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3,79

sur 1890 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Avertissement au lecteur. Cette critique ne porte pas sur un livre du rayon jeunesse.

Pour l'anecdote, lorsque j'ai voulu acheter le roman en cadeau pour un anniversaire, je ne l'ai pas trouvé au rayon littérature anglaise, en dépit de la présence d'ouvrages moins fameux de l'auteur, et le libraire m'as répondu le plus naturellement du monde, devant quelques bibliophiles interloqués, « ah mais c'est au rayon littérature érotique ! suivez-moi » #walkofshame.

***

« We fucked a flame into being ». J'ai lu que ce roman était sulfureux. Je me suis dit bon, dans le contexte de l'époque, une cheville qui dépassait et le Parquet de Paris était saisi, attendons de lire.
Quelle ne fut pas ma surprise, en découvrant qu'effectivement le roman n'avait pas volé sa réputation. Des années plus tard, Tennessee Williams, faisait d'ailleurs hurler le personnage de la mère chrétienne, dans La « Ménagerie de Verre » à l'encontre des lectures de son fils Tom :
« TOM: Yesterday you confiscated my books! You had the nerve to—
AMANDA: I did. I took that horrible novel back to the library—That hideous book by that insane Mr. Lawrence. But I won't allow such filth brought into my house!” 

Il fallut un procès dans les années soixante pour mettre fin à une censure de près de quarante ans en Angleterre. Nous ne devons ce chef-d'oeuvre de la littérature qu'à l'obstination d'un homme préférant sa liberté d'expression d'artiste à une carrière plus lucrative.
Dès 1929, un an après la parution du livre, et un an avant sa mort, David Herbert Lawrence se défendait point par point et alertait sur la vision « grise » et hypocrite de ceux qui condamnent l'érotisme, dans son essai testamentaire « Pornographie et obscénité », renvoyant du côté de la publicité la vision dégradante, dissimulée et honteuse de la sensualité. L'écrivain recommandait notamment « une attitude fraiche et naturelle, sans complexe, envers le sexe » comme « le seul remède à l'heure où nous pataugeons, plus ou moins ouvertement, dans l'inondation pornographique. ».

On pourrait ajouter, pour abonder dans le sens de l'auteur, que nous vivons dans une époque soit hypocrite, soit schizophrène : les interdits moraux de notre société (adultère, plaisirs sexuels, prostitution, libertaires, révolutionnaires, fumeurs de cannabis…) sont précisément ceux qui sont célébrés à longueur de temps par la littérature, la peinture, le cinéma, la musique, les séries télé, la publicité, les célébrités…De Madame Bovary à Pretty Woman ou Titanic, de Bob Marley à Che Guevara.

***

Le personnage, Constance Chatterley, fait montre de cette fraicheur chère à l'auteur britannique, elle cherche d'abord à prendre du plaisir d'une façon presque ingénue. Elle ne porte pas la chape de plomb morale des gens de son temps et fait peu de cas des conventions sociales, qu'elle n'ignore cependant pas. Ce n'est pas un esprit provocateur ou pervers, en réalité sa quête de plaisir, elle la mène par simple « bon sens ». C'est avec amusement que je me remémore ce mélange de candeur et de pugnacité qui fait son caractère.

Puis il y a l'amant de Lady Chatterley. Mais lequel ? Car l'histoire est un petit peu plus complexe, et heureusement, que ce que suggère le titre. Il y a l'amant d'avant le mariage de Constance avec Sir Clifford, puis l'amant de la bonne société, Michaelis, aux moyens duquel elle doit chercher son plaisir par ses propres audaces, et c'est d'ailleurs l'occasion de pages sur la jouissance féminine proprement inéditeset enfin l'Amant (il n'est pas de la Chine du nord, mais du comté de Tevershall) : Oliver Mellors le « game-keeper ».

C'est là que le second sujet se superpose à la quête de jouissance, à la naissance du sentiment amoureux, c'est la transgression seconde, l'aristocrate qui s'éprend du garde-chasse. Car là sont bien les deux transgressions du roman de Lady Chatterley. L'adultère n'en est pas un dans cette oeuvre, la proposition de Clifford, impuissant, à Constance en témoigne. Il lui propose d'être en quelque sorte en couple libre, lui souhaitant d'avoir une vie épanouie, et soulignant que la vie à deux sur le long terme ne peut être menacée par quelques relations sexuelles avec un tiers, cela ne compte pas.

