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EAN : 9782268041018
237 pages
Les Editions du Rocher (27/11/2001)
4.71/5   7 notes
Résumé :
A la recherche d’une bouffée d’air pur ? Relire ce livre, plonger de nouveau dans l’histoire de ce 20ème siècle s’ouvrant sur la guerre civile européenne et s’achevant sur le fait terroriste du 11 septembre.

Dans notre siècle de certitudes immédiates, de scientifiques assurés de leurs vérités multiples, de technologies technologiques, quel bonheur d’aller à la rencontre des écrivains, des poètes, des philosophes accompagnés par Gustave Thibon. Parler ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Je crois que je ne pouvais rêver meilleure introduction à Gustave Thibon que ces entretiens avec un homme accroché à la terre comme les racines d'un arbre, penseur bien éloigné des sachants de salons.
Ami sincère de la philosophe d'origine juive Simone Weil – à ne pas confondre avec la femme politique Simone Veil ! –, dont il n'oubliera jamais le souvenir tendre, Gustave Thibon c'est un attachement à la tradition qui ne verse pas dans la fascination du totalitarisme – procès d'intention d'ailleurs souvent fait aux amoureux de la France charnelle.
Ces entretiens, donc, coulent de source ; une source ardéchoise de préférence, là où naquit et mourut Gustave Thibon. On voyage dans le temps et la pensée d'un homme qui aura fait de grandes rencontres, connu une vie de savoir, d'émerveillement, sous le manteau protecteur de la foi.
Il y a surtout une poésie douce, et non moins inquiète, dans ces échanges avec Philippe Barthelet, lequel, par son érudition, sait relancer avec brio Gustave Thibon qui, dans sa simplicité, produit d'aussi belles phrases : « En fait de poésie et de littérature en général, je me sens extrêmement hospitalier. C'est un domaine où je pratique un oecuménisme sans réserve. Je n'ai pas ces préférences massives et ces exclusions absolues qui sont assez fréquentes » Plus loin, on peut lire : « En effet, la poésie doit éveiller et garder éveillé. Mais éveillé à quoi ? À ce qu'il y a d'éternel dans l'homme, à la vie profonde, non mécanisée… »
Thibon avait un attachement particulier à la monarchie, reliée à Dieu évidemment : « Il y a dans l'institution monarchique une sorte de transparence au divin, une délégation de pouvoir de Dieu lui-même. » Ou encore : « Il y a un mystère royal, qui est la forme la plus parfaite du mystère de toute autorité. »
Au sujet de Dieu, Thibon fait crédit – du latin credere, qui donne « croire », explique-t-il. « Et c'est aussi la beauté du christianisme, qui exige ce saut dans l'inconnu. »

Et à ceux qui hurleraient au loup d'Ancien Régime, je rappellerai, de manière peut-être outrancière, que la démocratie, par les urnes, a donné Hitler en Allemagne… « Les tyrannies n'ont pas de meilleur terreau que la décomposition des démocraties », dit encore Gustave Thibon.
Loin de de ces spécialistes philosophes de notre époque, qui savent si bien tout sur tout qu'ils n'ont plus que le vide à remuer pour parler, Gustave Thibon avance humblement dans le savoir : « Un philosophe, encore une fois, ne doit pas prétendre avoir réponse à tout, mais il doit connaître l'art de situer les questions. »
Gustave Thibon constate que notre temps – c'est-à-dire les années 1980, mais la suite lui donne raison – se détache de son passé, ses traditions : « La perte de la mémoire [dangereusement déléguée aux machines selon lui] est à la fois oubli du passé et effacement de l'éternel. […] Aujourd'hui, on a abandonné le temps à lui-même : comme il n'est plus imprégné d'éternité, il tend vers la discontinuité pure. »
Gustave Thibon avait compris l'emprise du fameux entertainment (divertissement), qui sert des intérêts plus sombres : « Non seulement donner les choses en spectacle contribue à les dénaturer, mais par-dessus le marché on choisit parmi ces choses que l'on donne en spectacle. Ce qui permet aux pouvoirs, aux lobbies ou mafias divers d'orienter l'opinion dans le sens désiré. Les préférences massives, la partialité, l'intolérance, ne sont pas même déguisées… »
Et dans cette société où règne la machine, « il y a un danger énorme de robotisation de l'humanité, c'est-à-dire, à travers l'érosion de la mémoire dont nous parlions, de perte des sentiments profonds – d'érosion de l'intelligence, de l'âme et du coeur ».
Que faire ?
« Il faut donc opérer une révolution en soi-même, se créer une conscience à l'épreuve des modes, des opinions, des pressions de la foule, pour se dégager des conformismes sociaux et s'y opposer. »
Mieux : « C'est de la qualité des êtres que dépend plus que jamais l'avenir de la civilisation. »
Gustave Thibon est mort en 2001 et n'a, de ce fait, pas vu la catastrophe du monde présent. Il n'en reste pas moins que ces entretiens sont une lumière, petite certes, mais toute lumière peut éclairer les consciences et les âmes…

