L'idéal c'est de se lancer dans la découverte de l'univers de
Linda Lê, en commençant par ses derniers romans.
Ici, il s'agit d'un recueil de nouvelles écrit à l'âge de vingt-six ans et de son troisième livre après les romans Un si tendre vampire (que je viens seulement de commander : longtemps introuvable, car
Linda Lê elle-même avait pris ses distances avec ses premiers écrits en les écartant même de sa bibliographie) et
Fuir.
Dans Solo, les personnages sucent le sang de leurs proches ou se font sucer le sang par eux, mais restent des vampires au sens figuré. C'est surtout de SOLITUDE qu'il est question. Tous les personnages se caractérisent par cet état d'âme, particulièrement exacerbé dont le symbole évident reste la marionnette Solo (cf. la toute première nouvelle).
Il y a encore dans ce livre l'image du pays étranger, on le devine à mi-mot le Vietnam (dont
Linda Lê est originaire), d'où la question du langage : le français, précis et à la limite de l'érudition (cela deviendra vite jubilatoire dans les livres suivants) contre le vietnamien qu'elle a abandonné et dans lequel elle a écrit des lettres maladroites et d'une politesse cérémonieuse à son père. Celui-ci, qu'elle pense avoir laissé mourir au Vietnam, la tourmente sans cesse.
Ces nouvelles sont brèves et regroupées en quatre parties aux titres révélateurs : Les doublures, Les complices, le soliste, Les revenants.
Linda Lê n'a eu de cesse de faire évoluer la précision de la langue qu'elle manie avec maestria et ses écrits sont pour moi d'indispensables nourritures livresques, à l'image de ce proverbe égyptien qu'elle cite ici, page 59 : « Je te nourris pour te former des rondeurs, mais tes os pointent vers moi et me font peur ».