La transgression de classe est reflétée par les nombreux échanges entre les personnages qui sont l'occasion pour Lawrence de livrer son analyse sociologique et sociétale de l'Angleterre d'entre-deux guerres. Sir Clifford aime faire la conversation à sa femme. de ces conversations émergent deux positions, Clifford est pour un ordre immuable, et pour la persistance des classes sociales et des apparences, on se demande d'ailleurs s'il n'a jamais vraiment aimé sa femme pour ce qu'elle est, quand Connie n'est pas seulement libérale, mais libertaire. Si elle a l'impression de dépérir à Wragby, le domaine du couple, elle reste pleine d'espoir et va se construire dans les bois, dans ce retour à la nature, loin des mineurs et de l'industrialisation des masses qui la dégoûte, où elle retrouve Mellors, comme immuable.

Le personnage n'est pas le garde-chasse du coin avec son accent à couper au couteau et son dialecte local. Sous ses faux airs sauvages, c'est un homme raffiné, qui a grandi avec les livres, mais qui est devenu narquois et un peu aigri, nous pourrions dire : nihiliste. Il est toujours celui qui contraste avec ses empressements, il la calme, sans la freiner. Connie certes est empressée et enthousiaste mais elle n'est ni capricieuse, ni immature. Elle observe les faits, elle est ingénieuse, et pour elle tout problème a une solution, c'est d'ailleurs elle qui prend le leadership de leur relation. Et quand ils ne font pas l'amour ils en parlent.

Il y a des scènes qui prêtent à sourire, quand Connie observe avec gourmandise « l'amant » – en fait elle le « mate » - en pleine toilette, torse nu dans son modeste jardin (façon « Samantha Jones ») ou encore lorsqu'elle juge son corps, face au miroir (dans une scène qui rappelle anachroniquement Meryl Streep dans « Sur la Route de Madison »).
Roman moderne et plus subtil qu'il n'y parait, pas seulement la diapo d'une Angleterre en pleine industrialisation, d'une femme assumant son plaisir, mais toute la nuance d'une rencontre loin du romantisme mielleux, une rencontre physique des corps, une rencontre des atomes, des phéromones, où l'on dit des bêtises, où l'on se contredit, où l'on doute aussi de ses sentiments, où l'on pense aussi pendant qu'on jouit, où rien n'est automatique : c'est un roman réaliste.

***

“Sex is just another form of talk, where you act the words instead of saying them » D.H Lawrence, qui inspirera la littérature libertine du XXème siècle, d'Anaïs Nin à Henry Miller, est l'exact opposé De Lamartine en ce sens que le sexe est premier alors qu'il est absent chez Lamartine. Mais ce n'est pas une vision hédoniste du sexe à la Kundera ou une vision jugée morbide, par Michel Onfray notamment (Théorie du Corps Amoureux, le Souci des Plaisirs), chez Sade ou Bataille. C'est encore autre chose, une quête du plaisir réciproque et de la jouissance commune des amants, de la découverte des corps et des sens avec pudeur mais sans crainte de nommer les choses, de donner voix au chapitre du désir. On va, comme rarement en littérature, aux confins d'une intimité, d'une altérité, sans pour cela être dans la surenchère du fantasme ou de la perversion. C'est l'intimité nue, pour ce qu'elle est, sans plus.

“I can't see I do a woman any more harm by sleeping with her than by dancing with her...or even talking to her about the weather. It's just an interchange of sensations instead of ideas, so why not?” Il y a une approche plus candide que séductrice. Quelque chose de naïf, spontané, de « normal » et un refus de toute psychanalyse autour du sexe. Tout ne tourne pas autour du « it » ou « ça » freudien.

