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EAN : 9782715214316
448 pages
Le Mercure de France (02/02/1987)
4.38/5   8 notes
Résumé :
Éditions originales séparées en 1929 et 1964. Nouvelle édition en un volume
Collection Bleue, Mercure de France.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Pourquoi la lecture de Léautaud procure-t-elle un pareil délice ? Quoi de plus délicieux qu'un vieux monsieur indigne, à part une vieille dame ? Léautaud, conscient de son excentricité n'aime que les excentriques. Forcément son oeuvre ne peut pas vieillir. C'est le normal qui vieillit mal. L'excentrique d'hier n'est pas le normal d'aujourd'hui ; avec le temps il devient plus excentrique, plus exotique, plus amusant. Revenu de tout, attaché à rien, Léautaud est plus grunge que Kurt Cobain, plus gaga que Lady Gaga et il écrit plusieurs milliards de fois mieux que tous les Hunter Thompson et les Jack Kerouac, poseurs devenus illisibles. Léautaud est libre. D'écrire tout le mal qu'il pense de ceux dont nous pensons du bien, libre d'en dire du bien au chapitre suivant, s'il le voulait, libre de mentir comme le séducteur mythomane de Women. Léautaud c'est notre Chinaski de France. Tombeur improbable qui baise dans sa tête, avec son chapeau trop petit, son froc trop grand, ses mitaines au bout de ses poignets de chemise cradingues. Entre deux séances de jambe en l'air imaginaires, il raconte et ironise, ce qui est l'art même. Regard en coin, espiègle et brillant, il observe. Une fois rentré chez lui, il se fout de nous dans son journal. J'en reprendrais bien mille pages. Il réussit à me faire croire qu'il est heureux, seul avec son poêle à bois. Léautaud ne se plaint pas, il en rit, il n'écrit pas « mon boulot est pénible », il dit : j'avais toutes mes soirées à moi pour rêver.
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Rassemblées en un volume, ce sont toutes les chroniques que Léautaud a publié en 1928 mais il s'était opposé à Alfred Valette pour une réédition : voilà pour « Passe-Temps ».
Quant à « Passe-Temps II », il s'agit d'un dossier intitulé ainsi et retrouvé après sa mort par Marie Dormoy, la dernière compagne de Léautaud, et publié en 1964.
Léautaud est un personnage. Solitaire, casanier, amoureux éperdu des bêtes, ces « Passe-Temps » pourraient être considérés comme des miniatures extraites et développées dans son « Journal Littéraire ».
Ce que de prime abord je redoutais du bonhomme Léautaud, me l'a rendu, au fil de la lecture, plutôt complice sous certains aspects. Ses partis pris sont tenaces, ses amitiés indéfectibles et sa sensibilité transparaît quand il écrit les obituaires de Rémy de Gourmont, de Valette qui le fit entrer au «Mercure » et d'Apollinaire, un des rares poètes qui trouvait grâce à ses yeux car il employait des « mots simples ». Comme lui, Léautaud se défie du style, de défie de toute littérature poseuse ou compliquée. Anarchiste – au moins pour cette idée là-, l'armée, le service militaire l'insupportent. Au sortir de la Première Guerre Mondiale, il en dénonce l'absolue absurdité. On tue des gens pour rien. C'est une des pires escroqueries de l'humanité.
Casanier, le seul voyage qu'il fait en juin 1930 en Bretagne est raconté presque comme une épopée. Il note tout ce qu'il voit, tient un journal qui devient un livre d'heures dans le train de Paris à Saint-Malo. Il apprécie Saint-Malo mais trouve Dinard affreux. Il faut dire qu'à Saint-Malo, se trouve le tombeau De Châteaubriand, « homme extraordinaire ». La visite du Mont-Saint-Michel, d'abord déclinée puis acceptée est un supplice assez proche de ce que j'ai vécu en y allant. Il ne monte pas au sommet mais reste assis sur les marches en pensant avec regret à son domicile parisien.
Détestant d'emblée le cinéma car il pense que les acteurs y sont encore plus cabotins et imbus qu'au théâtre, il consacre néanmoins un texte où il raconte un film qu'il a en tête : « occasions pour films ». Je ne suis pas certain qu'il ait apprécié qu'on le publie et qu'on le lise.
