AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782491241148
300 pages
Editions du Faubourg (20/08/2020)
3.81/5   16 notes
Résumé :
Né au Liban pendant la guerre, Elias Naccache a fait fortune en revendant sa première start-up à la faveur de la bulle internet du début des années 2000.  L’histoire commence lorsqu’il disparaît en Syrie où il a rejoint des volontaires chrétiens engagés contre Daech.
Qu’est-ce qui a pu conduire ce petit génie du web à se déconnecter au point de prendre les armes ?
Un magazine people confie à son ami d’enfance le soin de mener l’enquête. La biographie ... >Voir plus
Que lire après La déconnexionVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Pourquoi est-il parti combattre Daech en Syrie?

Dans un premier roman habilement construit, Éric L'Helgoualc'h met en scène un jeune romancier qui tente de comprendre ce qui a poussé son ami à tout quitter pour aller combattre Daech en Syrie.

Au terme d'un exil de vingt ans qui lui a permis de goûter à la gloire médiatique, le narrateur quitte Paris pour retourner vivre à Saugé-le-Château, «petite ville au croisement de la Mayenne, du Maine-et-Loire et de l'Ille-et-Vilaine», où il essaie d'oublier «une série de catastrophes intimes». Finies les soirées mondaines où son aura de jeune romancier prometteur, couronné du Prix de Flore, lui offrait des conquêtes faciles, finies ses chroniques corrosives dans la matinale de France-Inter. Il aspire désormais au calme afin de pouvoir se remettre à l'écriture.
Mais sa retraite sera de courte durée. Au bar du Roncevaux, le bistro du coin, les commentaires vont bon train après l'annonce sur la chaîne info que «l'homme d'affaires Elias Naccache était porté disparu en Syrie. Car à Saugé, on a croisé le personnage qui «a toujours été un peu spécial. Déjà quand il habitait dans le coin, c'était un type étrange, solitaire, limite autiste». Mais c'était surtout l'ami d'enfance du narrateur. Ce dont la rédactrice en chef du magazine Vanity Fair se souvient fort bien lorsqu'elle le contacte pour lui proposer de faire le portrait du disparu.
Commence alors une plongée dans l'adolescence, depuis ce jour où, après le cours d'anglais, Elias et le narrateur font connaissance sur les banquettes du bistrot en face de l'école. Dès lors, ils ne se quittent plus, ou presque. Car Elias va très vite se passionner pour l'informatique et consacrer la quasi-totalité de son temps libre à aligner des lignes de code, au grand désespoir de sa mère, la belle bibliothécaire que reluquent avec envie tous les habitants du village.
À l'heure où l'internet de développe à grande vitesse, Elias ne tarde pas à aligner les millions, revendant sa première start-up pour développer de nouveaux projets tout aussi lucratifs. Une réussite insolente couronnée en 2003 par un mariage largement commenté dans la presse people. le petit-fils de bergers du Chouf devenu multimillionnaire en euros épouse Laure Brétigny de Tourneville. Mais comme souvent le glamour ne dure qu'un temps. Elias délaisse son épouse et le divorce vient clôturer leur brève idylle, sans toutefois que Laure ne cède ses parts au sein du Conseil d'administration. Quand Elias se retrouve à nouveau seul, il reprend contact avec son ami d'enfance et l'invite à découvrir son nouveau refuge, un prieuré dans le Morvan. C'est là qu'il choisit sa nouvelle voie. «La majeure partie de son temps, il la consacrait désormais à défendre ses convictions. Il avait voulu retrouver l'impression de peser sur le cours du monde. le sentiment d'être utile. À l'âge où le commun des mortels songe à épargner pour la retraite, il s'était demandé comment dépenser au mieux son argent. Alors il avait saisi cette occasion offerte aux millionnaires de sentir à nouveau leur coeur qui bat sous leur portefeuille: il était devenu philanthrope.»
Une évolution que les témoins de l'époque racontent et détaillent, mettant au jour de nouvelles facettes de la personnalité de cet homme décidément bien mystérieux.
En croisant les points de vue, en faisant s'exprimer les proches d'Elias, en n'hésitant pas à chercher jusqu'au Liban la clé du mystère Naccache Éric L'Helgoualc'h réussit un roman où se mêle actualité brûlante et quête universelle, petits arrangements entre amis et grands sentiments, jalousie et envie, analyse et psychanalyse. le tout sur un rythme de thriller qui rend «La déconnexion» très agréable à lire. Une belle réussite!

Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          330
Elias Naccache, le très célèbre homme d'affaires franco-libanais dans le domaine des nouvelles technologies de l'information, a bâti sa fortune en rétrocédant opportunément sa première start-up juste avant l'explosion de la bulle spéculative d'Internet du mois de mars 2000. Quelques années plus tard, il renonce à tout, puis part pour la Syrie combattre Daech aux côtés des Chrétiens d'Orient lorsque, à la fin de l'année 2017, la presse révèle sa soudaine et mystérieuse disparition à Raqqa.


Le retentissement médiatique de l'affaire conduit un célèbre magazine, qualifié pour investiguer sur les « splendeurs et gloires déchues » du monde du spectacle, de la politique, de la mode, ou de l'actualité (Vanity Fair), à solliciter d'un écrivain la rédaction de la biographie de Naccache. L'auteur était connu pour ses chroniques sur France Inter. En outre, les deux hommes étaient amis d'enfance, écoliers en province, puis adultes à Paris, jusqu'à leur brouille, peu de temps avant le départ d'Elias qui manifestait des opinions politiques extrémistes de droite et identitaires.


Pour ce faire, le journaliste convoque ses souvenirs de lycéen en Pays de Loire, puis d'adulte à Paris ; il entend les témoins - amis épouse et maitresses, qui ont rythmé et influencé la vie de son ami.


Au début de l'année 2018, il entreprend l'écriture d'un ouvrage :

« Ce livre est le fruit d'un éclairage nouveau, tout en explorant certains aspects de la vie d'Elias qui m'avaient largement échappé. Ce récit peut être vu comme la version augmentée d'un programme défaillant. Je m'y suis autorisé un ton plus personnel ». (P.8).


Ce livre s'intitule « La déconnexion ». L'on comprend immédiatement la singularité du « roman » d'Éric L'Helgoualc'h qui prend la forme d'un récit dans le récit, d'une histoire dans l'histoire. L'auteur du livre, (le chroniqueur de Vanity Fair dans le « roman » d'Éric L'Helgoualc'h), n'est autre que le narrateur choisi par L'Helgoualc'h lui-même dans son propre roman.


Éric L'Helgoualc'h donne ainsi le ton et utilise intelligemment les modèles de la narration en provoquant volontairement une confusion entre l'auteur et le narrateur, entre la réalité et la fiction. Mais n'allons pas trop vite, nous reviendrons sur ce point essentiel du récit…


La « Déconnexion » est le premier « roman » publié par Éric L'Helgoualc'h aux Édition du faubourg. Sa critique n'est pas aisée, pour autant que l'on veuille être objectif. Et pour faire litière de chicanes ou controverses, celle-là aurait pu se limiter à : « Un récit intelligent soutenu par une expression linguistiquement remarquable, mais effroyablement manichéen et intellectuellement malhonnête en considérant que l'auteur, bien au fait de son sujet, fait preuve d'une parfaite mauvaise foi. ».


Un chouia sommaire…


En premier lieu, « La Déconnexion » est un roman très plaisant à lire et très bien écrit. Quand bien même l'intrigue peut, au premier abord, paraitre convenue - impression vite dissipée au deuxième - on ne s'ennuie pas un instant. le récit n'est pas, cependant, un polar ou un thriller comme certains commentaires ont pu le laisser entendre. le narrateur ne part pas «physiquement » à la recherche d'Elias Naccache et la question de son retour ou de sa disparition définitive ne semble pas essentielle à l'auteur. Les inconditionnels du suspense se délecteront cependant du dernier chapitre.


