NON! Ces lettres n'ont pas été écrites par le le comte
Gabriel de Guilleragues!
Les
Lettres portugaises sont publiées pour ma première fois à Paris en 1669 comme la traduction de cinq lettres d'une religieuse portugaise à un officier français.
Jusqu'au XXème siècle, ces lettres étaient attribuées à une jeune nonne d'un couvent du Portugal,
Mariana Alcoforado (1640-1723), censée écrire à son amant français, le marquis de Chamilly, venu au Portugal combattre du côté des Portugais dans leur lutte pour l'indépendance face à l'Espagne, de 1663 à 1668.
Une majorité de spécialistes pensent que les lettres ont été écrites par le comte
Gabriel de Guilleragues (1628-1685) et sont donc une oeuvre de fiction.
Mais, le romantisme n'étant pas mort, en 2006, Myriam Cyr défend la thèse de l'attribution à
Mariana Alcoforado.
En 2009,
Philippe Sollers se dit au contraire convaincu de leur authenticité : « Il y a encore des controverses sur les origines et l'authenticité de cette correspondance unilatérale. Je la tiens, moi, pour authentique, car aucun homme (et certainement pas le pâle
Guilleragues) n'aurait pu aller aussi loin dans la description de la folie amoureuse féminine ».
Personnellement, que ce soit la religieuse portugaise qui ait écrit ces lettres ou une femme que
Guilleragues aurait connue, j'ai la conviction qu'un homme n'aurait pas pu écrire ces lettres : il s'y révèle trop de la femme et… les hommes ont-ils jamais su qui elles étaient ? 😉
Dans ses lettres, Mariana, la none portugaise, se plaint de l'abandon de son amant, dévoile sa passion, ses doutes, sa colère contre l'homme qui l'a séduite puis abandonnée et oubliée. Mais ce qui m'a le plus plu, hormis l'écriture et les belles phrases qu'on y trouve, la tendresse, l'amour, c'est cette incroyable auto-analyse psychologique inconsciente.
Romantisme :
« Comment se peut-il faire que les souvenirs des moments si agréables soient devenus si cruels ? Et faut-il que contre leur nature, ils ne servent qu'à tyranniser mon coeur ? »
Sincérité :
« Adieu, je ne puis quitter ce papier, il tombera entre vos mains, je voudrais bien avoir le même bonheur. »
Bonté :
« On est beaucoup plus heureux et on sent quelque chose de bien plus touchant, quand on aime violemment que lorsqu'on est aimé. »
Subtile culpabilité distillée avec art :
« Ne pourriez-vous pas m'emmener en France ? Mais je ne le mérite pas ; faites tout ce qu'il vous plaira. »
Féminisme :
« Cependant, je ne me repens point de vous avoir adoré, je suis bien aise que vous m'ayez séduite ; votre absence rigoureuse, et peut-être éternelle, ne diminue en rien l'emportement de mon amour : je veux que tout le monde le sache, je n'en fais point un mystère, et je suis ravie d'avoir fait tout ce que j'ai fait pour vous contre toute sorte de bienséance. »
Des siècles ont passés et les
femmes et les hommes sont restés les mêmes : leur coeur est puissant mais fragile, leurs désirs peuvent être beaux et vils, leur âme grande et basse. Les costumes changent, mais l'Homme demeure un animal sublime quand il s'élève, un animal monstrueux quand ses bas instincts prennent le dessus.
Plusieurs siècles ont passé et tant de
femmes ne sont pas encore libres de bouger, d'aimer, d'exister.
Le futur est féminin, c'est aujourd'hui !©
Gabrielle Dubois©