Le style de Lawrence est plutôt simple. Il y a quelque chose de maladroit, de répétitif, parfois certains passages vous tomberont des mains, mais aussi quelque chose de direct, de fluide, on passe du monologue intérieur au dialogue ou à la relation épistolaire sans transition. Sa technique c'est la réécriture du roman dans son entier, plusieurs fois (il existe en effet plusieurs versions publiées).
Pour ces raisons-là, celles et ceux qui ont un petit niveau d'anglais ou « wordwise » sur leur liseuse, la version anglaise est assez facile à lire. J'attire votre attention sur certaines traductions qui ont fait le choix (j'ai pu le vérifier) de traduire certains mots, volontairement familiers, dans un langage plus neutre ce qui me semble dénaturer pour partie les personnages. Dans la version originale, Mellors parle un « patois » local et certains choix d'éditeurs le font s'exprimer dans une langue tout à fait courante ce qui trahit le roman car ce n'est pas un hasard si le garde-chasse s'exprime – parfois – dans ce dialecte et ce n'est pas neutre pour ses interlocuteurs.

« The world is supposed to be full of possibilities, but they narrow down to pretty few in most personal experience. » Se glisse aussi une réflexion sombre de l'auteur sur la modernité industrielle et sur les inégalités que répète la modernité, une charge contre les machines, contre une jeunesse, celle des années folles, corrompue par l'argent et le consumérisme « the young ones get mad because they've no money to spend. Their whole life depends on spending money, and now they've got none to spend […] If you could only tell them that living and spending isn't the same thing!”

C'est aussi le roman du désir féminin, tant et si bien qu'une lectrice me confiait avoir d'abord cru que l'auteur était une femme. Dans cette capacité à comprendre la femme dans ses ressorts les plus singuliers, qui en fait un auteur profondément intriguant, peut-être que D.H Lawrence « sort du bois ». Car paradoxalement, si son héroïne est une femme, c'est sur le corps de Mellors, sur son charme que s'attarde le plus l'auteur. Ce sont les descriptions des hommes, notamment Clifford et Mellors qu'il réussit le mieux, comme s'il était séduit avec Connie du corps blanc et sec, des cheveux rougeoyants et des reins sculptés du garde-chasse.

Pour ma part, j'avais condamné depuis longtemps l'éclosion de cette « flamme de pentecôte », mais c'est un roman qui va vers la lumière, alors même que son auteur vit ses derniers mois, emporté par la tuberculose à quarante-quatre ans. C'est formidablement émouvant et, en repensant à « John Thomas » et « Lady Jane » je me réjouis bien de mon erreur.
“il n'y a pas d'amour heureux” écrivit Aragon. C'est beau mais c'est faux.

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Ce livre a une terrible "montée en puissance" !
Je démarre sur 2 étoiles... Mais à la fin du livre, on comprend les points communs de Constance Chatterley et d'Oliver Mellors.

Ils détestent tous les deux les conventions sociales 
Ils sont tous les deux « sylvestres », ils aiment la nature ;
ils ont tous les deux besoin de sensualité douce dans ce monde de tabous !
Les tabous !
Ils détestent tous les deux les tabous de classe ;
Ils détestent tous les deux les tabous sexuels so shocking de cette société anglaise so british, issue de l'empire britannique de Victoria.
Et surtout, surtout...
Constance et Oliver se comprennent par dessus tout, parce qu'ils ont eu, tous les deux, des expériences sexuelles malheureuses.
Et tout ça me plaît, parce que je connais, et je mets enfin 4 étoiles !
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Voici le début de l'histoire...
1919, région industrielle de Sheffield. Sir Clifford est marié à Lady Chatterley. Mais, revenu paralysé des jambes de la guerre, il ne peut pas faire l'amour.
Constance cède aux avances pressantes de Michaelis, mais ses remarques sexuelles abruptes agacent celle-ci.
Puis, pour respirer de toujours assister Clifford dans ses déplacements, elle va assez souvent s'aérer dans le bois de la propriété.
C'est là qu'elle découvre Oliver Mellors, le garde-champêtre de Sir Clifford....
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Au début du livre, je m'ennuyais, ça valait deux étoiles pour moi : trop vulgaire, trop sexuel, même si je suis loin d'être une sainte-Nitouche, trop peu d'action. Un « roman d'atmosphère »  !
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Puis, deuxième étape, au bout de 200 pages tout de même, Mellors exprime ses idées sur l'exploitation sociale des mineurs : je monte à 3 étoiles !
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C'est alors que Constance veut enfin se débarrasser de cet infâme Clifford, imbu, méprisant, ( la scène avec la voiture de Clifford dans le bois est magnifique d'émotion ), so british, tellement fier de la réussite industrielle de l'Angleterre, … et la deuxième question qui me vient à l'esprit est :
Va-t-elle réussir ? Dans ce monde de conventions ? Et surtout avec un « déclassé social », et les ragot de l'époque qui vont avec ? 
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La première question qui me tarabuste depuis le début de cette lecture est :

