Citations sur Robe de marié (189)
- Oh non, moi, rien ne m'embête, vous savez, je suis plutôt du genre facile à vivre..
Et cette seule sentence, prononcée avec cette sincérité désarmante, fait penser à Sophie qu'il n'y a peut-être rien de plus pénible dans l'existence que les gens faciles à vivre.
Ce matin-là, comme beaucoup d'autres, elle s'est réveillée en larmes et la gorge nouée alors qu'elle n'a pas de raison particulière de s'inquiéter. Dans sa vie, les larmes n'ont rien d'exceptionnel : elle pleure toutes les nuits depuis qu'elle est folle. Le matin, si elle ne sentait pas ses joues noyées, elle pourrait même penser que ses nuits sont paisibles et son sommeil profond. Le matin, le visage baigné de larmes, la gorge serrée sont de simples informations. Depuis quand ? Depuis l'accident de Vincent ? Depuis sa mort ? Depuis la premiÈre mort, bien avant ?
Elle s'est redressée sur un coude. Elle s'essuie les yeux avec le drap en cherchant ses cigarettes à tâtons et ne les trouvant pas, elle réalise brusquement où elle est. Tout lui revient, les événements de la veille, la soirée... Elle se souviens instantanément qu'il faut partir, quitter cette maison. Se lever et partir, mais elle reste là, clouée au lit, incapable du moindre geste. Épuisée.
Au debut des années 2000 , le laboratoire en a vendu plusieurs milliers , à des femmes principalement . Il avait de quoi seduire , coté obésité , on n'avait jamais vu un truc pareil .(...). la molécule anti-obésité etait par ailleurs une sorte de "prodépresseur" . On s'en est rendu compte au nombre de suicides . Dans la plus grande démocratie du monde , le laboratoire n'a eu aucun mal a etouffer l'affaire . On a évité les proces a l'aide du plus puissant inhibiteur du sentiment de justice : le carnet de cheques . La recette est simple : devant une résistance résolue , on ajoute un zero .
C'est la seconde fois de sa vie qu'elle mesure à quel point une vie normale peut basculer, en une seconde, dans la folie, dans la mort.
Sergent-chef dans les transmissions, je passe pour un crétin acceptable.
Le gros con, quant à lui, n'est nullement gros. Il peut avoir trente ans. Très brun, grand, bodybuilder en soirée, cravaté comme un chef de rayon de grand magasin, il se montre particulièrement sourcilleux sur trois points: les horaires, les salaires et le cul des serveuses.
La trentaine épaisse, un visage un peu brutal, le genre à prendre ses vacances en famille, à jouer à la pétanque en disant des conneries, à porter des chaussettes de ville avec des nu-pieds, à prendre vingt kilos dans les cinq prochaines années, des maîtresses pour l'heure du déjeuner, à mettre ses collègues au courant, le genre dragueur d'agence BNP, avec la chemise jaune, le "Mademoiselle" bien appuyé. Le genre con.
Je viens de l'apercevoir pour la première fois. Elle s'appelle Sophie.
Lorsqu’il ouvre la porte, Sophie est assise devant la table de la cuisine. Elle donne l’impression de s’être assise là il y a des siècles et de ne plus en avoir bougé. La table est vide, à l’exception du cendrier débordant ; elle a les mains jointes, posées sur la toile cirée. Elle porte des vêtements qu’il ne lui connaît pas, fripés, mal assortis, qu’on dirait achetés dans une brocante. Ses cheveux sont sales, ses yeux rouges. Elle est terriblement maigre. Elle se tourne lentement vers lui, comme si le mouvement lui demandait un effort démesuré. Il s’avance. Elle veut se lever mais elle n’y parvient pas. Elle penche simplement la tête de côté et dit : « Frantz ».
Voilà.
C'est fait.
Dans quelques semaines, Sophie sera mariée.
Adieu Sophie-la-dingue.
Une vie nouvelle.
Ça lui vaut quelques secondes de respiration libérée.
Il sourit en regardant le monde.