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A la recherche d'une bouffée d'air pur ? Relire ce livre, plonger de nouveau dans l'histoire de ce 20ème siècle s'ouvrant sur la guerre civile européenne et s'achevant sur le fait terroriste du 11 septembre.

Dans notre siècle de certitudes immédiates, de scientifiques assurés de leurs vérités multiples, de technologies technologiques, quel bonheur d'aller à la rencontre des écrivains, des poètes, des philosophes accompagnés par Gustave Thibon. Parler de la poésie, de la métaphysique, de la science, de la religion, de la télévision au lieu des chiens écrasés des médias abrutissant…



Ce livre d'entretien aurait pu ou du être titré ‘'entretiens avec mon grand-père'', tellement la voix est proche, familière, douce et bouleversante. Gustave Thibon avant de quitter le siècle, le regarde avec affection, familiarité et évite de justesse une pointe de désespoir sur la fin.

Céline, le prosateur magnifique pour Voyage ou Mort à crédit. Cette phrase inscrite en tête d'un cahier de Simone Weil. ‘'La vérité c'est une agonie qui n'en finit pas. La vérité est du coté de la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n'ai jamais pu me tuer, moi.'' Quand la prose évoque avec la force de la poésie.

Passer au salon avec Victor Hugo et son fils Jean, Georges Bernanos, Charles Peguy, Marie Nöel, Montherlant, Paul Valéry, Mallarmé, Raoul Ponchon….
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Une belle découverte que ce livre d'entretiens, qui me donne envie d'approfondir l'auteur. Dans ce livre, il parle presque plus de Simone Weil que de lui-même, ce qui est aussi grandement appréciable, mais Thibon semble avoir l'esprit vif et acéré, un observateur attentif de son temps, et même s'il se refuse à prophétiser, il a tout de même de bons pressentiments sur la suite : les dieux de la technique ayant chassé ceux de la nature, et l'homme se dirigeant vers le transhumanisme. Une lecture qui en appelle d'autres, car en grand spécialiste de Victor Hugo, il m'a donné envie de retourner piocher chez notre grand poète, et de relire Simone Weil, entre autres.
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parut en 1988, je suis scotché. Sage , métaphysicien et poète.
"Dieu a créé l'homme le moins possible"
Blanc de Saint Bonnet.
Tout y passe, la télé, le manque d'intelligence artificielle ou non, poésie et métaphysique.

