Constance Reid a été élevée parmi les peintres et les intellectuels socialistes, dans « un milieu esthétique et libre de conventions », aussi son adolescence a-t-elle été marquée par la liberté et l'indépendance d'esprit. Ses premiers rapports sexuels, elle les vit comme « une sorte de régression primitive et comme une dépréciation » à laquelle les hommes, attardés, tiennent absolument et à laquelle les femmes doivent se soumettre. Elle ne conçoit pas que ces relations puissent être porteuses d'émotions, pour elle seules les discussions riches de réflexion et d'arguments le sont. Cette relation physique, elle la considérait même comme une entrave à sa liberté.
Constance grandit et rencontre Clifford Chatterley avec qui elle est fière de partager une intimité qui est au-delà du sexe. Il est appelé pour la guerre en 1917 et en revient un an plus tard avec la moitié inférieure du corps paralysée à partir des hanches. Leur envie d'enfant est anéantie.
Les époux Chatterley réinventent alors leur intimité : Clifford écrit des romans et Connie le soutient dans cette entreprise. Leur quotidien est calme jusqu'au jour où Connie prend un premier amant et où son mari lui laisse entendre qu'il ne lui en voudrait pas si elle décidait d'avoir une liaison pour donner un héritier au domaine des Chatterley, conscient qu'il en est incapable. La vie de Connie bascule vraiment le jour où elle rencontre le garde chasse du domaine : Mellors...
A partir du profil sociologique des personnages et de leur histoire personnelle, on devine facilement les enjeux de la rencontre entre Connie et Mellors. En effet, Connie va s'intéresser à des questions moins spirituelles, elle va prendre de la distance avec la vie qu'elle pensait si noble pour prendre conscience de son corps et de ses sens.
Le thème de la sexualité est selon moi le thème central de cette histoire. Connie, qui ne connaissait que le plaisir intellectuel découvre avec Mellors la sensibilité de la chair et l'importance de la sensualité. A partir de cette découverte, elle va se redécouvrir et se réinventer progressivement en bouleversant ses idées reçues.
Si l'on pense souvent que la culture et la pensée élèvent l'homme et l'invitent à l'interroger sur sa vie et sa façon de voir les choses, on s'aperçoit ici que la vie de l'esprit seule ne peut pas combler totalement une personne : Connie va se rendre compte de la nécessité d'écouter son corps et de s'épanouir aussi de manière sensible.
L'autre point qui me paraît important dans ce roman est le contexte social dans lequel il s'inscrit. En effet,
L'Amant de Lady Chatterley a été publié en 1928, or les femmes avaient obtenu le droit de vote dix ans plus tôt mais à partir de leurs 30 ans. Elles obtinrent le droit de vote à partir de 21 ans (comme les hommes) en 1928.
Le contexte social de l'époque fait donc la part belle au féminisme et Connie représente ainsi la volonté de liberté et d'indépendance des femmes de l'époque. On remarque en effet que Connie n'est pas un simple pantin fidèle à son éducation : on la voit évoluer au fur et à mesure du roman, ses opinions et sa vision des choses changent. Connie s'impose ainsi comme une vraie héroïne romanesque, un individu à part entière qui prend des décisions, prend le risque de changer d'avis et de s'affirmer.
J'ai trouvé le style de Lawrence agréable et facile à suivre. Il donne un ton particulier à son roman, à la fois tragique et très dynamique. le ton dramatique qu'il emploie parfois est immédiatement contrebalancé par le patois que parle Mellors par exemple, de telle sorte que l'ambiance générale n'est jamais totalement sombre, comme si Lawrence voulait nous dire que, malgré le désespoir de la situation de Connie, elle n'est pas dans une impasse et elle a le pouvoir de changer les choses.
En fait, j'ai du mal à mettre les mots sur l'atmosphère du roman parce que pendant cette lecture, j'ai senti une certaine distance avec les personnages et les événements. Les personnages, leurs motivations et leurs sentiments profonds m'ont parfois parus difficiles à cerner. Je pense à Mellors en premier lieu, mais Connie m'a aussi parue assez distante. Cela vient peut-être aussi du fait qu'elle-même n'avait pas l'air de savoir ce qu'elle voulait, comme si elle était dépassée par les événements. Malgré sa volonté d'être une femme indépendante et autonome, Connie est en réalité beaucoup plus fragile qu'elle n'en a l'air, mais ça je ne l'ai compris qu'après avoir refermé le livre...
Ce roman nous invite ainsi à nous interroger non seulement sur la façon dont on conçoit l'amour et la place que l'on accorde au sexe dans une relation, mais aussi sur la façon dont se construit un individu par rapport au contexte social qui l'entoure. le thème de la sexualité est un thème que je ne retrouve pas souvent dans les romans que je lis, et j'ai bien aimé la façon dont il était abordé ici : sans tabou et sans chichi, avec beaucoup de sensibilité et d'émotion finalement.
J'ai beaucoup aimé découvrir Constance, voir la façon dont elle a évolué et les décisions qu'elle a prises. C'est une vraie héroïne qu'on admire facilement : on la plaint dans sa relation avec Clifford et on est facilement enclin à la soutenir dans ses choix et dans émotions.
En définitive, c'est un roman que je conseillerais à beaucoup de monde ! D'une part, c'est un classique qui plaira à tous ceux qui en lisent et d'autre part, c'est un livre qui plaira aussi à tous ceux qui veulent voir des thèmes « tabous » ou moins communs abordés dans des livres. En tout cas, c'est certainement un roman qui vous fera réagir et qui vous invitera à réfléchir sur vos propres opinions.
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