L'intrigue, infiniment plus subtile, concerne la perspective psychologique de la métamorphose d'Élias Naccache l'ayant poussé à se « déconnecter », à renoncer à la prospérité, à se radicaliser à l'extrême droite et à fuir combattre Daech en Syrie. La psychologie est omniprésente dans le roman autant dans l'analyse de la situation que dans celle des personnages du narrateur que d'Élias Naccache.


Au demeurant, lorsque le narrateur décide d'écrire son livre afin de s'y «autoriser un ton plus personnel », Éric L'Helgoualc'h, pour reprendre les mots de son éditeur, confronte alors « deux quadras en déconfiture d'égo ». C'est encore la preuve des confusions entretenues par l'auteur : les deux ouvrages n'en sont qu'un ; le narrateur et l'auteur seraient la même personne. En outre, cette « confrontation » constitue l'un des conflits, au sens littéraire, le plus intéressant et éclairant de l'intrigue tout au long du récit.


Néanmoins, l'organisation de celui-ci présente quelques défauts et anomalies : des incohérences, chronologiques notamment, et surtout une disposition des évènements très désordonnée. Les retours en arrière (flash-back) ou les projections dans le futur ne sont pas en cause à la condition de rester rigoureux, ce qui n'est pas toujours le cas. La combinaison de ces deux défauts égare parfois le lecteur et ruine quelque peu la qualité du roman. Une lecture attentive de la P. 76, par exemple, témoigne d'une incohérence dans l'agencement du synopsis.


En second lieu, et sur la substance du récit, l'approche de l'auteur est déplorable, empreinte, pour le moins, de raccourcis et de démagogie.
Nous avons vu que la maitrise brillante de la technique narrative par Éric L'Helgoualc'h induit une confusion entre l'auteur et le narrateur et, par voie de conséquence, entre la part de réalité et de fiction du récit. La part de roman s'émousse au bénéfice d'un essai, d'une biographie, ou encore d'une « autofiction ». Dans tous les cas, et plus que dans le roman qui relève essentiellement de l'invention et de l'imagination, l'auteur développe dans ces genres littéraires des thèses lus comme le reflet de sa pensée et de ses croyances.


Soit. S'il est séduisant et enrichissant de lire des avis divergents, il ne faut pas tout de même « charrier avec le beurre » par des propos excessifs, de mauvaise foi, voire mensongers.


La conversion d'Éric Naccache à des thèses identitaires d'extrême droite, haïssable et méprisable évidemment, ne justifie pas les harangues explicites, d'inspiration islamo gauchistes, adressées indistinctement à l'ensemble d'une communauté, en l'occurrence les Chrétiens d'Orient de Syrie, qui seraient tous de dangereux terroristes (1), des confusions systématiques entre racisme et détestation de l'Islam (P. 34), des allusions ad hominem douteuses (contre le philosophe Alain Finkielkraut, juif ancien déporté, pour « sa voix chevrotante » ou encore le journaliste Patrick Cohen parce que très circonspect à l'égard des chroniques du narrateur sur France Inter…), des attaques systématiquement contre Israël et leurs services secrets désignés comme des terroristes, et, en même temps, un quasi-mutisme à l'égard du fléau islamiste et, plus généralement, des raccourcis, sur la guerre en Syrie et les responsabilités de part et d'autres qui ne se traitent péremptoirement pas en quelques pages. La situation est bien plus complexe. Aussi l'auteur en dit trop, et dans ce cas, il le dit mal, ou pas assez.


Aussi, la démarche d'Éric L'Helgoualc'h n'est pas, à cet égard, défendable, sachant qu'il ne peut plus se retrancher, et pour cause, derrière l'écriture pure et simple d'un roman et d'une fiction.


Sous cette réserve importante, « La déconnexion » est un livre, captivant, mais qu'il convient de lire avec un esprit très critique et vigilant.


Bonne lecture.

Michel.



1- Pendant la guerre civile syrienne, le régime de Bachar el-Assad tente de se présenter comme un protecteur des chrétiens d'Orient contre les djihadistes. le journaliste Henri Tincq, spécialiste des religions, qualifie cette position d'« imposture ». Les chrétiens restent plutôt en retrait lors du conflit, certains rallient l'opposition — comme Georges Sabra — et d'autres le régime, mais la plupart ne soutiennent aucun des deux camps.

