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Je trouve que le titre français : " Les Anges Vagabonds " est mauvais, certes plus vendeur mais assurément plus mauvais que ce qu'il devrait être et que l'éditeur Denoël a rétabli, à savoir : Anges de la Désolation, traduction beaucoup plus intuitive et fidèle au texte contenu dans l'ouvrage de l'original anglais : Desolation Angels.

Ce livre relate l'hiver 1956-1957 et une bonne partie de l'année 1957. C'est une période charnière pour Jack Kerouac car il est en passe de publier Sur La Route, avec le succès que l'on sait. Cependant, le Kerouac de Sur La Route date de 1947 tandis que le Kerouac actuel, avec dix ans de plus n'est plus du tout le même.

On le suit donc d'abord sur une terrasse de Mexico où viennent le rejoindre Allen Ginsberg, Gregory Corso et toute une bande de joyeux lurons, puis dans le tumulte new yorkais. Pris d'une envie de fuir l'Amérique et son froid hivernal il se jette dans un navire yougoslave en direction de Tanger (qui était une zone libre à l'époque, sorte de Goa nord africain) pour y rejoindre William Burroughs. Mais là encore il a la bougeotte et ne se sent pas à sa place. Il fait un saut de puce jusqu'à Paris, puis à Londres et s'en retourne finalement dans les bras de sa mère. Il lui fait alors sillonner les États-Unis, mais ce n'est pas forcément l'activité la mieux appropriée pour une vieille dame et le voilà donc, lui, une nouvelle fois seul et paumé à chercher une issue juste avant l'assommant succès littéraire de Sur La Route...

Autant il y avait de l'insouciance, autant il y avait de la gaieté et de la camaraderie propres à l'âge des protagonistes (en gros entre 20 et 25 ans) dans Sur La Route, autant il y a un parfum de morgue et de désillusion dans le Jack Kerouac de 35 ans. Beaucoup de ses anciens potes sont casés, ont fondé une famille, ont considérablement ralenti leur rythme de voyage et ont quelque peu calmé leurs ardeurs aux filles et aux stupéfiants.

Jean-Louis Kérouac, lui, est demeuré seul, sans lendemain, il vit encore chez sa mère et se fait d'ailleurs bien charrier par ses copains à ce propos. Les seuls qui ne se soient pas assagis sont ceux qui n'escomptent pas fonder une famille, à savoir essentiellement les homosexuels tels Allen Ginsberg ou William Burroughs ou bien les plus dépravés. Pour retrouver l'esprit intact qu'il avait tant aimé du temps de Sur La Route, il lui faut fréquenter des jeunots et des jeunottes mais dont le manque d'expérience et l'extraction sociale fort différente de la sienne l'empêchent de nouer des liens durables.

C'est donc un Kerouac chaque fois plus mystique, chaque fois plus solitaire, chaque fois plus désespéré, malgré tout nourri des valeurs du catholicisme de sa mère et qui s'accorde peu avec le je-m'en-foutisme des nouveaux beatniks. Il ne se reconnaît pas du tout là-dedans.

Ses voyages et ses errances, tellement grandioses dans Sur La Route, ont désormais le goût amer de la vacuité et du j'ai-passé-l'âge. Les branlettes intellectuelles de ses amis autour de l'art, de la poésie, lui sont désormais plutôt pénibles.

Il n'est plus à sa place nulle part et éprouve pourtant la bougeotte. Il se dit que dans tout ce flot d'idées, de gens, d'excès en tout genre, son seul point de repère, le phare de son existence est sa vieille mère, toujours égale à elle-même, toujours optimiste et courageuse, et qu'il entoure d'un halo semi divin.

Ce roman autobiographique s'inscrit chronologiquement entre l'expérience mystique des Clochards Célestes et la déchéance de Big Sur. Néanmoins, c'est un Kerouac plus lucide que jamais, capable également d'envolées lyriques surprenantes. C'est un Kerouac qui s'interroge sur le sens de la vie en général, sur le sens de sa vie en particulier, qui se sent de plus en plus en butte face au modèle américain, face à la façon qu'ont les Américains de considérer le monde, et lui, en tant qu'Américain ne se sent plus à sa place nulle part.

Il ne fait pas mystère de sa dérive alcoolique, et l'on perçoit bien qu'il y cherche toujours une échappatoire à ses idées noires. On imagine que le suicide a dû le tarauder bien des fois mais son ancrage culturel catholique lui interdit cette issue.

