Mais alors, pourquoi refuse-t-il de dévoiler à quiconque la façon dont il l’a obtenue ? Laissez-moi vous dire, mon frère, que lorsqu’un homme peut se glorifier d’une action positive, il n’est pas si prompt à tenir sa langue ; je dirais même que tenir sa langue tout court n’est naturel en aucune circonstance, et je vous garantis que celui qui se soumet à une contrainte aussi déplaisante a nécessairement une très bonne raison de le faire. Les Williamson pensent la même chose, et les Jones, et mon cousin Dickins également, de même que toute la famille Burnaby ; car je ne suis pas, moi, d’un tempérament aussi secret que chez votre cher Evrard, Dieu merci ! Non, si je suis en possession d’une nouvelle, je suis trop généreuse pour ne pas la partager et ne trouve le repos qu’une fois tous les voisins instruits comme je le suis. C’est ainsi que ce matin, sitôt informée de cette sanglante histoire, j’ai fait préparer ma voiture pour sillonner le village et communiquer ces renseignements à tous nos amis et relations. Évidemment, ils furent grandement choqués par ce récit. Qui ne l’aurait été ? Et pourtant, ils ont tous avoué avoir déjà soupçonné quelque méfait à l’origine de ce mystère, et ont appris avec soulagement que j’avais découvert la vérité avant que les choses ne soient allées trop loin entre Everard et votre fille Jessy.
Matthew Gregory Lewis : Le Moine (2019 - Samedi noir / France Culture). Diffusion sur France Culture les 23 et 30 mars, et le 6 avril 2019. Portrait de Matthew Gregory Lewis par Henry William Pickersgill, 1809. « Chef-d’œuvre du roman gothique anglais, "Le Moine" (1796) met en scène la déchéance d’un capucin suprêmement vertueux, pris dans les rets d’une tentatrice diabolique. Péchés de la chair, magie noire, visions infernales, transgression, damnation : rédigé par un jeune homme de vingt ans à peine, ce récit sulfureux, où le fantastique se mêle à l’horreur et où le désir règne en maître, créa le scandale avant d’être érigé en objet de culte par des générations d’écrivains. On ne compte plus les romantiques qui, comme Hoffmann, Coleridge et Victor Hugo, s’en inspirèrent ; Charles Dickens alla jusqu’à acheter le manuscrit aux enchères ; André Breton en fit un modèle pour le surréalisme ; et Antonin Artaud, qui en proposa une réécriture libre, salua l’envoûtante « sorcellerie verbale » de Lewis : « Je continuerai à tenir pour une œuvre essentielle "Le Moine", qui bouscule cette réalité à pleins bras, qui traîne devant moi des sorciers, des apparitions et des larves, avec le naturel le plus parfait, et qui fait enfin du surnaturel une réalité comme les autres. » Présentation des Éditions Flammarion
Traduction : Léon de Wailly. Bruitage : Louis Amiel. Adaptation et Réalisation : Jean-Jacques Vierne. Équipe de réalisation : Jean-Michel Despré et Noémie Louis Marie. Assistante à la réalisation : Brigitte Mazire. Avec Daniel Mesguich (Ambrosio), Sylvie Ferro (Mathilde), Valérie Allain (Antonia), Corine Juresco (Agnès), Bernard Brieux (Don Lorenzo), Daniel Tarrare (Don Christoval), Sophie Jeney (Léonella), Françoise Dupré (l'abbesse), Christophe Allwright (Lucifer), Véronique Silver (Elvire), Pierre Ollivier (le père Pablos), Jacques Berthier (le Grand Inquisiteur) et Jean-Paul Racodon, Philippe Siboulet, Nicky Marbot, Alain Rignault, Françoise Henry-Cumer, Delphine Boisse, Vanola Benès, Christine Armeni, Didier Mauberty.
"Le Moine" est un roman anglais de l'écrivain Matthew Gregory Lewis, publié en 1796. Cette œuvre de jeunesse, emblématique du roman gothique, aura une influence considérable. Il est traduit l’année suivante en français et fait l’objet d‘adaptations au théâtre.
00:00 Chapitre 1 : Madrid à la fin du 17ème siècle, à l’intérieur de l’église des Capucins.
43:36 Chapitre 2 : "Madrid, fin du 17ème siècle…Ambrosio, a livré la nonne Agnès, coupable d’avoir enfreint ses vœux de chasteté aux mains de la terrible mère abbesse…"
01:29:16 Chapitre 3 : "La mère abbesse a condamné, Agnès et l’enfant qu’elle porte à la plus cruelle réclusion. Ambrosio a succombé aux charmes de Mathilde…"
Mathew Gregory Lewis a écrit ce roman en dix semaines avant l'âge de vingt ans, dans le but de divertir sa mère. Il est pourtant extrêmement subversif dans les thèmes abordés (viol, inceste, parricide, magie noire...) et critique à l'envi l'hypocrisie du monde religieux. Ce roman fut censuré à son époque et figure parmi les préférés du marquis de Sade.
En France, en 1931, Antonin Artaud en publie une traduction très personnelle ("Le Moine, de Lewis, raconté par Antonin Artaud") et envisage de l'adapter au cinéma mais ne le fera pas.
Différentes adaptations au cinéma existent :
1972 : "Le Moine" ("Der Mönch und die Frauen"), film franco-italo-allemand réalisé par Ado Kyrou et coscénarisé par Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière, avec Franco Nero dans le rôle d'Ambrosio
1990 : "The Monk", remake hispano-britannique réalisé par Francisco Lara Polop
2011 : Le Moine, film français réalisé par Dominik Moll, avec Vincent Cassel dans le rôle d'Ambrosio
Sources : France Culture et Wikipédia
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