"Lorsque j'écoute le Bambara dans "Yeelen" de Souleymane Cissé, est-ce que je suis encore un étranger ?
Jean-Marie
G. le Clézio
Souleymane Cissé a été reconnu comme l'un des cinéastes africains les plus importants du XXème siècle. C'est au VGIK de Moscou qu'il se forme à la réalisation dans les années 1960. Il contribue ensuite, avec
Ousmane Sembène notamment, au développement du réalisme social. Cinéaste engagé, il s'intéresse aux réalités de la société malienne contemporaine."Yeelen" (La lumière) sorti en 1987 et récompensé à Cannes marque une nouvelle étape. En s'inspirant des mythologies Bambara et Dogon il réalise un film qui frappe par sa beauté formelle et sa richesse symbolique. Dès les premiers plans, des idéogrammes Bambara, des rites et des sacrifices pratiqués au milieu de la Brousse nous plongent dans le monde magique d'une société secrète ancestrale, la société du Komo. Son chef, un féticheur, est à la recherche de son fils qu'il accuse de trahison et qu'il contraint à la fuite. Les paysages sont grandioses. Souleymane Cissé a choisi de tourner dans les pays Peul et Dogon, sur les falaises de Bandiagara, au lever ou au coucher du soleil, privilégiant une lumière plus douce, presque dorée, et inscrivant le film dans une vision cosmogonique aussi bien que tragique, la maison des Diarra frappée d'une malédiction ressemble à celle des Atrides. Cet essai de
Samuel Lelièvre soulève de nombreuses questions. Souleymane Cissé se différencie du cinéma ethnographique de la période coloniale. Il crée une oeuvre de fiction originale autour du sacré africain dont il dénonce aussi la violence aveugle.