C'est donc un peu de tout ça que vous trouverez dans Les Anges Vagabonds, beaucoup de nostalgie et un tableau assez noir de l'errance sans but menée pendant trop longtemps, au-delà du stade où elle est bénéfique pour l'édification des jeunes gens lors de leurs jeunes années. Un Kerouac touchant en tout cas, à tout le moins c'est mon avis, lui aussi indigent et vagabond, perdu sur un sentier solitaire, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Ecrit plusieurs années après Sur la Route qui l'a lancé sur la voie de la renommée, ce roman-ci évoque cette période de vaches maigres qui précède la publication de son roman-phare. Kerouac a mûri, voire vieilli, et le regard exalté qu'il portait sur la vie et l'Amérique s'est mû en quelque chose d'un peu désespéré, sombre, mais pas (encore) aigri.
C'est une année charnière, où drogues et alcool lui font faire des expériences cauchemardesques, des bad trip dont il ressort à chaque fois un peu plus désolé, au sens littéral du terme (d'ailleurs le nouveau titre est Les Anges de la Désolation, bien plus proche de l'original que celui-ci).
Ses amis, les deux Bull (dont l'un, celui du Maroc, n'est autre que William Burroughs) ne sont plus que des caricatures d'eux-mêmes, de vieux junkies grognons, tandis que Irwin Garden (Allen Ginsberg) est à fond dans les projets et pousse comme il peut Jack (Duluoz, ici) à se bouger.
En tant que femme, bien sûr, j'ai moyennement apprécié le regard qu'il porte sur nous, mais j'ai découvert en revanche un auteur d'une grande sensibilité envers les petites et grosses bêtes (plus en tout cas pour les prostituées mineures qu'il s'envoie sans aucun état d'âme au Mexique).
J'avoue avoir beaucoup aimé la dernière partie, son voyage à travers les Etats-Unis pour installer Mémère, sa mère, en Californie, très émouvant, avant de la ramener en Floride chez sa soeur Caroline: nouvel échec cuisant pour cet homme qui n'aspire qu'à montrer à sa mère le bon garçon qu'il est.
Kerouac est clairement un écrivain aux transports exaltés et métaphysiques qui l'attirent malheureusement de plus en plus vers les tréfonds de son désespoir. Un homme agaçant mais touchant et profond.
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Ayant déjà lu Jack Kerouac, il y a très longtemps, j'avais gardé de lui un vague souvenir, autre que ce que je redécouvre aujourd'hui. Les temps ont changé, et j'ai moi aussi vieilli. Près de 50 ans après la sortie de ce livre, cette vie sur la route, passée de mode, fortement trempée de drogue et d'alcool, a perdu de sa magie. C'est touchant, mais plutôt triste, et plus pathétique et sombre que le symbole militant de la grande révolution des sacs à dos ,évoquée en quatrième page de couverture. Un livre plein de désillusion et de nostalgie, daté mais très intéressant, même si le monde a pris une autre direction. le style est à l'image du contenu, foisonnant et libre.
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Entre roman, autobiographie, récit de voyage et poésie, ce livre est un melting-pot de tout ce qui fait de la Beat generation, une bonne initiation à ce qu'est la littérature américaine du XXe siècle. Jack Kerouac vit son histoire avant de nous la livrer à l'écrit, il nous conte une histoire dont il est son propre héros. « Avides de connaître le plus de gens et de pays possible, de proclamer partout et de vivre une liberté qui est un scandale pour n'importe quel Américain moyen […] » dit l'introduction de mon édition, et c'est exactement ce que je ressens, ils sont jeunes avec l'envie de tout connaître, de tout voir, ne pas se fixer de limite et de vivre le rêve américain, là où la liberté domine tout.
J'ai trouvé que c'était une véritable bouffée d'air frais, même si l'écriture est décousue, on passe facilement d'un sujet à un autre sans vraiment de liaison, c'est quand même compréhensible, on sent que l'auteur a mûri au fil de son livre. Ce n'est peut-être pas le plus connu de Jack Kerouac mais ce serait dommage de le laisser tomber dans l'oubli car on apprend beaucoup au fil de ses aventures, en tout cas ça m'a beaucoup plu, et pour une première fois avec l'auteur j'apprécie le genre et le rythme donné à son livre.
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" On the road again"... ( 1980 - Willie Nelson)
Ah! Les années 60 et la " beat generation"
Toute une génération chargée d'espoirs nouveaux, de ce besoin de voyages, de grands espaces et ce refus de la vie ordinaire, besogneuse des parents!
Nous sommes nombreux à l'avoir rêvé, voire vécu.... le temps d'un voyage en stop, train, bateau à travers la france, l'europe, ou plus rarement  l'afrique, ou l'asie.
De Kerouac, c'est mon premier contact littéraire. Il était temps... maintenant que la carte vermeille a été supprimée !
L'auteur Ti Jean, deambule de New-York à Mexico, Tanger, Paris, Londres à la rencontre de ses alter-ego, poètes en mal de liberté. Et ce, au prix fort :les drogues en tous genres avilissent et détruisent leurs organismes.Une petite place pour Jésus et Bouddha côté spiritualité plus reposante.
"J'ai envie de m'arrêter parfois"
" Mais ma route m'entraîne toujours"
" Désir de concrétiser un symbole"
" de posséder l'unique beauté"
"Que l'on nomme "liberté"
(Michel Couringe _ la route 1968 )
La fin de l'aventure est proche, le besoin de stabilité se concretise avec la retraite de sa mère, qu'il accompagne. En fait, c'est elle, la personne stable et modératrice de son entourage.
Un style d'écriture très particulier se dégage de cette prose  qualifiée de "pop art littéraire ". Si le texte peut être fuide, parfois haché, et reste agréable à suivre, nombreux sont les passages très "décousus " et le lecteur doit imaginer les enchainements logiques... Les "psychodysleptiques" (drogues  en tous genres: alcools forts, cocaïne, opium, heroine, cannabis fumé ou en galettes, peyotl... agissent-ils fortement sur cette prose hachée ? ... et un texte s'envole ! À nous lecteurs de saisir le sens de ces circonvolutions littéraires .
Il aurait donc été dommage de ne pas avoir,_ une fois au moins _ lu mes rêves de jeunesse _  toxiques exceptés _ si bien exprimés par Ti Jean, chef de file de cette "beat génération ".
Donc 4/5 pour ce rappel... "du temps ou j'etais jeune.... du temps d'avant.." pour parodier un certain Jacques Brel...
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Une autre grosse claque que celui-là, ça devient routinier avec Ti Jean. Enfin, Duluoz. Kerouac, vous voyez. Mais Les Anges Vagabonds est un opus tout particulier de la grande saga esquissée par Jack, en réalité je crois que c'est celui que je conseillerais à quelqu'un qui voudrait s'y lancer.

