Après Louis XII et
Charles VIII,
Didier le Fur nous propose ici sa troisième biographie d'un roi de France de la Renaissance. Il a fait des progrès : c'est la plus agréable à lire.
«
Henri II, roi faible, gentil mais sans envergure, aveuglé par sa maîtresse Diane de Poitiers, manipulé par les Guise, des étrangers qui le pousseront à mener des exactions contre les réformés » ; c'est ce portrait peu flatteur que l'auteur souhaite redresser ; « esquisser un autre portrait, celui que Henri souhaita se donner, et saisir les arguments qu'il choisit pour expliquer son action politique à ses sujets » (cf. l'introduction). de fait
Henri II étant mort à 40 ans et n'ayant régné que 12 ans, une bonne partie de l'ouvrage présente le règne de son père François 1er et de ses permanentes bisbilles avec sa Némésis l'empereur Charles Quint. Henri étant un cadet, il n'était pas destiné à régner et était peu magnifié pas la propagande royale. C'est la mort inattendue de François son ainé qui le mettra en avant.
Henri II vouera lui aussi une haine féroce à Charles (surtout à cause de son passage en Espagne en tant qu'otage) et poursuivra la guerre durant tout son règne. Quatrième roi à tenter l'aventure de la conquête en Italie, il ne s'en sortira pas mieux et enterrera une fois pour toutes les fameuses Guerres d'Italie. Cependant il parviendra à s'emparer des trois évêchés lorrains, à reprendre Boulogne et surtout Calais aux Anglais et à donner des sueurs froides à l'empereur aux Pays-Bas. Les aventures amoureuses du roi sont quasiment absentes. La part donnée à la montée de la Réforme et à sa répression est très réduite (trop à mon goût) mais il est vrai que sur ce point les choses se gâtent après
Henri II.
Didier le Fur n'est pas le genre à écrire un ouvrage historique « qui-se-lit-comme-un-roman ». Très exhaustif dans la présentation des faits et évènements (la liste de références en fait foi) il aime avant tout montrer comment la propagande royale et les poètes de cour s'attachaient à valoriser le roi, à justifier ses actes auprès de ce qui n'est pas encore son « opinion publique ». Ses deux précédentes bios étaient donc divisées en deux grandes parties ; la première consacrée au récit, la seconde à l'exposition et l'analyse de la propagande royale, aux majestueuses entrées dans les villes du royaume, aux livres écrits pour la gloire du roi. Inutile de vous dire à quel point la 2eme partie était indigeste, laborieuse, souvent ennuyeuse.
Ici l'auteur innove et construit un ouvrage d'un seul tenant sans renoncer à ses marottes préférées. Les descriptions de propagande, les entrées sont inclues dans le récit. Elles sont encore trop nombreuses et longues à mon avis – les entrées dans Lyon puis Paris se succèdent sur 40 pages d'affilée, avec les descriptions et analyses de chaque spectacle, chaque défilé, chaque monument – mais elles ont l'avantage de séparer dans l'espace et le temps les sempiternelles guerres France / Empire / Angleterre qui sans cela se mêleraient les unes dans les autres dans un flou artistique au fond de ma mémoire.
Didier le Fur parsème le récit d'anecdotes amusantes et de descriptions prenantes ; l'histoire du « coup de Jarnac » qui fut le dernier duel judiciaire est du premier genre, la résistance française lors du siège de Metz du deuxième. Il renforce l'analyse de la propagande royale avec des extraits de poèmes de cour dithyrambiques, dont certains des bien connus
Joachim du Bellay et
Pierre Ronsard. Il fait oeuvre d'abondantes références reportées à la fin du livre ; mais celles-ci n'étant que des références bibliographiques et pas des explications supplémentaires on peut se passer de les consulter et ne pas couper sa lecture par des aller-retours constants. Il est en revanche chiche en cartes (seulement deux) qui manquent cruellement lors du récit des conflits en Italie. En compensation, on a droit au centre de l'ouvrage à un livret d'illustrations de peintures, gravures et médailles utiles pour éclairer la propagande royale (le Fur avait déjà employé cette approche dans ces deux bios précédentes).
En conclusion, un livre où l'on apprend beaucoup, où l'on est parfois vraiment pris par l'action mais où l'on s'ennuie parfois aussi.
Que ce soit parce qu'il en avait assez ou parce qu'il n'est plus « bankable »,
Didier le Fur a arrêté là ses biographies des rois de France. J'irai donc voir vers d'autres cieux. Une biographie de Catherine de Médicis m'attend gentiment dans ma bibliothèque. Elle devrait me permettre de survoler les trois règnes suivants. Cependant je ne sais pas ce qu'elle me réserve au niveau de la description de la période noire et essentielle qui porte le nom des guerres de religion.
Si d'aventure vous avez un ouvrage précis et magnifique à me conseiller sur le sujet, je suis preneur.