Le sous titre "L'indiscipliné" donné à cette biographie très bien documentée d'Edgar Morin est particulièrement bien trouvé : le sociologue a toujours traversé les disciplines et refusé les mises au pas d'où qu'elles viennent. Engagé très jeune dans la résistance, il en a gardé ce côté franc-tireur. L'histoire de sa vie est aussi l'occasion de parcourir la vie intellectuelle de ces 80 dernières années. On y croise Clara Malraux, Marguerite Duras, Roland Barthes, Jean Duvignaud, Georges Perec (eh oui !), Cornelius Castoriadis, Claude Lefort, Jean Daniel et plusieurs autres. Les idées d'Edgar Morin sont bien présentées et l'auteur met en relief les constantes dans cette œuvre pluridimensionnelle. Les admirateurs du sociologue-philosophe ne seront pas déçus et ceux qui ne le connaissent pas encore pourront trouver ici une première introduction à cette œuvre, certes complexe – c'en est d'ailleurs un des maître-mots ! –, mais aussi lumineuse.
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L'essentiel de leur discussion arrive assez vite.
« Bon, comme moi tu te bats contre les nazis, pour libérer le sol de la Patrie, pour la liberté, pour la naissance d'un monde nouveau. Mais dis-moi : au plus profond de toi, quel a été le déclic ? »
Edgar sourit. L’autre jeune homme s’est un peu trahi en ajoutant :
« Quelles ont été les raisons de ton clinamen ? »
Clinamen. L’écart, la déviation inattendue des atomes de leur chute dans le vide, selon la physique de Lucrèce… Son interlocuteur devait être un étudiant en philosophie dans une autre vie. Il lui répond :
« La Patrie, oui, sans doute. Mais je sens que je ne peux plus m’abstraire d’un combat mondial de vie ou de mort. »
Ce jour-là et cette rencontre-là ont fait naître un personnage : Edgar Morin.
Introduction. L'invention d'Edgar Morin, p. 13
Il se bat contre les nazis, pas contre les Allemands. Il l'écrit, il le martèle. Il est juif, résistant, sous-marin communiste, ami des gaullistes.
Introduction. L'invention d'Edgar Morin, p. 10
C'est un temps de murmures, de secrets inquiets, de liberté en guerre. C'est un temps où l'on vieillit plus que l'on apprend. Où la jeunesse se tue vite. Où l'on sauve sa peau sur un quiproquo, à cause d'un rendez-vous manqué. C'est un jour de l'automne 1943.
Introduction. L'invention d'Edgar Morin, p. 9
1941. Camp de Fallingbostel. Baraque 8. Une poignée d'irréductibles du Stalag XI-B refusent la défaite et montent leur réseau. Des premières filières d'évasion à l'unification de la Résistance, et jusqu'à la victoire finale, Emmanuel Lemieux mène l'enquête et raconte l'épopée du Réseau Charette.
Quels étaient les visages de l'Armée des ombres ? Quels noms résonnent dans son silence ? Qui étaient Philippe Dechartre, André Ulmann, Charles Bonnet, Pierre le Moign' ? Quel fut le rôle de Michel Cailliau, neveu du général De Gaulle, alias « Charette » ? Et comment a-t-il affronté François Mitterrand, dit « Morland » ? Derrière les barbelés, ces hommes inventent une organisation hors-norme. Gaullo-communiste, francoallemand, éparpillé et uni, leur réseau rassemblera les prisonniers de guerre et recrutera au-delà.
Emmanuel Lemieux part sur ses traces et dévoile les ultimes secrets de la Résistance. Avec lui, on rencontre Marguerite Duras, Marie-Agnès de Gaulle, Clara Malraux, Vladimir Jankélévitch et un certain Edgar Nahoum. Dans ces pages qu'il authentifie, ce dernier témoin retrouve l'histoire de ses amis : « J'ai pu, grâce à tous, devenir Edgar Morin. »
Cette fresque immense se déroule de Londres à Alger, dans le vrombissement des Lysanders et le secret des prisons. Et l'on part à la recherche de splendides fantômes dans une nuit profonde.
Une aventure tragique et grandiose. Une enquête romanesque.
Un grand livre d'histoire.
Emmanuel Lemieux est journaliste d'enquête, spécialisé dans la vie des idées, éditeur et auteur d'une dizaine d'ouvrages. Il a notamment écrit L'Indiscipliné, la biographie d'Edgar Morin et Pouvoir intellectuel, les nouveaux réseaux.
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