pourquoi ce livre sent-il le souffre ?
Pourquoi ce livre a-t-il été interdit 30 ans en Angleterre ?
Est-ce à cause de son aspect sexuel, ou est-ce parce qu'il critique la société de castes anglaises et sa société industrielle qui enrichit les riches, et rend sous-hommes, bossus, difformes, sans cerveau, et« minéraux », les mineurs de ce pays ?
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J'ai lu, après le livre, la préface de l'auteur. Et j'ai eu la réponse à ma question !
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David Herbert Lawrence est fils de mineur, comme Oliver ;
il tombe amoureux d'une femme noble, comme Oliver ;
il se passionne pour les « peuples sylvestres », comme Constance.
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Le passage humoristique et tendre sur « John Thomas and Lady Jane » qui, ici représentent affectueusement le sexe de l'homme et celui de la femme, est une allusion à sa deuxième version expurgé des scènes « hard » du livre sur Lady Chatterley.
Le livre ici critiqué est la troisième version.
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Rattrapé par la tuberculose, il voulait absolument publier ce livre avant de partir.
Etant impossible d'éditer en Angleterre pour cause de censure, il publia à compte d'auteur en Italie en 1928. Il est mort en 1930, juste après avoir écrit une apologie de son livre.
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Sa façon de décrire la sexualité masculine est comique, notamment avec Michaelis, mais assez souvent vraie, bien sûr.
Malraux dit qu'il ne comprend pas la sexualité féminine. Je pense que si. Mais je ne suis qu'un homme.Je vais de ce pas voir les critiques de nos chères soeurs babéliotes pour voir si elles écrivent quelque chose là-dessus : )
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Lisant les belles et justes critiques de Nastasia-B et de Palamede, des souvenirs anciens mais forts me reviennent, j'ai l'impression de revivre certaines scènes. Oui, quel livre important !
Ma touche personnelle d'amoureux des langues : il m'a fait découvrir la réalité de la langue comme signe de la séparation des classes au Royaume-Uni. On parle souvent de l'accent comme marqueur de classe outre-Manche - plus qu'ici - mais Lawrence montre qu'il s'agit presque de dialectes différents, et c'est un intérêt annexe mais réel de ce livre. Pour un angliciste débutant la langue des mines et de l'industrie est difficile quand celle de l'aristocratie paraît déjà familière, et cela souligne la vision sociale de Lawrence.
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Tout ce serait-il joué en un instant ?
Lord Clifford Chatterley avait jugé froidement la situation. Il avait épousé Constance, une jeune et belle écossaise à l'esprit indépendant. Un mariage arrangé entre gens de la bonne société. Mais il était revenu des champs de bataille de la Grande Guerre invalide. Alors il s'en était ouvert à son épouse, ici dans les bois de son domaine : si elle voulait se choisir un amant afin de porter un enfant, il y consentait. C'est à cet instant que le troisième protagoniste de cette histoire fait son apparition : Oliver Mellors, le garde-chasse. Vivant symbole de 'homme des bois frustre, libre.
Ou est-ce le fruit de lente déliquescence ?
Constance refuse de se laisse glisser. Sa vie peut s'envisager vide de toute perspective. En bonne épouse, elle soutient son mari s'épanouit cyniquement dans une vie de romancier plus populaire que vraiment talentueux.
Wargby, leur résidence, appartient à cette morne campagne anglaise marquée du sceau noir de l'industrie minière. La pluie tâchant les sols comme les coeurs. En quittant sa carrière littéraire pour prendre en main ses affaires, Lord Chatterley parachève le rejet de Connie...
Reste l'espace préservé des bois – terres frondeuses car siège des exploits de Robin Hood – et l'homme qui s'y est volontairement retiré. L'amant, l'homme sauvage, si éloigné des conventions de la société anglo-saxonne que leurs premiers échanges amoureux sont simplement, mécaniquement sexuels. Et l'épanouissement de cet amour aura toujours pour ressort principal l'acte, décrit dans des termes les plus explicites. Tout comme leurs échanges : Oliver appréhende les femmes de sa vie sur le plan du sexe et Connie essaye à mots couverts d'évoquer l'amour, tout en ne retenant que les propos les plus licencieux...

