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Jean-Marie Saint-Lu (Traducteur)
EAN : 9782714442437
168 pages
Belfond (06/10/2006)
3.68/5   25 notes
Résumé :
Dans la lignée des plus grands chefs-d'œuvre de la littérature latino-américaine, un roman magnifique sur l'aliénation de l'individu et les paradoxes de la liberté et de l'enfermement. Une écriture dépouillée, un imaginaire absurde et poétique inspirés du Désert des Tartares. Une nuit, un jeune homme est arrêté et enrôlé pour une guerre dont personne ne sait rien. Dans un camp isolé, il commence son entraînement militaire. Successivement affecté à la garde d'un roch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Un pays imaginaire. Un homme récemment marié voit sa vie être chamboulée le jour où les militaires débarquent chez lui pour l'enrôler de force dans l'armée car le pays est en guerre. Ou du moins se prépare à la guerre. le voilà trimballé dans un camp loin de chez lui, la capitale, incapable de situer exactement dans quelle région il se trouve, n'ayant aucune information sur le sujet de la part de ses supérieurs. Ses camarades sont eux-mêmes dans l'expectative. Sa première mission consiste à surveiller un rocher et à signaler toute approche ennemie. Par la suite, on lui confie la dactylographie de pages de manuels en anglais (la langue ennemie). le seul contact avec l'extérieur est de pouvoir écrire une lettre à son épouse une fois par an. Sans jamais rien recevoir en retour. Par désoeuvrement, face à l'absurdité et l'incompréhension de la situation, le voilà plongé dans une quête de lui-même. Il finit par se trouver grâce à la contemplation de la nature. Dans cette vie où il ne se passe rien, où tout est vain, ou semble l'être, être avec la nature, revenir dans la nature-mère, devient son seul but, sa seule évidence. Son seul destin. Respirer la Terre, voir la nuit, se reconnaître dans cet univers le comble. de la guerre, nous ne saurons rien : notre homme ne la "fera" pas, n'ira pas au combat avec son fusil. Simplement, il y contribuera en allant à son bureau (une tente) tous les matins, de faire ses tours de garde, d'accepter sans broncher la pause café de mi matinée qui consiste à se faire servir par un planton une tasse d'eau chaude, sans thé ni café à y diluer. Cette vie va durer 15 ans au bout desquels il sera démobilisé, et autorisé à retourner à la capitale. Mais tout y a changé : la monnaie, les noms des rues. Sa femme l'a attendu. Mais il ne se reconnait pas dans cette nouvelle vie, sa vie "normale", rien ne peut être "comme avant". Sa nouvelle liberté le dérange, et il finira par s'engager dans l'armée.

******************

Dans cette histoire parabolique, Carlos Liscano, mathématicien uruguayen, retranscrit vraisemblablement l'expérience de ses 13 années d'incarcération. Il se réfugia alors dans les livres et plus particulièrement dans le récit "Les sept messagers" de Dino Buzzati, qui le comblera durant sa captivité, cette histoire ayant la particularité de faire appel aux mathématiques. L'auteur en fit sa bouée de sauvetage pour ne pas tomber dans le désespoir. On le comprend. L'éditeur, Belfond, montre d'ailleurs dans le livre que j'ai, un fac-similé d'une page de la copie que Liscano a faite car il voulait pouvoir relire la nouvelle et ne pouvait pas toujours l'emprunter à la bibliothèque de la prison. Il y a également la page de calcul qu'il a réalisée pour compter les trajets, le nombre de jours de voyages de chacun des sept messagers de l'histoire. Une histoire dans l'histoire qui vous fait frissonner. Pour l'auteur, et nous en serons d'accord, l'écriture offre une liberté inestimable : pouvoir être ce que l'on désire être. Pour un temps.

Il y a des livres avec lesquels la fusion est tellement évidente qu'elle en donne le vertige. Car l'auteur que l'on admire a inventé les mots qui nous ressemblent, et si tout est dit, que nous reste t'il ? Carlos Liscano est de cette étoffe : il habille mon existence qui prend alors une autre allure. Plus vraie. Lui-même est certain d'une chose : on écrit pour ressembler aux écrivains qu'on aime. Ses maîtres à lui se nomment Buzzati (moi aussi), Onetti, Kafka ou Céline. Liscano se compare à eux et retourne au fond de la classe, comme s'il se punissait. Il a tort. Il écrit bien et juste. Son écriture est touchante car limpide. Elle martèle les pages telle une pluie fine de mots qui tombent comme des gouttes sur le temps qu'il fait.
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SOUVENIRS DE LA GUERRE RECENTE se présente comme le récit d'un personnage, emmené un jour sans raison dans un camp militaire pour s'entraîner à défendre son pays qu'une guerre imminente est censée menacer. Après 17 années passées dans ce  camp à attendre les attaques de l'ennemi et à accomplir le plus sérieusement les tâches qui lui sont confiées, il est est libéré mais ne pouvant s'adapter à la vie civile, décide de retourner au camp .

