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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Petit essai qui décortique en quelques pages les mécanismes qui font qu'un peuple reste sous le joug d'un tyran sans se révolter. Tout d'abord, l'habitude : si le passage de la liberté à la servitude est dure à vivre, les gens qui naissent esclaves ne peuvent pas regretter ce qu'ils ne connaissent pas. Les divertissements et les quelques largesses que distribuent le tyran rendent les gens plus disposés à se soumettre, pourvu qu'on continue à les amuser. Et enfin, une structure de soumission pyramidal, qui encourage les citoyens à rentrer dans le système en espérant grappiller quelques miettes de richesse plutôt que de tout risquer pour défendre leur liberté.
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Ce cours texte écrit par LA BOETIE à l'âge de 18 ans (alors qu'il n'était encore ni magistrat au Parlement de Bordeaux, ni ami avec Montaigne) frappe le lecteur moderne pour plusieurs raisons.
D'abord et en premier lieu pour son propos subversif et sa défense de la liberté qu'il place en tête de toutes les valeurs pour lesquelles on peut risquer sa vie.
Fortement indigné par l'instauration d'un impot sur le sel, la gabelle, qui ruine les petits producteurs, et par la répression royale face à la révolte populaire, il condamne la servitude à laquelle les hommes consentent ce qui mène les tyrans à diriger le monde.et ce brûlot laisse dans son sillage un petit goût d'anarchisme.
Mais un second degré de lecture conduit à réfléchir sur ce qui fait accepter aux hommes les contraintes extérieures liées aux autorités diverses qui les régissent et que la domination peut prendre bien des visages
Ce texte présenté dans les lycées est propre à susciter des réflexions salutaires et notamment sur le niveau des étudiants. Quel jeune de 18 ans peut se vanter de nos jours de posséder une culture gréco-latine comparable à cette du jeune LA BOETIE ?
Avant de poursuivre votre réforme contestée,Mme NAJAT VALAUD.BELKACEM refléchissez bien et surtout plongez-vous dans la littérature antique et vous verrez qu'elle structure notre socièté et que ses idées et concept sont porteurs de NOTRE AVENIR.
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Dans son célèbre discours sur la servitude volontaire, La Boétie, qui n'a alors que 18 ans, s'interroge sur les raisons qui amènent les hommes à se soumettre à un tyran, et ensuite à rester volontairement à son service.
Le désir de liberté des hommes est effectivement engourdi, par les plaisirs que la société lui offre, par les facilités qu'elle lui procure, et par la religion.

C'est encore d'actualité, plus que jamais. Au vingtième siècle, les idéologies ont remplacé largement la religion pour ce qui est de maintenir les hommes en servitude (communisme, capitalisme). Au vingt-et-unième siècle, les idéologies perdent de leur influence et sont remplacées par des formes plus subtiles de manipulation sans doute. La prolifération des phénomènes de burn-out, d'épuisement professionnel montre bien que des individus ont su s'anéantir, volontairement semble-t-il, pour se livrer corps et âme à leur travail. On leur a proposé une mission qui dépassait largement leurs seules possibilités en leur faisant miroiter que tout reposait entre leurs mains. Et la servitude devient encore plus volontaire… La part de moi qui est adulte se méfie de ce contrat qui me laisse totalement le champ libre, la part d'enfant en moi apprécie ce sauf-conduit pour la toute puissance. Et je tombe dans le panneau.
Pour justifier une charge de travail manifestement excessive, un de mes managers m'a une fois sorti cette phrase hallucinante : « dans ton précédent service, on te fouettait comme un âne mort, mais tu vois maintenant on te cravache comme un cheval de course, c'est dire si on croit en toi ». Cela résume bien la situation actuelle.


La Boétie l'avait vu aussi, les esprits les plus libres ne se laissent pas asservir par les distractions et les plaisirs mais par cupidité et désir d'honneur. Bref par le besoin de reconnaissance, ce qui reste d'actualité. D'où la question à se poser :
Est-ce que mon besoin de reconnaissance me transforme en courtisan ? de fait, le courtisan est encore moins libre que l'homme du peuple puisqu'il doit non seulement servir le tyran, mais également le côtoyer et d'autant plus penser comme lui.
Nous avons une chance énorme, dans nos sociétés démocratiques, que le pouvoir soit très peu exercé par la répression, il ne tient donc qu'à rejeter la servitude volontaire, pour ceux qui le souhaitent, à l'accepter pour ceux qui la convoitent et à choisir le juste milieu pour ceux qui se sentent capables de marcher au bord du gouffre.