" L'Amant... " est une réflexion sur une transformation. On retient principalement le parcours d'une femme qui s'affranchie des conventions sociales pour vivre son amour – son plaisir ? - Mais c'est aussi une britannique analyse du passage de la société traditionnellement rurale à l'ère industrielle et ses conséquences sur les hommes. Sur ce fossé qui se creuse entre gens de peine – de peu – et la Bonne Société où les gentlemen-farmer se font capitaines d'industrie.
Ce fossé, qui rends l'histoire d'amour entre la Lady et le domestique plus inconcevable. A fortiori car le ressort est non une forme de romantisme romanesque mais le sexe. Qui continue à donner à l'oeuvre sont petit " parfum de scandale "...
Pour ma part je retiendrai l'évolution de Lord Chatterley : capable de toute les concessions pour conserver la présence – la considération ? l'amour ? - de son épouse. Il devient un monument de cynisme et de dégoût : préoccupé de la réussite de ses entreprises minières et tyrannisant avec veulerie sa garde-malade par dépit.

" L'Amant... " est une oeuvre dérangeant. Son style est incomparable. Il offre des perspectives de réflexion. Il use les mots les plus crus. Il évoque des bouleversements sur le plan humain pour chaque personnage en particulier et pour l'ensemble de la société britannique. Ces changements semblant paradoxalement inextricablement liés.
L'amour triomphe-t-il de l'adversité ? La question reste posée...
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L'histoire est connue : Dans l'Angleterre du début du 20ème siècle, où les femmes commencent à s'approprier leurs pensées et leurs corps, Constance épouse un aristocrate et devient Lady Chatterley. Hélas, Clifford part à la guerre, et en revient en fauteuil roulant. La vie sexuelle du couple est réduite à néant. Constance doit constamment aider et soutenir son mari au détriment de sa vie de femme, et Clifford ne lui donne pas une once de tendresse en échange de ce qu'il considère comme normal.


Constance étouffe dans cette vie, et sa santé en pâtit. Et lorsqu'enfin une infirmière la seconde pour qu'elle se rétablisse, sa famille l'incite à se divertir avec un amant. Dans le même temps, son mari voudrait bien un héritier et lui propose de trouver discrètement un gentleman pour avoir une aventure sans lendemain avec lui et lui donner un enfant. A condition que cela ne change rien à leur mariage…


Constance s'interroge alors sur ses droits et devoirs en tant que femme, sur l'importance qu'elle doit accorder à ses aspirations et à celles de son corps, sans trouver de réponse sur ce qu'elle doit faire d'elle-même. Elle rencontre alors Mellor, le garde-chasse encore marié mais séparé de sa femme, et des réponses se profilent sur ce qu'elle désire vraiment, ce que veut son corps mais aussi son esprit ; Ce qu'elle veut tout entière puisqu'avec lui, son corps et son esprit sont enfin réunis. Et finalement, n'est-ce pas simplement cela, l'amour ? de simple aventure dans les bois, cette relation devient rapidement fusionnelle et pourrait bien changer leurs vies. Mais le divorce n'est pas encore monnaie courante à l'époque, et le respect des convenances est la seule certitude à laquelle veut s'accrocher une population dont les moeurs évoluent. Constance et Mellor vont-ils sacrifier leurs sentiments aux convenances, ou bien le scandale éclatera-t-il ? Et s'il éclate, sera-ce pour le meilleur… ou pour le pire ?


*****

Si ce classique a une réputation sulfureuse et raconte effectivement une histoire d'amour, il est avant tout le formidable portrait de l'Angleterre de la révolution industrielle, d'une société en plein bouleversement technologique et en pleine évolution des moeurs à laquelle la population tente de s'adapter : Quelle place reste-t-il pour l'aristocratie dans cette société ? Quel y sera le rôle de la femme ? Des classes sociales ? D.H. LAUWRENCE nous y livre toute une série de réflexions intéressantes sur le contexte socio-politique de l'époque, et c'est ce qui rend ce livre passionnant et en a fait un chef d'oeuvre : Car il mêle intimement l'individu avec son époque et montre comment les deux évoluent l'un avec l'autre.