(Source Wikipédia).













Lien : https://fureur-de-lire.blogs..
Commenter  J’apprécie          201
***,*

Avant toute chose, un grand merci à Babelio et aux Editions du Faubourg pour l'envoi de ce roman dans le cadre de Masse Critique.

Alors qu'il a rejoint son village natal, à Saugé le Châteu, et qu'il traverse des temps difficiles, un romancier sur le déclin croise le regard d'un ami d'enfance sur les écrans de télévision. En effet, Elias Naccache a disparu en Syrie. est-il mort ? kidnappé ? Ou a-t-il seulement voulu disparaître ? L'écrivain se voit alors confier la mission de retrouver sa trace...Que va-t-il découvrir ? Quel fantôme, secret ou voile vont alors émerger à la lumière...

Ecrit sur le rythme du thriller, La déconnexion est un premier roman prometteur.

Avec une acuité acérée, Éric L'Helgoualc'h peint ici le portrait d'un monde où tout se mêle et s'emmêle.
Qu'il soit sujet d'amitié, de business ou de valeurs philosophiques, les 2 protagonistes se cherchent. D'amis d'enfance, ils se sont éloignés. Leurs idéaux n'étaient plus compatibles, leur style de vie non plus. Mais la vie et ses travers les ont finalement rapproché...

Qu'est-il arrivé à Elias ? le narrateur partira en quête de cet homme mystérieux, mais aussi de lui-même, trouvant des réponses là où il ne les attendait pas...

Un roman réussi, qui nous entraîne dans les méandres de vies en quête de sens...
Lien : https://lire-et-vous.fr/2020..
Commenter  J’apprécie          210
Merci à Babelio et sa Masse Critique de m'avoir envoyer ce livre !

ATTENTION : Je n'ai pas la prétention de me prendre pour un chroniqueur pro, je ne suis qu'un simple lecteur qui sait apprécier un bon bouquin !

Je ne vais pas faire un résumé du roman car celui plus haut est très bien.

Critique perso : Premier livre de l'auteur, La déconnexion ressemble à un polar dans le fond mais pas dans la forme. On n'a pas un policier qui cherche des indices mais un écrivain qui va essayer de reconstituer la vie de son ami. le but final étant de comprendre les raisons de son engagement dans le conflit syrien.
J'ai été séduit par la prose simple mais efficace de l'auteur. Pas de phrases à rallonges ni de discours grandiloquents.
On se laisse entraîner dans l'histoire sans en être vraiment totalement aspiré. Pour moi c'est dû à deux choses. La longueur du livre (seulement 300 pages) qui ne permet pas de développer une intrigue très complexe. Et l'intrigue en elle-même. On a un récit qui essaie de dénoncer d'un côté le djihadisme et de l'autre les combattants chrétiens. Au final on se retrouve avec une caricature de l'extrême droite où les méchants fachos sont décrits comme des nazis.
J'ai vraiment eu l'impression que ce texte était écrit par un militant de la France insoumise tellement les clichés sur l'extrême droite était gros.
Bon à ce stade de la lecture de ma critique vous avez comprise que je votais RN. Un fachooo de 22 ans ?! Rassurez-vous, je ne cherche pas à exterminer les musulmans, ni à partir en croisade en Syrie... Je souhaite une France où tous les citoyens puissent vivre librement et non dans la peur, une France qui soit fière de son Histoire, une France où la liberté d'expression est présente... En résumé, une France qui redevienne puissante, rayonnante et libre et non ce qu'elle est en train de devenir.
Bon assez parlé de moi, revenons au livre.
Suite à mon orientation politique, j'ai donc eu beaucoup de mal avec ce discours simpliste de l'auteur où l'extrême droite est diabolisée.
Un livre qui conviendra donc très bien aux antifas, FI, gauchistes, etc.
Un livre qui passera avec un peu de difficulté pour les personnes ayant des idées un peu extrême-droite.
Je suis désolé si ma critique vire au débat politique mais l'intrigue du livre le veut.
Petit mot pour l'auteur si il lit ceci :
Vous avez du talent c'est indiscutable, cependant ne faites pas l'erreur de tomber dans des caricatures grotesques. Je comprends que vous avez des idées politiques autre que les miennes, mais je suis sûr qu'en vous détachant des clichés ce livre aurait été un succès !
Commenter  J’apprécie          10
Un écrivain qui part à la trace d'un ami d'enfance. Et pas la simple recherche sur copains d'avant, car l'ami en question est parti faire une sorte de guerre sainte chrétienne contre les djihadistes en Syrie.

