Fils et amants ou
amants et fils dans certaines éditions, est l'autobiographie romancée des origines et de la jeunesse de D.H.Lawrence. le personnage principal, tout comme le grand écrivain, a vu le jour dans l'univers du pays minier du nottinghamshire, d'un père sensuel, buveur, colérique, de nature vulgaire et d'une mère issue d'un milieux plus élevé, aux valeurs puritaines et bourgeoises sans cesse blessées par l'attitude inconvenante, les actes inconsidérés et les bas appétits de son époux.
Le présent volume constitue un document intéressant sur le quotidien des mineurs et de leur famille : le dur labeur, les modestes joies, les pubs où passait la maigre paye du vendredi. Il témoigne du développement, précurseur à la création du partit travailliste, d'organisations ouvrières, telles les coopératives ouvrières, les caisses de solidarité, les guildes des femmes ou les sociétés de tempérance, alors qu'une conscience et des aspirations féministes voient le jour dans les couches développées de la population. Il est aussi prétexte à la description suggestive de Nottingham, de ses monuments, de sa nature, des localités l'environnant.
Mais le principal intérêt de ce récit est celui d'être, à n'en pas douter, l'oeuvre la plus personnelle de Lawrence, où affleure partout l'émotion de la chose vécue. L'oedipe de ce dernier est très bien rendu, ainsi que l'atmosphère de haine croissante des enfants pour ce père à la conduite indigne, non exempte néanmoins de quelques trop rares moments de paix et de bonheur relatif. David Herbert Lawrence alias Paul Morel apparait comme un enfant doux, pensif, de tempérament artiste, peintre consciencieux à la santé délicate, sujet aux bronchites, ces troubles qui emporteront prématurément l'écrivain d'une tuberculose. On suit son lancement dans la vie comme commis aux écritures dans une fabrique d'appareils orthopédiques à Nottingham, la mort prématurée du fils aîné de la famille, les premiers émois amoureux longtemps platoniques avec la mystique, religieuse et réservée Myriam, puis avec l'altière Clara, rencontre marquée par le sceau de la passion éphémère et l'élan dionysiaque si cher à l'artiste. C'est surtout dans la narration de l'attachement fusionnel avec sa mère que l'oeuvre culmine. Cet amour fait de rapport de force, de confrontation, de possessivité de la mère, de jalousie aussi; enfin l'agonie déchirante de cette dernière et le désarroi profond qui s'empare du fils à la perte de l'Irremplaçable, provoquent chez le lecteur une tension émotionnelle peu commune.
Un roman troublant, émouvant et poignant.