Ainsi, le sexe est très présent dans les réflexions échangées entre les protagonistes, parce qu'il correspond aux bouleversements subis par la société à cette époque. Cependant, contrairement à ce que suggère sa réputation, les scènes d'amour nous sont épargnées, simplement suggérées après quelques gestes tendres. Je n'ai pas vu le film mais d'après ce que j'en ai entendu, il est peut-être plus érotique que le livre lui-même ?


Quant à la plume, elle est belle et facile à lire, ce qui fait de ce classique une oeuvre très abordable. Vous n'avez donc plus d'excuse pour ne pas le découvrir. J'ajoute que dans l'édition que je vous présente en photo, vous pourrez lire la préface de D.H. LAUWRENCE qui explique et défend son oeuvre contre les jugements et censures qu'elle a subi :

« L'esprit garde, au fond de lui, une antique peur du corps et de la puissance du corps. Et c'est l'esprit qu'il convient de libérer, de civiliser sur ce point. La terreur que le corps inspire à l'esprit a rendu fou d'innombrables hommes. »

« L'obscénité n'apparaît que si l'esprit méprise et craint le corps, si le corps hait l'esprit et lui résiste. »

« La vie n'est acceptable que si l'esprit et le corps vivent en bonne intelligence, s'il y a un naturel équilibre entre eux, et s'ils éprouvent un respect naturel l'un pour l'autre. »


L'avantage des classique est que, bien souvent, les questions qu'ils posent restent en partie d'actualité longtemps après, car ils abritent une part d'universalité. Ici, que ce soit l'histoire ou les questions posées, il y a encore aujourd'hui matière à réfléchir avec l'auteur...

Lien : http://onee-chan-a-lu.public..
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Constance, Lady Chatterley, meurt d ennui à petit feu auprès de son mari Clifford revenu handicapé de la guerre. Incapable de la satisfaire physiquement et de lui donner un enfant. Constance va s éveiller à la sensualité auprès du garde chasse de son mari.
Roman très sensuel, un peu cru, souvent poétique qui met en balance deux visages de l Angleterre.
Roman que j ai trouvé long à démarrer. Peut être que j avais trop d attentes.
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Publié en 1928 mais rapidement censuré, L'Amant de Lady Chatterley est considéré comme le Cinquante Nuances de Grey de l'époque, la qualité en plus (vous ne trouverez pas de chroniques de Cinquante Nuances de Grey sur ce site car la lecture a été tellement fade que 1. je n'ai rien trouvé à en dire d'intéressant, 2. rarement un livre m'avait paru aussi dépourvu d'intérêt pour refuser de lire la suite).
Largement décrié, le roman du britannique D. H. Lawrence a d'abord été publié à Florence à compte d'auteur en 1928 mais n'a été admis dans les librairies anglaises qu'après 1960 (l'auteur est décédé en 1930) après un procès de la maison d'édition Penguin Books pour publication obscène. Les scènes largement érotiques que d'aucuns ont estimé pornographiques ont été cause de cette mise à l'index durant trois décennies.

L'histoire en elle-même n'a pourtant rien de scandaleuse. Constance Chatterley est mariée à Clifford, un riche terrien qui revient infirme et impuissant de la Première Guerre Mondiale. Constance est jeune et Clifford, compréhensif. Constance, en jeune femme libérée, prend un premier amant, puis un deuxième. Elle entretient une relation bouleversante avec Mellors, le garde-chasse du domaine dont elle finit par avoir un enfant. Dans un même temps, D. H. Lawrence décrit une Angleterre industrialisée et triste où le paysage se couvre davantage de mines que de forêts. de longs passages décrivent ses campagnes houillères en opposition au reste de nature qu'ils subliment de lumière et de beauté. Pourtant, même si ces descriptions sont intéressantes, elles restent mineures et au second plan d'une histoire beaucoup plus sulfureuse.

Ce qui a choqué à l'époque, c'est le langage cru des descriptions des scènes érotiques. Les femmes de l'époque tentaient de se procurer L'Amant de Lady Chatterley pour mieux comprendre les choses de l'amour qu'on n'apprenait pas à des jeunes filles. le point de vue pris par l'auteur est étonnant : j'ai trouvé ce roman très centré sur le plaisir féminin contrairement à ce que l'on pourrait penser pour un auteur britannique du début du XXème siècle. Parfois je me suis demandé s'il n'avait pas été écrit par une femme, tant l'étude des sentiments et des sensations me semblait réaliste et bien analysée.
J'ai trouvé quelques longueurs, notamment quand Constance prépare son voyage en Italie. Certains passages auraient sans doute mérité d'être abrégés mais ils n'enlèvent rien au côté précurseur d'un roman pareil.

