AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782130584308
472 pages
Presses Universitaires de France (13/10/2010)
3.86/5   7 notes
Résumé :

Cet essai attire notre attention sur l'apparition, sur la scène artistique, littéraire et médiatique, de la figure mi-sublime mi-pathétique du bourreau gentilhomme, pris au piège des circonstances, sorte de meurtrier malgré lui. En effet, partant de l'idée que les auteurs de crimes de masse ne sont pas des monstres mais des « hommes ordinaires », nombre d'auteurs travaillent à faire d'eux des victimes (de leur nature humaine, trop humaine), mais aussi de... >Voir plus
Que lire après Séductions du bourreauVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
En 2006 le succès éditorial et critique des Bienveillantes de Jonathan Littell a mis en colère Charlotte Lacoste. Elle s'en explique dans cet essai très documenté paru en 2010. le héros des Bienveillantes, le SS Max Aue, nous est présenté comme un homme cultivé et intelligent. A propos de ses crimes lui-même apostrophe, dès les premières pages, le lecteur : « ce que j'ai fait, vous l'auriez fait aussi ». L'autrice déplore grandement que, pour comprendre ce qui a causé les génocides et crimes de guerre du 20° siècle, le personnage du bourreau ait aujourd'hui plus de succès en littérature que les témoins d'autant plus quand il se fait passer lui-même pour un témoin, voire une victime.

La première partie de l'ouvrage est consacrée à la notion de témoignage. Charlotte Lacoste s'appuie sur le travail de Jean Norton Cru (1879-1949) pour montrer pourquoi un roman peut paraître plus réaliste qu'un témoignage. Jean Norton Cru a combattu dans les tranchées pendant la première guerre mondiale. Avant même qu'elle ne se termine il constate que des récits qu'il lit dans la presse ou dans des romans et qui sont présentés comme des témoignages de soldats ne correspondent pas à la réalité. Dans Témoins, paru à compte d'auteur en 1929, il analyse 304 titres qu'il classe en fonction de leur valeur documentaire.

Charlotte Lacoste elle-même décortique quelques titres de la seconde moitié du 20° siècle qui donnent la parole à des bourreaux et qui concernent trois épisodes de crimes de guerre et meurtres de masse : la shoah, la torture durant la guerre d'Algérie et le génocide des Tutsi par les Hutu au Rwanda. Ces textes sont de trois natures : « témoignages » de bourreaux (tortionnaire en Algérie), ouvrages se présentant comme des témoignages mais étant en fait fortement romancés et romans (Les Bienveillantes mais aussi La mort est mon métier pour ceux que j'ai lus). Charlotte Lacoste qualifie ces ouvrages de négationnistes en ce sens que, développant la thèse que l'homme est un loup pour l'homme et assurant que n'importe qui à la place du bourreau aurait fait la même chose, ils insinuent -ou même disent clairement- que les rôles auraient pu être inversés, voire que ce sont les victimes qui sont responsables de leur sort. Par ailleurs, à se concentrer sur des individus on oublie les causes politiques du Mal : les génocides sont planifiés et organisés à l'avance au sommet de l'État.

Enfin, à partir d'Eichmann à Jérusalem de Hannah Arendt, Charlotte Lacoste nous explique que la notion de banalité du mal développée par la philosophe a été mal comprise. Il ne s'agissait pas de dire que Eichmann était un homme banal, ordinaire, mais que faire le mal était pour lui quelque chose de banal.

Professeure de littérature, Charlotte Lacoste a un autre bagage littéraire que moi, ses analyses de textes sont approfondies et elle repère des influences -notamment mythologiques- où je n'avais rien remarqué. Je n'ai donc absolument pas lu Les Bienveillantes comme elle. Je n'ai pas eu le sentiment que Jonathan Littell tentait de me faire prendre Max Aue pour une victime ou un homme ordinaire. J'ai au contraire pensé que ce dernier était sacrément perturbé. Aussi je n'ai pas toujours apprécié le ton de Charlotte Lacoste que j'ai trouvé condescendant à l'encontre des lecteurs qui ont apprécié Les Bienveillantes. J'ai bien compris qu'elle était en colère mais je ne suis pas sûre qu'en faisant sentir aux gens qu'ils sont des imbéciles ont leur donne envie de s'intéresser à ses arguments. Il me semble que ce qui a manqué dans cet essai c'est un regard plus nuancé sur le lectorat.

Petit à petit cependant, Charlotte Lacoste amène des arguments qui m'ont donné à penser. C'est une lecture qui m'a fait réfléchir et je serai sans doute plus attentive à l'avenir quand je lirai un livre dont le personnage principal est un bourreau. Cette lecture m'a aussi donné envie de lire Eichmann à Jérusalem et de relire Si c'est un homme.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
Commenter  J’apprécie          10
Un livre vraiment intéressant et juste sur cette nouvelle "mode" racoleuse qui consiste à mettre en scène les bourreaux, pour donner l'impression au lecteur qu'ils sont tout à fait ordinaires... et que n'importe qui pourrait devenir SS ou Khmer rouge, ou génocidaire d'ici et d'ailleurs. le livre de Charlotte Lacoste rappelle que l'expression d'Hannah Arendt sur la "banalité du mal" n'a jamais signifié qu'il fallait dédouaner les bourreaux.
Commenter  J’apprécie          20
Voilà un essai qui a le mérite de ne pas être consensuel, très bien mené (bien qu'il y ait quelques répétitions et longueurs) et qui fait honneur à la réflexion.
Je le conseille aux lecteurs de succès littéraires qui font la part belle aux bourreaux (comme "Les Bienveillantes" de Jonathan Littel).
Dommage peut-être que cela soit destiné à un public instruit ou motivé par un tel pavé ; une version allégée serait très souhaitable pour toucher un public moins habitué à s'interroger sur ce qu'il regarde ou lit.
En tout cas un livre à réclamer auprès de sa bibliothèque.
Commenter  J’apprécie          00


Video de Charlotte Lacoste (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Charlotte Lacoste
Charlotte Lacoste, universitaire et auteur de " Séductions du bourreau", est l’invitée d'Ali Rebeihi dans Comme on nous parle sur France Inter (9h - 23 février 2011)
autres livres classés : philosophieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Lecteurs (12) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
440 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}