Pris globalement, on pourrait le considérer de manière attendue comme une réécriture du Vagabond Solitaire, dont il reprend quasi-exactement le même schéma (Mexique, New-York, voyage en Europe, retour au bercail). le lecteur y retrouvera d'ailleurs des grands moments racontés différemment, comme la fameuse traversée chaotique de l'Atlantique dont l'auteur est persuadé qu'il n'en sortira pas vivant, mais on aura également droit à de nouveaux détails, anecdotes et perspectives tous plus intéressants les uns que les autres.
La grande différence étant que si le fameux vagabond parcourait le monde de façon quasiment abstraite, on se rapproche beaucoup plus ici du terre-à-terre d'un Sur la Route, en mettant tout particulièrement l'accent sur l'aspect communautaire. En effet, ce sont les amis de toujours, les poètes, les Beats, les fameux Desolation Angels (titre tout à fait classe changé en VF pour une raison qui nous échappera à jamais) qui sont au centre du roman, tous sous de faux noms, comme le veut l'usage. le cercle rapproché, tout d'abord, Ginsberg et Burroughs, bien sûr, et tout leur cercle homosexuel et exalté, qui seront la source des plus beaux passages du livre, créateurs de visions incohérentes et impressionnantes, toujours décrites dans le style endiablé de Kerouac. Mais on aura également le plaisir de retrouver des personnages spécifiques à certains romans, comme quelques bouddhistes des Clochards Célestes et surtout, le temps de quelques lignes (mais quelles lignes !) le grand Dean Moriarty, pièce centrale de Sur la Route.
A côté de ça, Kerouac parvient tout de même à se regarder en face, se réfléchir lui-même, ses années passées, celles qui restent à venir (trop peu nombreuses), et celles-ci, la fin des années 50, qu'il traverse comme une étoile filante. La dernière partie, durant laquelle il se retrouve en tête-à-tête avec sa mère, sont particulièrement émouvantes.

