AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782355770005
La rumeur libre Editions (10/08/2007)
4.33/5   6 notes
Résumé :
L'Homme imprononçable se présente sous la forme d'une suite composée de 50 textes où l'auteur mêle sa voix et ses rencontres à celle de créatures appartenant à un peuple médusé par une réalité proscrite. Le fil de la narration, tissé par une écriture mélodieuse et fulgurante, recompose avec bonheur une communauté quotidiennement dispersée et restitue à chacun des personnages la splendeur astrale d'une humanité inaltérable.

Poèmes libres ou en prose, é... >Voir plus
Que lire après L'Homme imprononçable : Suivi de Phrase et de Le Mystère de la création en chacunVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
L'égalité conjuguée à tous les temps, la fraternité élevée jusqu'à l'incandescence, si bien que l'auteur a fait sienne la phrase de Tristan Tzara : "La résistance s'organise sur tous les fronts purs", tant il ressort de ce recueil une révolte contre la société marchande et l'appauvrissement ou l'appropriation du langage, contre toute forme d'aliénation de l'être.
Les rencontres qu'il fait donnent sur des abîmes de mystère et de richesse, on pense au vers de Supervielle, tiré du poème "Le Hors-venu" : "d'où venez-vous ainsi couvert de précipices.
Toujours, les méditations poétiques partent d'exemples concrets, va l'alternance entre "les choses de la vie" (auxquelles il préfère "le bien qui les fait naître") et leurs fruits poétiques.
La troisième et dernière partie est une réflexion poussée sur le rôle et le caractère sacré du langage, du chemin qu'il fait en nous et que nous faisons en lui.
Commenter  J’apprécie          120
Simplement parce que TOUS les livres de Patrick Laupin sont INDISPENSABLES !!!!
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Le Mystère de la création en chacun
[Passage]
     
Je me dis souvent que l'art est une feuille d'eau musicale interposée entre le monde et notre peau. En écrivant ces lignes je pense à un évènement que je compare volontiers à une chose d'art. J'avais acheté des pivoines sur le marché du quai Saint Antoine. Au retour, à la maison, je cherchais un vase puis j'arrangeais les fleurs, étonné par la vivacité et la puissance colorée qui dormait dans le poing fermé de leurs calices. La profondeur d'eau verte de leurs pétales prolongeait je ne sais quel infini épargné de toute solitude. Je posais le vase sur un meuble et ne lui prêtais plus guère d'attention. Le lendemain soir je regardais pourtant le bouquet comme si le signe secret de son essor venait de se graver en moi. Dans la dernière lumière du jour, les pivoines venaient tout juste d'éclore, essence bleue de déité calme. L'impression que j'en garde est celle d'une merveille.
     
Extraits - pp. 211-212
Commenter  J’apprécie          170
IL EST VENU LÀ, AMENÉ PAR LE DÉSESPOIR vivant qu’autrefois elle jeta en lui. Ils ne se parlent pas, bien que depuis toujours entre eux deux cette violence mutique soit l’égal d’un rituel, un rituel de meurtre. Lui, il ne dit rien parce qu’il veut venir. Elle, elle le regarde pour le retenir, unique raison de vivre et souffrir à distance (les mêmes yeux, la même lueur déceptive) depuis ce jour perdu sous la lumière abrupte de juillet où elle disparut en lui à la manière d’une crue, une digue par un fleuve rompue, un plus profond oubli. Ce silence jeté en lui le lie au bord du monde, au bord abandonné où parler s’effondre, où plus rien ne retient. Depuis que pèse la menace, rien n’altère plus ce silence. La menace est cet état de fragilité intérieur où le monde tremble.
Opacité et transparence. Jamais midi jamais les arbres jamais la campagne environnante ne viennent ainsi lueur montante tournoyer tomber en nous. Écrire revient alors à tracer d’un doigt des signes sur la buée, d’un geste ouvrir puis fermer la fenêtre, de la joue frôler les plis sombres du rideau. Un regard sans défense porté dehors. Immobile brille le jour. Entre douleur et larmes la migration d’une brûlure, un pardon, une plainte perdue, une amertume sans nom. Tout ce qui aujourd’hui retient de vivre, jette bref et désemparé dans ce peu d’étendue. Passent ou retiennent comme une délivrance quelques vestiges (la rumeur inquiète de l’aube, la trouée bleu pâle des peupliers). Sans nom vitesse et lenteur se fondent. Accès à la fragilité, la peur s’y brise, s’y brisent aussi la douceur, la douleur. Pas une vague de lumière, pas un grain de poussière, qui ne renversent avec l’évidence de l’angoisse, comme la rosée matinale tombe sur l’herbe. Sensibilité aiguë, extrême, où la poésie devient le monde. Peur et poésie. Maladie et pensée. Tremblement accru par la vérité du jour.
Comme une douleur maintenant un peu plus proche (un peu moins suffocante), il reste là, penché avec la marque d’autre chose, répétant à demi-mot, noyant les reflets, sans suite aucune car le tout est terrifiant, intolérable.
Commenter  J’apprécie          20
Automne. Quand tu te fais dans le haut de la vallée souffleur de verre, maître verrier des couleurs, tu précipites des histoires que les hommes ne racontent pas sans trembler. Je suis allé des milliers de fois attendre mon oncle à la sortie du puits des Luminières sur le grand arc de triage où dévalent les berlines et où se croisent ceux qui sortent et ceux qui descendent. Quand les mineurs franchissent l'obscur, un moment, ils tanguent et sont opales de grandeur dans le tremblé puissant de la force du fond qui les assaille. Alors chacun, mais c'est quelque qui se ressent et ne se voit pas, invente un sacré très pauvre pour se délivrer de la force de la nuit. Sans prière ils renaissent à la vie. J'ai ce tremblé d'invasion et sa vision d'amertume à la limite de mon être. Je connais sa grandeur et sa perte. Quand je m'oriente dans l'écriture peut-être est-ce ce corps que je cherche ?
Commenter  J’apprécie          50
Pour Jean-Louis Baudry