A la frontière entre le témoignage, le roman personnel et l'investigation, ce roman rythmé par des chapitres plutôt courts et rythmés. Pourtant l'histoire m'a peu ennuyé. Par certains côté l'histoire ressemble à un Houellebecq, mais de l'autre les histoires personnelles de l'auteur étaient un peu pénibles.

Le chapitre de la fin, de son ex-compagne, résume bien finalement l'ouvrage. L'auteur écrit bien mais l'idée du roman n'était peut-être pas la meilleure.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
INCIPIT
Quand on perdit la trace d’Elias Naccache dans le chaos du conflit syrien, quelque part dans les ruines de Raqqa, sa disparition eut suffisamment d’écho pour qu’un magazine versé dans le glamour et les destins brisés me confie le soin d’écrire son portrait. Le public voulait comprendre comment un homme tel que lui, devenu millionnaire après la vente de sa première start-up, avait pu disparaître dans des circonstances aussi extravagantes. On s’était aperçu dans les rédactions qu’il existait peu d’informations fiables à son sujet. On disait qu’il s’était fait évincer de la direction de son fonds d’investissement par ses propres associés. Qu’il vivait reclus dans un monastère transformé en bunker sophistiqué. Qu’il avait développé une passion pour les armes à feu. Qu’il se préparait en secret à la guerre civile attisée par ses amis d’extrême droite. Jamais il n’avait pris la peine d’opposer le moindre démenti. Pour avoir œuvré à la plus formidable explosion d’ego de l’histoire, il avait compris que dans cette ère nouvelle, l’ultime luxe serait le silence.
Je me suis donc lancé dans l’exercice périlleux consistant à retracer sa vie sur la foi de quelques témoignages. J’avais pour m’aider le soutien ambigu du souvenir. Elias et moi avions noué à l’adolescence des liens d’amitié qui avaient survécu aux aléas de l’âge adulte. Comme tant d’autres avant nous, nous avions pris à vingt ans la route de Paris. Sa réussite avait été fulgurante. La mienne, toute relative, plus longue à se dessiner. Nous avions continué à nous voir par intermittence, jusqu’à ce que ses choix politiques nous éloignent pour de bon.
Je me suis mis au travail quelques semaines après sa disparition. Mon portrait est paru deux mois plus tard, en décembre 2017, huit pages sur papier glacé entrecoupées de publicités pour des montres de luxe. Je n’en avais pas terminé avec lui pour autant. Au début de l’année suivante, dans des circonstances évoquées plus loin, j’ai fini par accéder à un pan méconnu de cette histoire.
Ce livre est le fruit de cet éclairage nouveau. J’y décris le déroulement de mon enquête initiale, tout en explorant certains aspects de la vie d’Elias qui m’avaient largement échappé. Ce récit peut être vu comme la version optimisée d’un programme défaillant. Je m’y suis autorisé un ton plus personnel. Les détracteurs habituels de mes romans, ceux qui m’ont reproché mes excès dans la mise en scène de soi, ne manqueront pas d’y voir une nouvelle preuve de narcissisme. Après la parution d’un de mes livres, un commentaire m’a beaucoup amusé, d’autant qu’il visait juste : « Écrirait-il une biographie de Vercingétorix qu’il ne pourrait s’empêcher de se peindre en combattant d’Alésia, se demandant s’il tient correctement son épée pour la photo, si le grand moustachu hirsute qui agite sa hache à côté de lui a compris qu’il baisait sa femme ou s’il a bien fait de reprendre du sanglier. »
Bien vu, camarade critique ! Quel autre motif vous pousse à noircir des centaines de pages sur la vie d’un autre, sinon l’envie de vivre par procuration des choses qui vous seront à jamais interdites ? Dans chaque biographe, il y a un contemplatif saisi de vertige devant l’existence d’hommes et de femmes voués à la démesure. Plutarque devait s’ennuyer ferme dans son magistère de prêtre d’Apollon pour consacrer tant d’années à la vie des gloires de son temps, un ramassis de démagogues et de conquérants sanguinaires. Stefan Zweig était un Austro-Hongrois raffiné, baignant dans la poésie et l’opéra, attiré par des figures louches de prophètes, d’aventuriers et d’explorateurs. Je ne suis pas de la trempe d’un Zweig, et le personnage principal de cette histoire n’a sans doute rien d’un héros selon ses goûts, mais je n’ai pas peur, au moment d’entamer ce récit, d’assumer pleinement cette part de fascination.

