Quand elle avait 3 ans, les parents d'Elena , tous deux Juifs laïques profondément attachés à leur culture, ont fui Moscou et son régime totalitaire pour Prague. Enfant, elle par russe avec ses parents, et tchèque avec son frère et à l'école. En 1968 , après le Printemps de Prague, ils s'enfuient à Hambourg où elle va enfin se confronter à son identité juive. Elle a au passage appris l'anglais, la voilà qui s'initie à l'allemand.
Jeune fille elle s'installe en Israël, vit l'aventure des kibboutz, perfectionne son hébreu, épouse un Juif canadien, puis vit à Ottawa, à New York… Elle finit par s'installer pour sa vie de femme à Londres.
Dans ce très attachant récit autobiographique
Elena Lappin parle, bien évidemment, de l'exil, une façon d'être et de vivre pour elle, où les déchirements se partagent la place avec l'ouverture à d'autres paysages, d'autres cultures, d'autres mondes. L'apprentissage des langues est une façon pour elle de vivre pleinement ce destin, si particulier mais si représentatif d'un siècle, et c'est finalement l'anglais qu'elle choisira pour ses travaux d'écriture en temps que le journaliste d'investigation ou auteure, alors que son frère
Maxim Biller, devient écrivain en Allemagne. Des langues chacune primordiale, "moyen de sentir la réalité d'une certaine manière, distincte de celle des autres »; des langues si nombreuses que "les explorer(...) revenait à révéler la structure narrative de ma vie". Des langues qui pour une écrivaine ont un sens particulier, élément constitutionnel qui interfère avec les racines, les lieux, les évènements et les personnes qui tissent une vie.
Mais là où le croyait s'être enfin posée, le destin la rattrape en 2002 quand elle apprend qu'elle a un père biologique scrupuleusement gardé secret, un juif russe qui vit maintenant aux États-Unis. Et cette histoire est un nouvel exil, là encore la vie a été comme volée. L'attachement fébrile que met
Elena Lappin à retrouver cet homme, sa famille pléthorique, l'histoire personnelle de ses nouveaux ancêtres, montre bien que seules les racines permettent de survivre à l'exil, qu'il soit regretté, assumé ou revendiqué.