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EAN : 9782351782507
544 pages
Gallmeister (06/01/2022)
4.13/5   15 notes
Résumé :
Les guerres interminables de l'Amérique en Irak et en Afghanistan n'ont pas laissé indemnes Mason, médecin dans les forces spéciales, ni Lisette, grande reporter. Et pourtant, pour eux, la guerre est inséparable des notions de danger, de camaraderie, de sens de l'honneur. Elle fait partie de leur vie. En Colombie, le gouvernement américain s'efforce d'aider les autorités locales à mettre fin à la guerre civile tout en neutralisant les gangs de narcotrafiquants. Pour... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Voilà un roman diablement ambitieux qui entend explorer les répercussions de l'impérialisme américain post 11 septembre en un examen inflexible de la guerre moderne. Phil Klay jette une lumière cinglante sur le système de la guerre antiterroriste que l'armée américaine à développer et exporter dans le monde entier, de l'Irak à l'Afghanistan, de la Colombie au Yémen, dressant ainsi le portrait d'une gigantesque guerre, poreuse, mutable, éternelle.

Clairement, il ne choisit pas la facilité en centrant son récit sur le très complexe conflit colombien débuté dans les années 1960 opposant pêle-mêle armée gouvernementale, groupes paramilitaires ( forces auxiliaires de l'armée ), guérilleros communistes des FARC, les narco-trafiquants ainsi que les civils, cocaleros ou pas, aux obédiences mouvantes. Cela parait presque insensé de construire un récit cohérent à partir d'un matériau aussi chaotique. Cela demande de la discipline dans l'ossature narrative. Phil Klay y parvient et c'est très impressionnant de le voir droit sur sa ligne en refusant à simplifier le propos. Cela demande un effort de concentration et une attention exigeante afin d'absorber une quantité d'informations conséquentes.

Aucune concession non plus à l'impatience du lecteur. L'auteur prend son temps. Toute la première partie ( sur trois ) tend tour à tour le micro à quatre personnages qui racontent leur histoire à la première personne avant de se croiser en enfer, en Colombie, dans une petite ville du Norte Santander. Nous sommes en 2016 en pleine tentative de processus de paix. Un référendum se prépare pour valider un accord entre le gouvernement et les FARC prévoyant un cessez-le-feu, un désarmement des guérilleros et une justice transitionnelle « clémente » pour les repentis.

Dans un quasi flux de conscience proche de la confession, l'auteur révèle leur mécanisme interne et leurs cicatrices psychologiques, se faisant le narrateur convaincant de la vie intérieure de ses quatre personnages, tous abîmés excellemment caractérisés :
- le droit et étroit Mason, vétéran d'Irak, appartenant aux forces spéciales américaines envoyé comme officier de liaison pour aider les autorités locales à mettre fin à la guerre civile tout en neutralisant les gangs de narco-trafiquants qui pullulent en Colombie.
- la journaliste américaine Lisette qui après avoir couvert l'Afghanistan recherche une guerre que les Américains ne perdent pas. le personnage le plus intéressant car le plus ambigu, à la fois cynique et naïve, idéaliste et blasée.
- Abel, un ex-paramilitaire qui l'était devenu après le massacre de sa famille par les FARC. le plus touchant, en quête de rédemption mais forcément rattrapé par la dure réalité.
- Juan Pablo, un officier colombien ultra conservateur, inquiet par l'accord de paix en cours, voulant protéger sa fille de l'idéalisme de gauche. Il apporte une véritable réflexion intellectuelle au récit, presque philosophique.

Après une première partie tournée vers l'intériorité, le récit bascule, l'intrigue colombienne démarre dans un rythme et une mécanique proches du thriller jusqu'à un dénouement sanglant. Ce que le roman perd en introspection, il le gagne en vitesse et ampleur, embrassant une vision large et d'une infinie richesse, scrutant la diversité des expériences humaines sous le feu d'une violence extrême. Et c'est extrêmement violent avec des scènes insoutenables mais jamais gratuites parvenant à éviter tout sensationnalisme.