métaphysique
nom féminin
Recherche rationnelle ayant pour objet la connaissance de l'être (esprit, nature, Dieu, matière…), des causes de l'univers et des principes premiers de la connaissance.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Quand je l'ai rencontrée, Simone Weil ne connaissait pas saint Jean de la Croix. Je lui en ai prêté la petite édition popular que j'avais achetée dans ma prime jeunesse. A l'époque je ne savais pas l'espagnol, mais la langue de saint Jean est assez facile, et le dictionnaire et un peu de bonne volonté aidant, j'avais pu m'en débrouiller. Simone Weil ne savait pas l'espagnol mieux que moi dans ma jeunesse, mais elle avait une très grande intuition des langues, si bien qu'elle a pu découvrir saint Jean de la Croix avec une profonde admiration et une adhésion non moins profonde. Sans doute est-il de tous les mystiques chrétiens — avec peut-être les mystiques rhénans — celui qui correspondait le mieux à sa propre spiritualité : le dépouillement total, la présence de Dieu se manifestant d'abord par une absence, qu'il appelle la nuit obscure. Nuit obscure à quoi Simone Weil tenait beaucoup, comme à un instrument nécessaire de purification de l'intelligence. Quand je lui ai communiqué mes premiers essais, elle les a jugés très sévèrement, m'écrivant : « Certainement vous avez déjà traversé de la nuit obscure, mais à mon avis il vous en reste encore à traverser, beaucoup peut-être, avant de donner votre vraie mesure ; car par suite aussi dans la pensée, le degré de dépouillement, de nudité et de force perçante indispensable au genre qui est le vôtre... Je ne sais d'ailleurs pas quoi vous souhaiter : car la nuit obscure n'est pas précisément quelque chose d'agréable. » Vous voyez donc quel prix elle y attachait...
Quant à saint Jean de la Croix, je n'oserai pas dire que je me suis retrouvé en lui comme en mon pays natal — se comparer à ces géants serait déjà follement téméraire, toute comparaison supposant une certaine ressemblance. Je peux dire cependant qu'il y a dans saint Jean de la Croix ce qui me paraît exprimer le mieux, comment dire, l'appel le plus profond qui est en moi concernant les choses divines.
Curieuse Espagne, en vérité : le pays des dévotions les plus particulières, des superstitions les plus colorées a donné aussi la mystique la plus dépouillée de tout cela. Saint Jean de la Croix en arrivait à regarder toutes les dévotions, et même les illuminations, tout ce qui dans la mystique est de l'ordre de la sensibilité et même de l'ordre du concept, comme des choses dont il fallait se débarrasser au plus vite, des commencements qui deviennent des pièges pour peu qu'on s'y attarde... La spiritualité espagnole est faite de ce contraste saisissant entre la piété la plus sensible et le dépouillement le plus total.
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L'homme a tellement dominé la nature qu'elle lui obéit passivement, comme une esclave --- mais elle ne lui confie plus ses secrets, comme ferait une amante. L'esclave muette. Comme le remarque Klages : "Les arbres murmurent, mais ils ne parlent qu'à ceux qui ont senti le mystère de la nature." Aux autres ils ne disent rien, au propre comme au figuré. Ni les arbres, ni les dieux. Ni, c'est à craindre, Dieu --- tout court.
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C'est la marque distinctive de la grande poésie, non seulement de nous émouvoir la première fois, mais de nous émouvoir toujours davantage à mesure qu'on la relit. L'habitude crée ici un nouvel étonnement. C'est le propre des très grandes oeuvres.
Simone Weil définissait ainsi les véritables chefs-d'oeuvre : "Un tableau tel qu'on puisse le mettre dans la cellule d'un condamné à l'isolement perpétuel, sans que ce soit une atrocité, au contraire..." Il en va de même pour la poésie. Chaque nouvelle lecture nous apporte un nouvel éclairage : de nouveaux événements, de nouvelles expériences font qu'en relisant on se parle vraiment à soi-même.
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Au fond, le génie n'est rien qu'un souffle, qui passe...
.....Si la poésie n'est pas cette évocation du monde qui demeure au-delà -- et au travers -- du monde qui passe, l'affleurement du monde réel dans le monde des apparences, elle ne mérite plus son nom : elle est alors badinage, travail de bon ouvrier, voire travail d'orfèvre, mais non poésie. Car la poésie vient de plus loin que l'homme : en cela le poète s'apparente au prophète.
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Or la poésie dans son essence est le contraire de l'abstraction : c'est le concret par excellence, l'échange direct, l'émotion -- et au-delà d'elle peut-être une certaine connaissance obscure -- immédiatement suscitées. "Le meilleur de l'homme, c'est ce qui fait tressaillir l'homme", disait Goethe. C'est le meilleur de l'art aussi...
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