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EAN : 9782234087392
288 pages
Stock (03/04/2019)
4.12/5   12 notes
Résumé :
« Le Combat Adama, ce n’est pas seulement le combat de la famille Traoré. Mon frère est mort sous le poids de trois gendarmes et d’un système. La France a un problème avec la police et la gendarmerie : ça fait partie du Combat Adama. La jeunesse fait partie du Combat Adama. L’école fait partie du Combat Adama. Le racisme fait partie du Combat Adama. La démocratie et la justice font partie du Combat Adama. »
Assa Traoré

Le 19 juillet 2016, Ada... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Voici un livre inclassable, quelque part entre l'essai et le témoignage, où s'entremêlent les voix d'un sociologue et d'une femme devenue militante suite à la mort de son frère lors d'un contrôle de police. Un livre inclassable mais stimulant, percutant ; aussi bien pour les analyses originales de Geoffroy de Lagasnerie, dont la capacité à renouveler notre regard sur le monde est décidément solide, que pour les mots d'Assam Traoré, femme impressionnante de force, de dignité et de justesse face à tout ce qu'à subi sa famille comme violences étatiques.

Pour le dire en une phrase, ce que propose ce bouquin c'est de réfléchir à la nature et aux fonctionnements d'institutions souvent données pour acquises (la Police, la Justice, la Démocratie mais aussi le Militantisme) à partir d'une situation locale, dont on peut pourtant tirer des questions et des enseignements riches. Cette situation, c'est la mort d'Adam Traoré dans une gendarmerie d'Ile-de-France, après ce qui aurait du être un "simple" contrôle d'identité.

Lagasnerie et Traoré enchaînent les prises de parole dans des styles complètement différents. Au jargon assez académique du sociologue, avec des concepts cisaillés comme des armes de guerre, répond l'écriture presque orale, répétitive mais convaincante, de la militante.

Quelques idées fortes se dégagent de cet ouvrage.
- Que le travail réel de la police est méconnu. On s'imagine volontiers le policier répondant à la violence initiale d'un gangster pour maintenir l'ordre social. Au quotidien, certaines des activités policières les plus courantes - comme le contrôle d'identité - sont pourtant en contradiction avec cette idée de base puisque c'est la police qui initie un cycle de tensions - pouvant provoquer des violences en retour qui seront punies. La police peut donc décider de provoquer, ou non, de la violence et les peines juridiques qui suivront.
- Que, selon les lieux géographiques et les origines sociales, voire ethniques, nous n'avons pas la même expérience de la police. Un mec comme moi, blanc et issu de milieu rural, comprends mal l'idée qu'on puisse se mettre à courir en voyant des policiers si on a rien à se reprocher. En même temps mon dernier contrôle d'identité date de plus de dix ans ? Je n'ai jamais eu à avoir peur de sortir sans ma carte d'identité... le vécu de certains jeunes hommes des quartiers est radicalement différent de celui de la majorité des autres jeunes de leur âge - et cette différence vient de l'omniprésence de la police et de ses micro-agressions quotidiennes (tutoiements, controles, fouilles, etc).
- Qu'on ne peut pas penser la police sans penser aussi le rapport à l'espace public, le sentiment de légitimité dans un pays qui se dit démocratique et égalitaire, le rapport à l'école aussi et aux orientations scolaires, à la prison, aux origines ethniques.
- que sous le vocable violences policières on tend à combattre les violences exceptionnelles, illégales, des agents de police ; mais que le fonctionnement "normal", quotidien de la police est lui aussi violent. Et que cette violence, associée à la capacité qu'ont les policiers de produire leur propre règle de droits puisque ce sont eux qui appliquent ou non les lois, pose des questions sérieuses sur ce qu'on appelle démocratie. Ainsi de la frontière beaucoup plus flou que prévue entre Etat de droit et Etat policier.

