Rassemblées en un volume, ce sont toutes les chroniques que
Léautaud a publié en 1928 mais il s'était opposé à Alfred Valette pour une réédition : voilà pour « Passe-Temps ».
Quant à « Passe-Temps II », il s'agit d'un dossier intitulé ainsi et retrouvé après sa mort par
Marie Dormoy, la dernière compagne de
Léautaud, et publié en 1964.
Léautaud est un personnage. Solitaire, casanier, amoureux éperdu des bêtes, ces « Passe-Temps » pourraient être considérés comme des miniatures extraites et développées dans son « Journal Littéraire ».
Ce que de prime abord je redoutais du bonhomme
Léautaud, me l'a rendu, au fil de la lecture, plutôt complice sous certains aspects. Ses partis pris sont tenaces, ses amitiés indéfectibles et sa sensibilité transparaît quand il écrit les obituaires de Rémy de Gourmont, de Valette qui le fit entrer au «Mercure » et d'
Apollinaire, un des rares poètes qui trouvait grâce à ses yeux car il employait des « mots simples ». Comme lui,
Léautaud se défie du style, de défie de toute littérature poseuse ou compliquée. Anarchiste – au moins pour cette idée là-, l'armée, le service militaire l'insupportent. Au sortir de la Première Guerre Mondiale, il en dénonce l'absolue absurdité. On tue des gens pour rien. C'est une des pires escroqueries de l'humanité.
Casanier, le seul voyage qu'il fait en juin 1930 en Bretagne est raconté presque comme une épopée. Il note tout ce qu'il voit, tient un journal qui devient un livre d'heures dans le train de Paris à Saint-Malo. Il apprécie Saint-Malo mais trouve Dinard affreux. Il faut dire qu'à Saint-Malo, se trouve le tombeau
De Châteaubriand, « homme extraordinaire ». La visite du Mont-Saint-Michel, d'abord déclinée puis acceptée est un supplice assez proche de ce que j'ai vécu en y allant. Il ne monte pas au sommet mais reste assis sur les marches en pensant avec regret à son domicile parisien.
Détestant d'emblée le cinéma car il pense que les acteurs y sont encore plus cabotins et imbus qu'au théâtre, il consacre néanmoins un texte où il raconte un film qu'il a en tête : « occasions pour films ». Je ne suis pas certain qu'il ait apprécié qu'on le publie et qu'on le lise.
Le premier « Passe-Temps » se finit par des « mots, propos et anecdotes » dont bon nombre font sourire et c'est un délice que
Léautaud ait été à l'affût de scènes ou de propos entendus, comme un appareil enregistreur. Pour lui, c'est une qualité d'être curieux de tout même des choses les plus triviales, sentimentales ou niaises.
Avec
Léautaud, comme récemment avec Cavanna (ou même Beethoven , finalement), je partage cette haine tenace à tout ce qui peut, a pu ou pourra glorifier Napoléon, dictateur quasi-psychopathe qui a envoyé tant de gens au casse-pipe pour sa gloriole personnelle.
Léautaud est un écrivain sans concessions et finalement, c'est assez bien qu'on ne puisse le situer politiquement. Anarchiste ? Vieux réactionnaire ? Comme beaucoup de ceux qui expriment le fond de leur pensée, c'est tout ce mélange qui fait son charme.
Il refuse le sentiment amoureux, prétendant que c'est une niaiserie et que seul le désir sexuel motive les hommes. A-t-il vraiment tort ?