Malgré quelques digressions un poil fastidieuses, Phil Klay maintient la clarté dans des scènes très peuplées insérées dans des événements complexes aux multiples ramifications. Il trie le chaos pour donner du sens entre ironie et empathie profonde pour ses personnages, entre brutalité urgente et réflexions éthico-philosophiques, poussant le lecteur à méditer sur la persistante angoissante de la violence dans le monde contemporain.

Un roman puissant, ambitieux et lucide, captivant.

PS : Phil Klay est un ancien Marine. Les Missionnaires est son premier roman de fiction, après Fin de mission qui revient sur son expérience en Irak, il faut que je le lise ...
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Phil Klay est un ancien Marine ayant servi sur le front irakien de janvier 2007 à février 2008. Après « Fin de mission », un recueil de nouvelles aussi poignant que réaliste, il vient de publier son premier roman, « Missionnaires », qui revient comme son ouvrage précédent sur l'engagement des Etats-Unis dans d'interminables campagnes en Irak, en Afghanistan et en Colombie.

« Missionnaires » est un roman très construit, qui, à la manière d'une série, multiplie les angles de vue et les temporalités, en déroulant un récit non linéaire du point de vue de quatre narrateurs distincts. La précision de cette construction quasi-mathématique permet à son auteur d'emmener son lecteur sur les fronts irakiens, afghans et colombiens, et la maestria avec laquelle Phil Klay développe son intrigue est saisissante. Ce procédé est cependant tellement utilisé dans la littérature américaine contemporaine qu'il ne surprend plus. Si le récit gagne en ampleur en multipliant les focales et les époques, il perd sans doute une forme de supplément d'âme qu'une intrigue linéaire sans artifice permet plus aisément de proposer à son lecteur.

« Est-ce qu'il y a la moindre guerre aujourd'hui qu'on ne soit pas en train de perdre?

Et au bout de quinze minutes, il me répond par deux mots :

En Colombie. »

Ce court extrait résume l'idée-force du roman, qui, s'il s'attarde sur les conflits irakiens et afghans dans lesquels sont enlisés les Etats-Unis, a pour ambition de revenir sur les ramifications et les enjeux d'une guerre dont on parle moins, celle qui est menée en Colombie.

Sur les quatre narrateurs que l'on suit sur une longue période allant de 1986 à nos jours, deux sont colombiens : Abel, un jeune paysan dont la famille est massacrée par la guérilla, qui rejoint malgré lui Jefferson, un chef paramilitaire aussi influent que malfaisant et Juan Pablo, un haut gradé de l'armée colombienne qui travaille en étroite coopération avec les services américains. Les deux autres narrateurs sont américains : Mason, infirmier engagé sur le front irakien et Lisette, journaliste baroudeuse basée à Kaboul pour couvrir le conflit afghan.

Si le début de l'intrigue nous donne l'occasion d'appréhender toute l'horreur et toute l'absurdité des enlisements irakiens et afghans, on comprend que le coeur du roman bat en Colombie, au creux d'un conflit inextricable, qui évoque une équation insoluble, mêlant paramilitaires, narcos et guérilla, entités se décomposant en factions avides d'argent et de pouvoir, aux alliances fluctuantes, capables d'une cruauté qui dépasse l'entendement.

Lisette et Mason vont en effet reprendre du service en Colombie où leurs destins vont s'entremêler avec ceux d'Abel et de Juan Pablo. L'intrigue qui se noue au présent et met en scène un paysan enrôlé par les paramilitaires, un haut gradé de l'armée colombienne, un ex-infirmier devenu agent de liaison et une reporter au sang chaud, donne l'occasion à Phil Klay de proposer une analyse très fine du conflit colombien.

« Les missionnaires » est ainsi un ouvrage protéiforme et brillant qui permet tout à la fois de revenir sur l'impasse désenchantée des fronts afghans ou irakiens et sur la complexité infinie du conflit colombien.

