitivement réconcilié avec l'auteure dont ce court récit, dès l'entame, ne m'a pas lâché.

Lien : https://christianwery.blogsp..
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1958... 1963... octobre 2013. Lampedusa. Une île, une terre, un nom, un livre, un film, une voix . Quel lien entre le roman de Tomasi di Lampedusa, le film de Luchino Visconti, et une nuit terrible d'octobre les 2013. Un lieu de mémoire, un paysage. Un entrechoquement de la mémoire, le chevauchement des émotions, le poids d 'un monde qui fait chavirer « l'espace où nous vivons ». « J'ai réalisé que Visconti avait filmé le bal du Guépard exactement comme un naufrage. » Les noms sont des paysages, ils portent et transportent des mémoires, une histoire, des légendes , et annoncent parfois d'autres tragiques possibles.
« Étrangement, le toponyme insulaire n'avait encore jamais recouvert le nom de fiction qui avait fini par sédimenter en moi – ce nom de légende, ce nom de cinéma -, mais ce matin, matin du 03 octobre 2013, il s'est retourné comme un gant, Lampedusa concentrant en lui seul la honte et la révolte, le chagrin, désignant désormais un état du monde, un tout autre récit. »
Le 3 octobre 2013, une embarcation transportant environ 500 migrants clandestins africains fait naufrage près de Lampedusa, île italienne proche de la Sicile. La catastrophe a fait 366 morts, ce qui en fait la deuxième plus grande tragédie en Méditerranée depuis le début du XXIe siècle.

Astrid Shriqui Garain
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