Si l'on pouvait écrire chaque jour un journal de ses libérations et de ses soumissions... Il est important que la balance penche du côté de la libération, mais la route est semée d'embuches et nécessite parfois quelques compromis pourvu qu'ils ne mènent pas à passer outre son éthique.
Et quand on ne cherche pas le pouvoir mais changer le système, la soumission au système est parfois nécessaire pour changer les choses de l'intérieur. C'est trop facile de dénoncer le système, de se situer à l'extérieur, parfois d'en profiter un peu ou même beaucoup et de s'en laver les mains en le dénonçant d'un bloc.
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Excellent ! Je me suis régalé à lire cet opuscule qui était passé entre mes griffes. C'est surprenant, qu'un essai politique aussi "vieux" puisse être aussi pertinent de nos jours, pour peu qu'on adapte légèrement le discours à nos problématiques contemporaines.


Du point de vue des idées, ce livre n'a rien à envier aux anarchistes de notre époque. Quant à l'écriture, elle est proprement jouissive (dans sa traduction récente), avec des tournures de phrases bien senties et des moments de foutage de gueule particulièrement réjouissants : je pense au passage faussement laudateur à l'égard du royaume de France. Bref, un classique et un indispensable !
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Pour sa taille et son contenu, ce livre mérite clairement d'être lu; notamment des jeunes lycéens. Relativement aisé dans son vocabulaire et sa structure, l'auteur (tout aussi jeune lors de la rédaction de ce "discours") tente d'expliquer en fonction de sa perception de la Nature Humaine les mécanismes guidant l'asservissement volontaire des masses.
Bien qu'on sente qu'un certain recul, le thème et le raisonnement du texte mériteraient d'être approfondis, on en termine pas moins la lecture avec l'intime conviction que, malgré son jeune âge et à cette époque, l'auteur a déjà bien cerné les rouages qui organisent (en partie donc) la hiérarchie sociale.
C'est une très bonne mise en jambe vers la Philosophie, le questionnement de l'ordre établi, que ce petit discours.
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Le "Discours de la Servitude Volontaire" de Étienne de la Boétie, oeuvre philosophique d'une profondeur remarquable, demeure un texte incontournable de la pensée politique. Ce traité offre une réflexion saisissante sur la nature du pouvoir et de la soumission. La Boétie n'avait il me semble que 23 ans lorsqu'il l'a écrit, impressionnant!

Dans un style éloquent, La Boétie expose la question centrale de la servitude volontaire, démontrant avec une clarté remarquable comment les peuples, par leur consentement tacite, peuvent se soumettre à des régimes tyranniques. À travers une analyse minutieuse des mécanismes de domination, l'auteur met en lumière la complicité des gouvernés dans leur propre asservissement, dévoilant ainsi les fondements psychologiques de la soumission.

Le discours de la Boétie transcende son contexte historique pour offrir une réflexion intemporelle sur les rapports de pouvoir et les dynamiques sociales. Sa pensée, d'une lucidité saisissante, résonne encore aujourd'hui dans les débats sur la liberté individuelle et la résistance à l'oppression.