Exceptée l'attachante Lisette, le roman souffre cependant d'un défaut d'incarnation, et n'est traversé ni par le supplément d'âme, ni par l'improbable poésie qui caractérisent les chefs d'oeuvre du genre. Si le nouvel opus de Phil Klay reste un exercice de style virtuose, il n'atteint pas les sommets des superbes « Yellow Birds » de Kevin Powers ou « Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn » de Ben Fountain.
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Raconter la guerre ; raconter les guerres.

Parmi les théâtres d'opérations extérieures dans lesquels les USA se sont engagés ces dernières années, il y a les plus connus : Afghanistan, Irak, Libye. Et puis il y a les autres, ceux où la guerre est différente, moins visible, officieuse, larvée. Mais c'est la guerre quand même.

Dans Les Missionnaires, Phil Klay – traduit par Laura Derajinski – nous plonge au coeur de la guerre civile colombienne, dans cette période d'avant 2016 où après 220 000 morts, 40 000 disparus et 6 millions de déplacés, un accord de paix entre les FARC et le gouvernement se dessine. Dans la douleur, et toujours dans le sang.

C'est là que se retrouvent Lisette, grand reporter en manque de terrain depuis l'Afghanistan, venue y recueillir la parole des populations civiles, et Mason, agent des forces spéciales US rangé du terrain mais toujours actif depuis son bureau, ses téléphones et ses rendez-vous secrets.

Officiellement, voilà un conflit où les États-Unis ne sont pas engagés mais où tous leurs services rivalisent d'interventionnisme occulte : des intrigues de la CIA aux actions commandos des SEAL, ils y mènent une guerre qui ne dit pas son nom.

Mais qui dit guerre dit ennemi, et une faction guérilléros en chassant souvent une autre, les alliances se faisant et se défaisant au gré du pragmatisme politique, il apparaît bien difficile à définir pour les Américains, posant constamment la question de la légitimité changeante de leur intervention.

Et du côté de la population, le dilemme est souvent le même, à l'image d'Abel dont la famille a été assassinée par les Mil Jesùses, mais qui finira par travailler pour leur chef Jefferson, avant de se ranger puis de lui revenir à nouveau, témoignant malgré lui de la difficulté à choisir un camp, à garder ses convictions et à rester en vie simultanément.

« Si vous voulez que les gens rejettent la paix, présentez-leur des victimes des FARC. Si vous voulez que les gens l'acceptent, reparlez-leur que l'État a du sang sur les mains, lui aussi. » (…) « Il y a vingt ans, je payais le vaccin aux FARC. Il y a quinze ans, je le payais aux paras. Il y a cinq ans, je le payais aux Peludos, et puis aux Urabeños. (Il secoua la tête.) Cet endroit est comme un ballon de foot, et ils se font juste des passes. »

Et puis à La Vigia, dans le Norte de Santander, tout ce petit monde va se retrouver, mettant chacun face à ses responsabilités face à un final sanglant devenu inéluctable.

Les Missionnaires est une grande et ambitieuse fresque romanesque, doublée d'une réflexion politique poussée sur l'évolution de l'intervention des USA dans ces conflits : de l'Afghanistan - guerre ingagnable - à l'Irak – et ses armes de destructions massives qu'on ne trouva jamais –, on est passé à la Colombie (et au Yémen, en Syrie, aux Philippines…).

Klay raconte qu'on ne fait plus la guerre, mais qu'on déploie désormais des successions de missions, pour la plupart occultes. Des missions qui n'ont plus besoin d'objectifs ni de justifications réelles, mais qui ont juste lieu « parce qu'on ne peut pas rester sans rien faire » et que l'équilibre politique de la paix est de plus en plus complexe à trouver.

Si Fin de mission, recueil de nouvelles où Klay racontait les séquelles de la guerre, m'avait emballé, j'ai eu beaucoup plus de mal avec Les Missionnaires, reconnaissant la qualité et la profondeur du travail de l'auteur, mais souvent perdu dans la myriade de factions rivales, les nombreux rappels historiques, et une forme d'hésitation perpétuelle entre le roman et l'essai historico-politique.