Le livre se termine par des interpellations aux mouvements sociaux. Est critiqué la volonté aussi systématique qu'idiote de vouloir une "convergence des luttes" qui détruit toujours le pouvoir d'un combat initial. Mais aussi la tentation de privilégier les analyses économiques, au détriment du rapport à l'ordre policier - pourtant central dans la vie quotidienne de bien des gens. Il le résume ainsi dans une interviex : "Aujourd'hui, il y a toute une réflexion à mener sur la remise en question de l'appareil répressif d'État, de la Loi, de la Police… Si l'on veut créer un mouvement de gauche aujourd'hui, le racisme et la question de la police sont peut-être la question centrale. "

Un livre très utile pour aider à penser les "violences policières" (terme que Lagasnerie récuse, d'ailleurs) et le rôle de la police dans nos pays occidentaux.
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La peine de mort existe encore. Elle est exécutée en toute impunité par les forces de l'ordre en France. Elle est exécutée de manière quasi systématique sur des jeunes hommes racisés venant des quartiers populaires.
Mélangeant analyses socio-politiques, exemples et témoignages, ce livre déroule le portrait d'une police qui harcèle, qui violente et qui tue avec le soutien de l'Etat. Il revient sur l'impossibilité de réformer un couple police/parquet qui, quand il exclu ces jeunes hommes de la société, soit en les emprisonnant soit en les tuants, remplit en réalité son rôle républicain.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Lorsque nous nous représentons les forces de l'ordre, nous nous représentons en général une institution dont la fonction serait de protéger, de venir en aide en cas d'agression et de violence. La légitimité de l'usage de la force par la police et gendarmerie s'appuie sur l'idée selon laquelle elles utiliseraient la violence lorsque, déjà, de la violence a lieu dans le monde social et qu'il faut la stopper.
La violence d'Etat comme contre-violence et comme violence pacificatrice : cela arrive bien sur, et cela peut être utile. Mais cela arrive peut être moins souvent qu'on le croit : très peu nombreux sont celles et ceux qui peuvent réellement dire qu'un policier, un jour, a surgi et stoppé une agression dont ils ou elles étaient en train d'être victimes. Il est possible que l'image sur laquelle nous nous appuyons pour penser la police n'ait pas grand-chose à voir avec la réalité et notre expérience de celle-ci. La police est peut-être l'une des institutions pour lesquelles, entre la représentation à partir de quoi nous la pensons et la réalité objective de ses pratiques, la différence est la plus grande. (p 36)
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Le combat d'Adama a touché petit à petit les villes, les classes moyennes, les classes bourgeoises, les Blancs, les gens qui ne connaissent même pas les violences policières... Aujourd'hui, le Combat d'Adama, c'est le combat de tout le monde, c'est un combat de peau, ta religion, ton sexe, ton orientation sexuelle.
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Lorsqu'il il y a une histoire de violences policières, la question du statut pénal de la victime s'inscrit dans le même dispositif que celui qui consiste, lorsqu'il y a une agression sexuelle sur une femme, à s'interroger sur sa tenue ou sinon comportement.
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Alors qu'elle constitue l'une des activités les plus routinières de la police et de la gendarmerie, la pratique du contrôle d'identité et de la fouille est en fait en contradiction avec l'idée de la police telle qu'on se la représente : car c'est par définition un moment où l'Etat décide d'inaugurer un cycle de violence. (p. 37)
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Videos de Geoffroy de Lagasnerie (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Geoffroy de Lagasnerie
Rencontre animée par Antoine Idier
Le sort réservé à Joseph K dans le procès de Kafka a de quoi épouvanter : on y découvre un monde régi par un pouvoir « omniprésent et sans règle, effrayant et illogique, tout-puissant mais insaisissable ». Très loin du nôtre a priori. Et, pourtant, nous y reconnaissons quelque chose. Quel est ce « quelque chose » ? Et n'y a-t-il pas matière à nous méfier de cette identification spontanée ? Ce qui nous semble kafkaïen (injuste, arbitraire et donc opaque et imprévisible) ne retrouve-t-il pas une terrible clarté quand on s'extrait de l'appréhension subjective pour penser avec la sociologie ? Joseph K n'est personne en soi ; mais à lui donner un visage, une classe sociale et le cauchemar kafkaïen devient funestement réel, permettant à Geoffroy de Lagasnerie d'interroger la nature même du système judiciaire dans nos sociétés, y compris la notion de jugement et de culpabilité.
« Sans doute est-ce parce que chacun d'entre nous ressent au plus profond de lui-même que notre monde est opaque, que les institutions avec lesquelles nous devons composer pour vivre nos vies sont dotées de fonctions cachées et mystérieuses, (…) que nous cherchons sans cesse, dans la littérature ou la théorie, dans l'art ou la psychanalyse, des interprétations qui pourraient nous dire la vérité de ce qui est – nous révéler ce qui se joue derrière la façade trompeuse des apparences. » Geoffroy de Lagasnerie, Se méfier de Kafka
À lire – Geoffroy de Lagasnerie, Se méfier de Kafka, Flammarion, 2024.
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