Oeuvre d'une rare pertinence, le "Discours de la Servitude Volontaire" continue d'exercer une influence profonde sur la pensée politique moderne, invitant les lecteurs à questionner les fondements de l'autorité et à défendre les valeurs de liberté et de dignité humaine. L'avoir étudié en classe préparatoire m'a beaucoup apporté!
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Étienne de la Boétie (1530-1563) fait partie de ces célébrités dont la brièveté de l'existence ne leur a pas empêché de marquer l'histoire. La Boétie a vécu une vie brillante et brève comme celle d'une comète. On connaît tous ce que Montaigne disait à propos des liens d'amitié qui le liait à La Boétie : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi ». Cette amitié intellectuelle et humaine s'est révélée très tôt, Montaigne est impressionné par le discours de la Boétie sur la servitude volontaire rédigé vers l'âge de 18 ans. Ce texte d'une vingtaine de pages est resté célèbre à la fois pour sa critique violente du pouvoir politique, mais aussi pour l'érudition et la profondeur de pensée dont témoigne cet adolescent. Curieusement, la citation qui résume le mieux l'oeuvre de la Boétie et qui lui est attribuée à tort a été formulée par un député girondin Pierre Vergniaud en 1792 « Les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ». La thèse de la Boétie est la suivante : Les gouvernants conquièrent et maintiennent leur pouvoir en entretenant la peur afin de maintenir dans la suggestion le peuple qui se soumet au pouvoir en place par la force de l'habitude et de l'éducation. D'une certaine manière le peuple est responsable de son aliénation, car il n'ose pas s'insurger contre une minorité qui organise une hiérarchie à plusieurs niveaux pour assurer sa domination. On peut dire que La Boétie a inspiré le courant philosophique de l'anarchie qui soutient que si l'homme est rationnel il n'a pas besoin de gouvernant pour gérer sa vie.

Le génie de la Boétie tient dans des idées simples, parfaitement exprimées et démontre un certain courage à une époque ou toute rébellion à l'autorité était sévèrement réprimée.

Ce texte est incontournable pour tous ceux qui s'intéressent à la politique et à la philosophie et ne représente pas un très gros effort de lecture. Toutefois je conseille de le lire dans une édition en français moderne ce qui n'est pas le cas du texte publié dans la collection Librio qui reproduit quasiment le texte du manuscrit d'origine avec les tournures de phrases et le vocabulaire du début du XVIe siècle. J'ai dû consulter souvent des dictionnaires anciens pour déchiffrer certains passages comme celui-ci : « … Lesquels pensera-l'on qui plus gaillardement iront au combat, ou ceux qui espèrent pour guerdon de leurs peines l'entretènement de leur liberté, ou ceux qui ne peuvent attendre autre loyer des coups qu'ils donnent ou qu'ils reçoivent que la servitude d'autrui ?... » (Page 11/12). Ce qui en français moderne pourrait être ainsi traduit : « Lesquels iront le plus courageusement au combat : ceux qui espèrent pour récompense le maintien de leur liberté, ou ceux qui n'attendent pour salaire des coups qu'ils donnent et qu'ils reçoivent que la servitude d'autrui ? »

Il est évident que lire le texte dans sa formulation d'origine ne présente d'intérêt que pour le lecteur qui s'intéresse à l'ancien français. Ce choix de l'éditeur est étonnant pour une collection de vulgarisation qui vise un public de lycéens ou de lecteurs qui souhaitent améliorer sa culture générale et non pas se présenter au concours d'entrée de l'école des chartes.

Le texte est complété par un discours de Benjamin Constant sur la liberté et la démocratie comparés entre l'antiquité et nos jours prononcé en 1819 et par la fable De La Fontaine « Le loup et le chien », si ce dernier texte était utile pour illustrer le propos de la Boétie, le discours de Benjamin Constant n'est là surtout que pour rajouter quelques pages à un volume très mince, mais il est vrai très bon marché (2 euros).

Si vous souhaitez lire la Discours de la servitude volontaire, orientez-vous vers une édition en français moderne complétée par un appareil critique.

Je note 4 étoiles pour l'oeuvre de la Boétie, mais je ne mettrais que 1 ou 2 étoiles pour le travail de l'éditeur.

— « Discours de la servitude volontaire », Étienne de la Boétie, Librio (2015), 73 pages.
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Comme le titre l'indique, il s'agit d'un essai sur la "servitude volontaire". L'auteur considère que la soumission du peuple à un tyran par exemple, ne peut s'expliquer par le rapport de force, et qu'il y a de fait un renoncement à sa liberté de la part du peuple. La Boétie propose des explications à cet état de fait, rappelle que la liberté est ce que l'homme a de plus précieux, explique aussi comme les tyrans s'y prennent pour assujettir un peuple, etc.. J'ai trouvé le texte intelligible, plutôt facile d'accès, très intéressant et tellement actuel !
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Retour au programme de l'agrèg, avec une nouvelle fois le genre d'oeuvres dont on entendrait jamais parler sans la confection de ces programmes académiques quelques fois inspirés comme cette année... Beaucoup d'ados, fougueux contestataires, tels que je le fus, ont dû adorer ce très court essai, qui fustige la tyrannie et, comme l'indique le titre, le processus de servitude volontaire qui s'instaure.