Mais pour qui est, comme moi, amateur de livres de guerre, de politique et d'histoire contemporaine, alors Les Missionnaires se doit d'être lu.
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Brillant, complexe dans ses ramifications, ce premier roman sidère par sa puissance de frappe, par la force de son cri multiple et foisonnant de plusieurs voix, toutes dénonçant la Guerre avec un G majuscule – ces conflits qui n'en sont qu'un, fusionnant en une seule lutte menée par ces missionnaires du bien porteurs du mal et de la violence. Violent, brutal, ce roman force à ouvrir des yeux que certains préféreront garder clos (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/01/26/les-missionnaires-phil-klay/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Après #findemission récompensé par le National book award en 2014, l'auteur livre un premier roman explosif.
Car c'est à un exercice périlleux que s'est attelé #philklay avec la dissection des ressorts humains dans les conflits armées auxquels participent les États-Unis.
Une participation qui peut prendre plusieurs formes : la formation militaire ; la mise à disposition de conseillers ; le soutien logistique et jusqu'à l'intervention des forces militaires sur le terrain.
Dans ce roman, l'Irak et la Colombie sont les deux pays hôtes des interventions. le premier permet de saisir les personnages principaux et leurs motivations : le sens du devoir pour certains , le sens éthique de l'information pour d'autres. Et il y a les méchants, les lâches et ceux qui subissent sans un mot, sans un cri. L'immersion dans la Colombie des paramilitaires, des guérilléros et des narcotrafiquants se fait en apnée.
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critiques presse (1)
LeFigaro
24 mars 2022
Phil Klay livre un premier roman âpre et éblouissant sur les conflits contemporains, en Irak, Afghanistan et Colombie.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Pendant la journée, les bâtiments s’élevaient vers les pentes vertes et luxuriantes, et la nuit, les lumières de la ville dévalaient les crêtes comme des rivières scintillantes. Les gens y étaient plus accueillants, plus directs, plus honnêtes. Même les politiciens semblaient mentir plus honnêtement.
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Ces jours-ci, une idée me traverse parfois l'esprit tandis que je suis allongée dans mon lit, à essayer de dormir : je suis brisée, je suis brisée et j'ignore comment j'arriverai à combler ce trou que j'ai percé dans mon âme.
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Il y a vingt ans, je payais le vaccin aux FARC. Il y a quinze ans, je le payais aux paras. Il y a cinq ans, je le payais aux Peludos, et puis aux Urabeños. (Il secoua la tête.) Cet endroit est comme un ballon de foot, et ils se font juste des passes.
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On ne vit pas pour ses coéquipiers. On se prépare à mourir pour eux. C’est très différent.
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Quand je suis arrivée ici, j'enrageais de voir l'indifférence de la plupart des gens, chez moi, face à la mort des Afghans. Tous ces êtres humains qui souffraient, qui mourraient, qui se battaient avec un courage qui peut vous motiver pendant au moins quelques années. C'est un sentiment que je doute de retrouver un jour. Ces jours-ci, une idée me traverse parfois l'esprit tandis que je suis allongée dans mon lit, à essayer de dormir : je suis brisée, je suis brisée et j'ignore comment j'arriverai à combler ce trou que j'ai percé dans mon âme.

C'est alors que j'entends la détonation bien plus puissante de la deuxième bombe.
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Videos de Phil Klay (20) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Phil Klay
Phil Klay - Fin de mission .Phil Klay vous présente son ouvrage "Fin de mission" aux éditions Gallmeister. Traduit de l'américain par François Happe. Retrouvez le livre : http://www.mollat.com/livres/klay-phil-fin-mission-9782351780831.html Notes de Musique : Cryptonite by Hellmood B. Ware. Free Music Archive. www.mollat.com Retrouvez la librairie Mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat You Tube : https://www.youtube.com/user/LibrairieMollat Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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