Une flèche perforant la brume comme un rêve vaporeux. Le dialogue des cloches dans le lointain. Un vol d’étourneaux. L’automne qui glisse sur le bocage. Un concentré de campagne française. Cette France de publicité pour des produits gastronomiques où des gens continuent de vivre. Certains matins, on n’y voit rien à cinquante mètres, si ce n’est le clignotement d’une barre d’éoliennes alignées au bord du lac. Pour les paysans du coin, derniers témoins d’un merveilleux païen condamné à l’oubli, un monde de lunes rousses, de floraisons miraculeuses et de chats-huants traversant les nuits d’équinoxe, c’est la promesse d’un hiver glacial qui s’étalera jusqu’au premier redoux de mars.
Ainsi parlent les vieux du café d’en face, englués dans une éternelle partie de belote. Il arrive, c’est inévitable mais de plus en plus fréquent, qu’un d’entre eux en vienne à « casser sa pipe ». Depuis la fenêtre de mon bureau, je vois passer au ralenti le convoi funéraire, suivi d’une grappe de silhouettes voûtées qui luttent avec la dernière énergie contre le champ d’attraction du cimetière. Le soir, je les retrouve au Roncevaux, attablés devant un tas de cartes et une tournée de kirs, seigneurs imperturbables dans leurs costumes sombres. La mort d’un homme qu’ils ont dû croiser tous les jours pendant plus de soixante ans n’a pas l’air de les affecter plus que ça. J’entrevois des abîmes de haines recuites, querelles de murs mitoyens, passions dévorantes nées d’un bal de la Saint-Jean et tenues sous silence pendant un demi-siècle, paternités coupables enfouies dans la mémoire de vieilles nourrices. Les ferments habituels du drame paysan qui font le sel des sagas familiales tant prisées par ma mère. Si j’avais encore mes entrées à la Maison de la Radio, je rédigerais illico une chronique au vitriol pour écorner le mythe de la solidarité rurale, antidote supposé à l’anonymat des villes.
Vingt ans passés loin de ceux qui m’ont vu grandir et voilà que j’en parle comme Ovide en exil évoquant les mœurs des tribus locales du haut de sa supériorité romaine. Moi aussi, j’ai vécu comme une punition la série de catastrophes intimes qui m’a poussé à quitter Paris pour retourner vivre là où j’ai grandi, à Saugé-le-Château, petite ville au croisement de la Mayenne, du Maine-et-Loire et de l’Ille-et-Vilaine. De mon enfance à Saugé, j’ai gardé une certaine aversion pour la vie de province. Après m’être cru installé dans la capitale, copropriétaire d’un trois pièces et d’une carte de membre du Silencio, j’ai le sentiment d’avoir été rejeté sur les rives du bassin parisien. D’être aussi inutile qu’un gadget en plastique charrié par la marée comme il en flotte au large des côtes chiliennes, un amas de la superficie d’un pays, presque un continent – j’ai vu pendant ma cure un documentaire sur le dispositif de ramassage dérivant inventé par un jeune ingénieur pour sauver les milliers de goélands qui meurent chaque jour d’avoir avalé des capsules de bouteilles usagées.