En le découvrant maintenant, outre l'obstacle de la langue de l'époque (car je le lis en langue originale) à laquelle on finit par s'habituer mais qui conserve de temps à autre une certaine obscurité, je n'adhère pas entièrement à l'ensemble du propos et du texte, même si je dois quand même louer pour l'époque l'audace de la pensée, de l'exercice, ainsi que la dernière partie. Elle aborde en effet les tentations humaines, et La Boétie s'éloigne alors de ce qui ressemblait jusque-là à un discours de hippie post-68ard caricatural qui en fait des caisses et qui en devient ridicule. C'est l'hugolien qui écrit ça, mais oui, il y a quelques fois des complexés du messie lourdingues, dans leur mission, dans leur sacerdoce de sauveurs idéologiques de la masse, nonobstant la noblesse de leur cause.

Anyway, lorsque La Boétie arrête de vouloir secouer comme des pruniers les paysans, et réfléchit à l'exercice du vice, de la récompense, des biens sur les serviteurs faibles face à l'or ou au pouvoir, ou nous instruit d'anecdotes antiques d'autorité, on comprend mieux l'influence du texte et son passage à la postérité, même s'il demeure relativement peu connu aujourd'hui. Si vous voulez découvrir les prémices de la littérature politique, juste après L'Utopie de Thomas More, un ancêtre (lointain, hein!) de la véhémence hugolienne, une sorte de premier exercice en la chose, avec une langue en devenir, encore imprégnée du latin dans le participe présent et certaines structures, prenez l'occasion, surtout que c'est très court, 50 pages à tout casser!!
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Etienne de la Boétie : de la servitude volontaire (traduction en français moderne et analyse par Alain Mahé, avec une traduction en arabe et en kabyle, éditions Bouchene)
Cette déclamation fameuse étonne par sa violence, une violence égale à l'encontre du tyran et de ceux qui acceptent sa tyrannie : Mais ô bon Dieu ! Que peut-être cela ? Comment dirons-nous que cela s'appelle ? Quel malheur est-ce ? Quel vice, ou plutôt quel vice malfaisant ? Voir un nombre infini de personnes, non pas obéir, mais servir, non pas être gouvernés mais tyrannisés ; n'ayant ni bien ni parents ni femme ni enfants, ni leur vie même, qui soit à eux? (p 35). le seul avantage [du tyran] c'est celui que vous lui faites pour vous détruire [...] Comment a-t-il le moindre pouvoir sur vous que par vous ? Comment oserait-il vous assaillir s'il n'était d'intelligence avec vous ? Que pourrait-il vous faire si vous n'étiez pas receleurs du voleur qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue et traîtres à vous-mêmes? Vous semez vos champs afin qu'il les ravage. Vous meublez et remplissez vos maisons pour fournir ses pillages. Vous élevez vos filles afin qu'il ait de quoi assouvir sa luxure. Vous élevez vos enfants afin que, dans le meilleur des cas, il les envoie dans ses guerres et les conduise à la boucherie, qu'il les fasse les agents de ses convoitises et les exécuteurs de ses vengeances (p 41-3). Quand il est désigné, « vous » c'est le peuple: C'est le peuple qui s'asservit et qui se condamne de sa propre faute et qui, ayant le choix d'être serf ou d'être libre, repousse sa liberté et prends le joug. C'est le peuple qui consent à son mal ou plutôt le recherche (p 39). [Le peuple] sert si librement et si volontiers qu'on dirait à le voir qu'il a non pas perdu sa liberté mais gagné sa servitude (p 53).