[…]

Alors celui qui écrit éprouve la force secrètement tendue d’un temps violemment replié sur lui-même entre l’aphasie et la parole première. Pourquoi sans doute rien ne me bouleverse autant qu’un enfant dessinant sur le sol à l’aide d’une baguette de bois d’inintelligibles lettres confiées à la lumière, cette missive secrète qui nous sépare autant qu’elle nous désigne. Effectuation touchante du temps au moment de sa saisie-dispersion par le rythme. Quand le silence est atteint chaque lettre bascule dans la plénitude de son vide.

L’inscription n’est pas plus parole, qu’expression, c’est presque un transit de fluide, la pensée du rien dans la pesanteur des forces concrètes du monde, l’être s’incarne quand l’oubli réémane, non en tant que contenu mais style, phrasé, rythme.

*

Chaque mot franchissant de lointains abîmes, de grandes quantités de silence marchent à pas patients dans les phrases, se répercutent sur la paroi des phonèmes, creusent les lettres à l’interne comme de l’air dévale entre les arches.

Chaque phrase comme écrite sous dictée, sans contrainte, révélée par l’abandon libre de ce temps où l’on ne pense jamais à soi, où ce que l’on fait ne se pense jamais extérieurement au moment de le faire. Non pas hypnose mais vision lucide que révèle distinctement le flot silencieux du souffle.

Je n’ai jamais cherché à donner un nom à ce que je faisais le faisant, à sortir de moi lorsque m’appelle une phrase, toute ma vie accordée seulement à la patience de suivre l’air qui évide chaque phrase, chaque mot, chaque lettre et en nomme par avance l’horizon, les contours.

Pourquoi je retrouve la vision concrète du livre dans une feuille que je ramasse sur les pavés, le fluide marbré et fluant de sa couleur grise, le jaune passementé du sensitif argent de son isolement. L’or, la gloire, le parchemin, les trois lyriques où le siècle dernier perdit sa voix.

*

Mais qui est encore digne de sacré quand un peu d’amertume s’éloigne avec la force stylite des rivières, quand le soir pâle descend sur nos épaules avec la force incoercible d’un monde qui s’égare, ne répond rien, quand une pluie de choses impassibles voile la splendeur divine ancienne.

Les choses que l’air porte dans la voix on rêve depuis toujours de les connaître.

Mais dans la langue il n’y a personne, il faut aimer pour traverser son voile.
.
Commenter  J’apprécie          10
La société, noire plate-forme égalitaire, terme creux, idéal suranné des Lumières, peut s'enorgueillir aujourd'hui d'un catalogue très chic, un index raisonné de l'opprobre et de la mort, l'éternelle variété des nécromancies ordinaires. Astéroïde peu profond, la confusion des consignes transparentes fulgure et fait mouche à chaque porte. L'homme dieu y ressemble au diable à s'y méprendre, à toute heure clignotent les interdits et les commandements.
Commenter  J’apprécie          70

autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (11) Voir plus



Quiz Voir plus

Compléter les titres

Orgueil et ..., de Jane Austen ?

Modestie
Vantardise
Innocence
Préjugé

10 questions
20283 lecteurs ont répondu
Thèmes : humourCréer un quiz sur ce livre

{* *}