Si vous voulez vous lancer dans Kerouac, c'est donc vers les Anges Vagabonds que je vous recommanderais. Vous vous familiariserez avec ses longs délires et ses phrases interminables. Vous assisterez à un fabuleux road-trip sur plusieurs continents, des ruelles embrumées de Londres en passant par la côte de l'Afrique, les cafés parisiens et la chaleur mexicaine, l'auteur y parle de plusieurs périodes de sa vie (et donc des romans correspondants), rencontre des personnalités majeures de son cycle, nous offre de grands moments d'anthologie, qu'ils soient de mouvements (les adeptes comprendront) ou de réflexion, évoque la religion, la poésie, l'amour et l'amitié. Peut-être le centre de son oeuvre.
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L'auteur narrateur de Sur la Route ne m'avait pas totalement convaincue, je dois l'avouer. Il me semblait avoir des choses à prouver, même si le récit halluciné de ces trajets d'une côte à l'autre ad nauseam avait de quoi frapper les esprits.

En particulier je reprochais à Kerouac de ne pas avoir "nommé" Neal Cassady, jusqu'à ce que j'apprenne au hasard d'une chronique sur ce site qu'il avait obéi à une directive de son éditeur, et que son roman était passé dans une tronçonneuse. Il n'est pas dit que je ne lirai pas un jour ce "rouleau" dont on dit qu'il galvanise.

Je lui trouvais aussi un brin d'intellectualisme et comme toute puriste qui se respecte, j'avais peu de sympathie pour tout ce qui était écrit sous l'empire de la drogue.

Mais j'aime revenir aussi sur une idée négative. J'ai lu avec grand plaisir Les Anges Vagabonds ( livre 1 : Les Anges de la Désolation) qui jettent une lumière douce et authentique sur un écrivain que le succès n'a pas amoindri. Son voyage au Mexique avec ses amis, puis au Maroc et enfin sa retraite dans une petite maison où il installe sa mère, qui a vaillamment supporté la fatigue d'un voyage à travers le continent, tout cela fait ressortir le caractère fort d'un homme pour qui "beat" voulait dire "béat", comme dans "béatitude". Sans parler de son affection pour Mèmère qui m'est allée droit au coeur...

Le plus beau compliment que je puisse faire à Kérouac, après avoir lu Les Anges Vagabonds, c'est de l'avoir trouvé naturel, tout simplement.





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J'ai lu Sur la route et je n'ai pas accroché, trop long, trop route, je ne sais pas ça passait pas.

Les anges vagabonds c'est une autre affaire. L'écriture de l'instant de kerouac m'est apparue enfin, pure, simple et en même temps travaillée.
Les compagnons de route de Kerouac sont tous attachants, et l'on vit au même rythme qu'eux au fil des pages.

J'ai failli passer à côté d'un grand auteur, ouf.
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Un superbe livre qui joue sur une qualite exceptionnelle la fraicheur qui irrigue les pages de ce recit.On y trouve de la gentillesse, de l'humour et ces pages font réellement du bien à lire.Cette escapade a Mexico a un souffle,une vie exceptionnelle.
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Si tout le monde connait Sur la route, moins sont ceux ayant lu Les anges vagabonds. Et dans ce roman, cette aventure narrative, Jack Kerouac continue d'exposer sa vie comme une oeuvre littéraire (ou bien est-ce l'inverse?) et l'un et l'autre s'avère passionnant.

Les anges vagabonds, formellement, ce n'est pas Sur la route. La construction du récit, du chapitrage, la structure correspondent à ce qui se fait plus habituellement. Ce qui ont été dérangé par le rouleau original de Sur la route peuvent se lancer dans la lecture de celui-ci sans problème!

Dans Les anges vagabonds, Jack Kerouac continue l'exploration de sa vie et la mise en perspective de son oeuvre dans ce texte nous en révèle beaucoup sur l'auteur et son travail d'écriture. L'écrivain voyageur que l'on a rencontré Sur la route continue son chemin et explore la vie.

Dans ce récit, son oeuvre majeure n'est pas encore sorti. Il est donc toujours dans une sorte de minimalisme financier dont il s'accommode de moins en moins. Il cherche à définir le pourquoi de ses évidences passées et se retrouve confronter à ce qu'il fut sans parvenir à savoir ce qu'il est.

Les anges vagabonds, c'est une juste opposition à Sur la route, une suite mature. Si l'appel du voyage est toujours présent, la nuance est grande. Et même en allant (fuyant) de plus en plus loin, Mexique, Paris, Tanger, Jack Kerouac ne retrouve pas le frissons collectifs de ses premiers voyages, leurs indéniables candeurs.
La suite sur le blog…
Lien : http://livrepoche.fr/les-ang..
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