Selon La Boétie, la force des armes n'est pas la cause de ce vice malfaisant, de cette intelligence avec le tyran: Ce ne sont pas les bandes de cavaliers, ce ne sont pas les compagnies de fantassins, ce ne sont pas les armes qui défendent le tyran. On ne le croira pas d'emblée mais c'est pourtant vrai. Ce sont toujours quatre ou cinq qui soutiennent le tyran, quatre ou cinq qui lui tiennent tout le pays en servage (p 79). Cependant la force des armes va étendre et maintenir la tyrannie dans une construction pyramidale: Ces six ont six cents qui profitent sous eux et font de leurs six cents ce que les six font au tyran. Ces six cents en tiennent six mille sous eux. Ils les ont élevés à une dignité leur conférant ou le gouvernement des provinces ou la gestion de la fiscalité […] En somme, qu'on en arrive là par les faveurs ou les avantages, par les gains ou les regains qu'on a avec les tyrans, il y a en fin de compte presque autant de gens auxquels la tyrannie semble être profitable que de ceux auxquels la liberté serait agréable (p 79).

Les causes de la servitude sont l'ignorance, l‘habitude et la religion : Il n'est pas croyable comme le peuple, dès qu'il est assujetti, tombe si soudain dans un tel et si profond oubli de la liberté qu'il n'est pas possible qu'il se réveille pour la recouvrer (p 50). Les tyrans eux-mêmes trouvaient bien étrange que les hommes puissent supporter un homme leur faisant mal. Il tenaient beaucoup à se parer de la religion et, s'il était possible, emprunter quelque parcelle de la divinité pour soutenir leur méchante vie [...] En France, les nôtres semèrent je ne sais quoi du même genre : des crapauds, des fleurs de lys, l'Ampoule et l'oriflamme... (p 75). Mais La Boétie va plus loin puisqu'il affirme que la servitude est volontaire: Il n'y a que la liberté que les hommes ne désirent pas. Uniquement, semble-t-il, parce que s'ils la désiraient, ils l'auraient : comme s'ils refusaient de faire cette belle acquisition parce qu'elle est trop facile (p 41). Voire. Est-ce le défi d'un jeune homme (La Boétie a écrit LSV à 18 ans), une façon de mettre l'asservi face à sa responsabilité quand il peut encore résister ? Ou est-ce la dénonciation d'un vice de la nature humaine, un désir de soumission, présent chez chacun et qu'on doit reconnaître et combattre ? On ne trouve pas littéralement dans LSV le désir d'être dominé, qui va plus loin que la passivité devant la domination, sinon dans le calcul servile et intéressé de l'entourage immédiat du tyran. Pourtant cette extrapolation a été formulée et Alain Mahé discute cette « interprétation exemplaire » de Claude Lefort p 302. Une vue plus réaliste est que la tyrannie est souvent installée par la force. Elle peut l'être par la ruse dans un coup d'état, mais en cas de succès le tyran dispose bientôt de la force économique et militaire. La Boétie écrit que : Il y a trois sortes de tyrans. Les uns ont le royaume par l'élection du peuple, les autres par la force des armes, les autres par la succession de leur lignage (p 49). La première est illustrée par Napoléon III après sa période libérale, la seconde par la révolution russe, la troisième par la monarchie héréditaire de droit divin où les rois disposent non seulement de la force économique et militaire, mais aussi de la légitimité religieuse qui protège l'absolutisme et ouvre la voie à la tyrannie. Ces exemples sont bien sûr anachroniques, tout autant que les exemples antiques rapportés par La Boétie. Mais dans ces exemples et beaucoup d'autres (les fascismes, Pol Pot), il ne suffit pas de le vouloir pour être libre.

Quel remède ? La Boétie ne s'y attarde pas. Par autocensure il n'évoque ni la révolte armée ni le tyrannicide. Il donne comme moyen ou comme condition de résistance l'amitié, qui fait toujours défaut au tyran : L'amitié, c'est un nom sacré, c'est une chose sainte. Elle ne se met jamais qu'entre gens de bien et ne se cimente que par une mutuelle estime […] Il ne peut y avoir d'amitié là où il a cruauté, là où est la déloyauté, là où est l'injustice. Et entre les méchants, quand ils s'assemblent, c'est un complot, non une compagnie. Ils ne s'entr'aiment pas mais ils s'entr'craignent : ils ne sont pas amis mais ils sont complices (p 87). LSV est un monument énigmatique qui n'apporte pas de solution à l'opposition liberté-tyrannie, mais qui stimule la réflexion dans un style étincelant. Dans le monde présent de flottement politique, d'abandonnisme, de terrorisme et de contre-terrorisme, sa traduction en arabe et en kabyle l'ouvre à un autre monde culturel.
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