Suis-je moi aussi devenu un déchet toxique ? Pour peu qu’on jouisse d’une mince parcelle d’exposition médiatique, on voit passer sur Twitter un tel flot d’insultes qu’on finit par penser qu’elles contiennent une part de vérité. Ma courte expérience de la célébrité a culminé au milieu des années 2010, quand j’animais une pastille radiophonique sur France Inter. Cinq minutes durant lesquelles j’épinglais les travers de mes contemporains à coups d’aphorismes roublards, en affectant l’air détaché du majordome stoïcien qui réajuste sa cravate en plein naufrage du Titanic. Un producteur m’avait repéré au cours d’une émission où j’étais venu défendre mon dernier roman, tout juste auréolé du prix de Flore. J’avais, comme on dit, crevé l’écran, improvisant avec un artiste de stand-up ce qu’un site spécialisé dans l’actualité des médias devait décrire comme « un numéro de duettistes désopilant » au détriment d’un candidat à la présidentielle. À l’issue de cette prestation, un ponte de Radio France avait eu l’idée, pour pimenter la matinale en perte de vitesse, de me confier une chronique « poil à gratter ». Il avait fait le pari qu’un romancier à la cote frémissante, auquel on prêtait « un regard acerbe et décalé sur la société », secouerait un auditoire lassé des attaques à sens unique des humoristes en place.
Je me suis acquitté de ma tâche avec sérieux et abnégation, tapant fort et large, affichant une prédilection pour mes semblables, ces affreux bobos caricaturés en cœur de cible de la station, même si mon spectre était plus généreux, embrassant aussi bien les ayatollahs du marché libre que les adorateurs transis du peuple-roi. Bref, une chronique bien dans le ton d’une époque qui réserve un sort privilégié à ceux qui attisent les flammes, vestales modernes incarnant l’esprit de la cité, libre de sa parole et égalitaire dans ses détestations successives. J’avais ce talent, on m’a payé pour l’exercer, et plutôt bien d’ailleurs.
À présent, ce potentiel de toxicité, illimité à en croire l’intéressée, j’en use essentiellement aux dépens d’Adèle, mon ex-femme, celle que j’appelle désormais « la mère de mes enfants ». La jeune étudiante en lettres avec laquelle j’ai parcouru les cimetières en déclamant des poèmes devant les tombes de mes chers auteurs morts. Celle dont j’ai adoré chaque parcelle de peau dans la ferveur des premières nuits. Celle qui a guidé mes débuts d’écrivain en supportant d’une humeur égale mes bouffées d’enthousiasme et mes crises d’inspiration. Celle qui m’a laissé seul sur la piste lorsque j’entamai ma glissade sur les neiges artificielles d’une célébrité de saison, glissade pathétique d’où surnage le souvenir de coucheries fugitives et de matins honteux. Pas le premier ni le dernier des gentilshommes de province à Paris qui finisse essoré par la machine à la première occasion de briller.
C’est fou le nombre de sollicitations dont vous pouvez faire l’objet quand votre voix touche subitement plusieurs millions d’auditeurs. Après mes débuts à la radio, chaque fois que je me rendais à une soirée, les invités murmuraient sur mon passage. Les femmes riaient de ma conversation, ce qui était de plus en plus rar
Commenter  J’apprécie          10
Les plus fanatisés voyaient en lui une sorte d'imam caché du nationalisme identitaire parti s'initier à la guérilla urbaine pour mieux préparer la résistance sur le sol français...