Le premier « Passe-Temps » se finit par des « mots, propos et anecdotes » dont bon nombre font sourire et c'est un délice que Léautaud ait été à l'affût de scènes ou de propos entendus, comme un appareil enregistreur. Pour lui, c'est une qualité d'être curieux de tout même des choses les plus triviales, sentimentales ou niaises.
Avec Léautaud, comme récemment avec Cavanna (ou même Beethoven , finalement), je partage cette haine tenace à tout ce qui peut, a pu ou pourra glorifier Napoléon, dictateur quasi-psychopathe qui a envoyé tant de gens au casse-pipe pour sa gloriole personnelle.
Léautaud est un écrivain sans concessions et finalement, c'est assez bien qu'on ne puisse le situer politiquement. Anarchiste ? Vieux réactionnaire ? Comme beaucoup de ceux qui expriment le fond de leur pensée, c'est tout ce mélange qui fait son charme.
Il refuse le sentiment amoureux, prétendant que c'est une niaiserie et que seul le désir sexuel motive les hommes. A-t-il vraiment tort ?
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Le monde est plein d'individus qui ont remporté les plus brillants succès dans des examens et qui sont des ignorants et des sots complets; ne connaissant rien, incapables de rien juger par eux-mêmes, qui ont complètement oublié ce qu'ils ont su pendant quelques heures et qui n'ont pas appris un iota depuis qu'ils ont été livrés à eux-mêmes. L'instruction apprise ne prouve rien, ne rime à rien, est complètement inutile, pour ne pas dire malfaisante, et ne fera jamais d'un imbécile un homme intelligent, d'un cerveau obtus un cerveau actif, et d'un être sans compréhension un être capable de jugement personnel. La seule instruction qui compte, et qui donne des fruits, c'est celle qu'on se donne soi-même car seule elle prouve chez un individu le désir de savoir et l'aptitude au savoir. Elle a de plus cet avantage qu'on s'instruit selon le sens de son esprit, en conformité avec lui, d'une manière appropriée à la nature de son être, à ses tendances et à ses goûts, ce qui ajoute encore à l'efficacité de cette instruction. En réalité, l'enseignement pédagogique est fait pour les paresseux, pour les esprits sans curiosité, pour les individus qui resteraient complètement ignares si on ne leur apprenait pas quelque chose de force, pour ainsi dire. II n'y a que l'élite qui compte, et l'élite ne se constitue pas avec des diplômes. Elle tient à la nature même de certains individus, supérieurs aux autres de naissance, et qui développent cette supériorité par eux-mêmes, sans avoir besoin de l'aide d'aucuns pédagogues, gens, le plus souvent, fort bornés et fort nuisibles.
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On répétait "une Famille au temps de Luther". Il fallait une Bible à Mounet-Sully. Il voulut absolument en avoir une de l'époque. Malgré la difficulté à la trouver, et la dépense qu'elle représentait, Jules Claretie [administrateur général de la Comédie française, de 1885 à 1913] réussit à la lui trouver. Il la lui apporta, tout heureux, à une répétition. Mounet-Sully la prit dans ses mains, la regarda, la retourna, puis, la posant sur une table avec découragement : “Mais non, dit-il de sa voix chevrotante, mais non. À cette époque, c'était un livre neuf".
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Un nommé Kauffmann, boucher à Berlin, grand séducteur de femmes, faisait disparaître ses conquêtes sans qu'il restât d'elles la moindre trace. Il ne les brûlait pas comme notre Landru les siennes, mais les débitait dans sa boutique à ses clients comme du veau. On ne nous dit pas s'il en a mangé lui-même. Cette perspective donne à rêver. On doit se garder de parler de ce qu'on ne connaît pas. Manger un morceau de la fesse de sa bien-aimée ? Pour un amant un peu raffiné, il y a peut-être là un grand plaisir.
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J'avais surtout, comme clerc d'avoué, des dossiers d'assistance judiciaire, et dans ces dossiers, surtout des dossiers de divorces. J'ai vu là de bien belles histoires conjugales. Je trouvais déjà souverainement immoral que des gens puissent se marier et acquérir un droit de propriété l'un sur l'autre. L'expérience objective que j'ai faite là du mariage m'a donné, en plus, une prodigieuse admiration pour le courage qu'il demande.
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Tu t'en doutes bien. Je t'aime toujours. Je pense toujours à toi. C'est vrai ce que j'ai écrit un jour, ce que je t'ai souvent dit: j'aime mieux me b... en pensant à la femme que j'aime que de faire l'amour pour de bon avec une femme que je n'aime pas.
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