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Lien : http://raisonlectureetsentim..
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Livre connu comme oeuvre érotique et qui a dû être sulfureux à sa sortie. A le lire aujourd'hui, certes, les scènes de sexe sont explicites, mais ne sont pas noyées de sensualité, ni a fortiori par une sensualité torride ni même suggestive. de ce point de vue, le récit m'est apparu assez plat.

J'ai bien davantage aimé la description de la vie à cette époque encore victorienne, où la femme anglaise n'avait guère de place en dehors de son rôle de mère et d'épouse et où les tressaillements sociaux de l'entre-deux guerres commencent à se faire sentir. Là Lawrence se révèle un brillant conteur.

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Un livre, « Anaïs Nin : sur la mer des mensonges » lu en début 2021, m'a incité à lire « L'amant de lady Chatterley » car Anaïs Nin, dont on suit la vie dans les années 1930, écrivait alors un essai sur D.H. Lawrence. Comme quoi, la bande dessinée peut amener à la lecture de classiques de la littérature.

Ce roman a été publié en 1928 à Florence, mais seulement en 1960 au Royaume-Uni, après un procès pour tenter de l'interdire. Pour cette raison, je pensais trouver une oeuvre avec un forte connotation érotique. Or, franchement ce pan de l'oeuvre existe, mais avec beaucoup moins de passages explicites que dans d'autres livres ayant fait l'objet de procès de censure (par exemple dans « J'irai cracher sur vos tombes » pour un autre livre lu cette année).

« le flux et le reflux de nos affections est en réalité ce qui conditionne notre existence. D'où l'importance des romans, si l'on sait les utiliser. Ils peuvent nous instruire et nous orienter dans notre affection, ou, inversement, la détourner de ce qui est mort pour nous. Ils sont capables de nous révéler les lieux les plus secrets de l'existence. Car les passions secrètes sont l'élément dans lequel doit baigner notre conscience, pour se purifier et se renouveler. »

L'amant de lady Chatterley présente également les grandes évolutions du début du 20e siècle : la fin de la vieille Angleterre, avec ses domestiques et ses grands domaines vers une société plus moderne, les conséquences de la première guerre mondiale, avec le handicap du mari, Clifford Chatterley, l'industrialisation avec l'importance des mines de charbons en Angleterre, la lutte des classes avec l'amour entre une lady, Constance Chatterley, surnommée Connie, et un garde-chasse, Olivier Mellors, comme l'avait vécu les propres parents de David Herbert Lawrence, bourgeoise et mineur.

Certains passages égratignent aussi d'autres auteurs passés ou contemporains de David Herbert Lawrence qui s'exprime à travers Constance Chatterley de manière assez savoureuse… Pour illustration sur Marcel Proust :
- « J'ai essayé mais il me rase.
- Il est vraiment exceptionnel.
- Possible, mais il me rase avec toute cette subtilité ! Il n'a pas de sentiments personnels, il ne fait que disserter sur les sentiments. J'en ai assez de cette vanité mentale.
- Tu préférerais une vanité animale ?
- Peut-être ! Mais on pourrait peut-être se passer de la vanité ».

Un roman que je suis contente d'avoir lu et qui me donne envie de poursuivre ma découverte de la littérature anglaise ! Sans doute avec « Nord et Sud » d'Elisabeth Gaskell.
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Superbe.
Ce livre a été une révélation pour moi. Bien avant la mode des livres de romances insipides (Harlequin) et plus récemment les bêtises de romances à base de bad boys et de jeune fille frivole que l'on voit fleurir sur les étals des magasins, cette oeuvre est une référence en matière de romance, de sensualité et d'érotisme.
L'attirance de Constance pour son garde-chasse, la lutte des classes qui s'opère, sous fond de déliquescence de l'Empire Britannique, donne beaucoup de charme à cette oeuvre très sulfureuse, surtout pour l'époque.
Un livre à lire et à relire...
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