On entendait la petite musique de la conspiration. Une escouade d'enquêteurs s'était mise à décortiquer la vie du disparu pour y découvrir les preuves d'une machination. Les participation de son fond d'investissement dans des start-up israéliennes..., sa présence épisodique au dîner du Siècle suffit à faire monter l'âcre fumet du complot.

Fasciné par les trésors de dialectique jetés dans cet abîme de bêtises, je passais des heures à tout lire et regarder, les vidéos, les tweets, jusqu'aux commentaires d'un long billet de blog écrit par un géopolitologue amateur "non soumis à la doxa mondialiste" qui présentait l'affaire comme une sombre histoire d'oléoducs impliquant des barouzes turcs, des indépendantiste kurdes, les services français et un businessman aux tendances islamophobe instrumentalisé par le Mossad. Je pensais avoir touché le fond lorsque j'ai appris que le hashtag #MadElias était installé en tête des tendance Twitter... Hitler comme personne à la tête de toute une division nazie... atteignit en quelques heures les trois millions de vues sur Youtube. Mon ancien ami était devenu un mème. Lui-même qui avait bâti sa fortune sur l'essor des réseaux sociaux, théorisé ce mouvement, fourni les moyens de son prodigieux déploiement, voilà qu'il se retrouvait à son tour au cœur du vortex.
Commenter  J’apprécie          90
Ma déception fut encore plus vive quand il m'apprit qu'il avait décidé de renoncer à l'astrophysique pour se spécialiser en informatique. Aujourd'hui encore, ce mot fait surgir en moi la vision de moustachus en chemisette capable d'atteindre une forme de jouissance en disséquant des notices techniques de commutateurs et des plans de cartes mères. Des types étrangers et solitaires à jamais enfermés dans leur bulle régressive, chez lesquels chaque apparition de Dark Vador gainé de cuir noir provoque un émoi insidieusement homéorotique.
Comme si le grand ordonnateur de l'univers avait oublié, en les programmant, d'installer le logiciel des rapports humains...

Comment aurais-je pu imaginer qu'il faisait partie d'une avant garde ? Ils étaient quelques-uns comme lui a préparér l'avènement de monde nouveau. Bientôt la terre entière se mettrait à genoux devant ces tycoons en baskets, qui finiraient par transmuer la norme succession des 0 et des 1 en promesse de vie éternelle.
Commenter  J’apprécie          60
Cherche du côté de la mère: je n'avais pas oublié les conseils de ma chère commanditaire. De ce point de vue-là, le résultat de mon entrevue avec Georges Lahoud dépassait ses espérances. Cette tension latente entre Elias et Leïla, ces frottements entre deux êtres au tempérament abrasif, il suffisait d’en récupérer la limaille et de la plonger dans l’élixir de la psychanalyse pour en obtenir de l'or. Le gamin épris de science quand sa mère ne jure que par la littérature. L’étudiant surdoué à qui elle interdit de faire Polytechnique pour ne pas le voir défiler en uniforme et qui finit en treillis, les armes à la main. L'enfant d'un couple de révolutionnaires arabes qui épouse une héritière de l'aristocratie française. Le fils d'une militante marxiste devenu multimillionnaire à vingt-cinq ans, philanthrope conservateur à quarante. p. 188
Commenter  J’apprécie          70
Pourquoi se jeter dans un tel bourbier quand on se fait une si belle place dans le monde ?..., il fallait être pauvre pour commettre un geste désintéressé.
Qu'un homme s'en aille combattre le terrorisme islamiste en Syrie, ça ne leur semblait ni plus ni moins insensé que toutes les calamités qui s'étaient abattues sur le pays depuis trois ans...
Tout le monde gardait en mémoire les massacres qui avaient ensanglanté Paris deux ans plus tôt, mais c'est l'assassinat d'un prêtre dans une petite ville normande qui continuait de marquer les esprits, avec ce côté "c'est arrivé près de chez vous" qui rend l'horreur plus palpable...
Commenter  J’apprécie          60

Video de Eric L'Helgoualc'h (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Eric L'Helgoualc'h
Présentation du roman par l'éditeur :
"- une une excellente maitrise langagière, - une intrigue "ultra" contemporaine, - une histoire à rebondissement.... "
Les plus populaires : Littérature française Voir plus
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus

Autres livres de Eric L'Helgoualc'h (1) Voir plus

Lecteurs (50) Voir plus



Quiz Voir plus

Rions avec les titres ! 👂🏻 🍷

Quoique peu banal, le fait divers était passé inaperçu : le ...❓...

rapt au square de lolita rose
vol de sept cent quatre os pour six nez

10 questions
46 lecteurs ont répondu
Thèmes : jeux de mots , humour , potache , titres , bande dessinée , parodie , acoustique , baba yagaCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..