Ce récit à la première personne est fait par un homme dont on ne connaît jamais l'identité, qui s'inscrit dans un groupe désigné par « nous « .
C'est un récit qui ne comporte aucun nom propre, aucune information géographique permettant de localiser le pays, aucune information permettant de dater l'action, apportant seulement des indications de durée .
Un récit cependant précis, comportant peu de dialogues et qui tel un compte-rendu ou plutôt tel un rapport militaire analogue à ceux dont le personnage prend connaissance, est constitué de phrases sèches, juxtaposées relatant des activités routinières,parfois absurdes, mais toujours accomplies scrupuleusement dans cet univers d'enfermement.
Un récit qui, quoique sec et dépouillé, n'est pas exempt de poésie dans les passages où le personnage évoque ses rapports fusionnels avec la nature, la nuit, en sentinelle, sur le rocher .
Un récit, donc, qui ne permet pas de répondre aux questions habituelles : Qui ? Où ? Quand ? et qui tel une fable possède une portée plus large qu'un roman ancré dans un contexte historique ou politique

Quel sens alors peut-on donner à cette « fable » dans laquelle on reconnaît une situation d'attente analogue à celle du DESERT DES TARTARES de Buzzati ( parenté que revendique Liscano dans sa préface ) ou à celle du RIVAGE DES SYRTES de Gracq ; un personnage qui rappelle celui du PROCES de Kafka et des actions sans justification proches du théâtre de l'absurde ?

Il semble que au travers de cette histoire on puisse voir l'image de l'individu au sein d'un régime de dictature, soumis, conditionné, accomplissant aveuglément des activités aliénantes et dérisoires comme ramasser du crottin, mais apparemment utiles et par lesquelles il trouve une sorte de paix . L'individu qui a fait siennes les lois du régime, qui s'y sent à l'aise « la liberté c'était faire son devoir……obéir à ce qui avait été stipulé…sans recevoir en échange » et pour lequel c'est la liberté qui est effrayante . Cet individu ne se désigne jamais du nom de prisonnier et lui préfère celui de soldat, plus positif puisqu'il connote l'idée d'un devoir utile à accomplir . le camp où revient le héros à la fin du roman est désigné par le mot « maison ». Rares d'ailleurs sont les soldats qui acceptent de le quitter quand ils en ont reçu l'autorisation : ils ne sont que deux, les plus jeunes, ( ce camp n'a, semble-t-il pas encore eu le temps de produire son effet aliénant ….)
Nulle part, Carlos Liscano ( écrivain urugayien qui vient de mourir le 25 mai 2023) ne dénonce ouvertement l'univers carcéral qu'il a pourtant connu pendant 13 ans de 1972 à 1985 mais ce récit paru en 2007 ( et c'est là toute sa force et son intérêt ) ne cesse de montrer, par une sorte d'ironie, le danger de la soumission à l'ordre et à l'autorité .Une phrase du journal de Kafka est d'ailleurs placée en exergue : « Je lutte, personne ne le sait »
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Un jeune homme est arrêté. Il est emmené dans un camp militaire que ses compagnons ne savent pas localiser.
Il y aurait la guerre, mais on ne saura aucune information. Sont-ils sur le front ou à l'arrière-garde ? La guerre a-t-elle été déclarée ? Où ? Contre qui ? En tous cas, l'ennemi reste invisible.
Le héros remplit des tâches qu'il présente comme essentielles, en réalité, elles nous semblent absurdes. Il attend, il monte la garde derrière un rocher. L'ennemi n'arrive pas, mais les soldats doivent se tenir prêts. Ils s'entrainent, ils marchent, ils nettoient leur fusil, ils sont soumis à une discipline quotidienne. Ils ne comprennent pas, mais ils ne doivent surtout pas poser de questions, ne pas se faire remarquer. On pourrait les accuser de faute et les punir. Alors ils se tiennent à carreau, obéissent sans révolte aucune.
L'ordre militaire organise la vie dans ce camp. Sont-ils prisonniers ? Personne ne songe à s'échapper.
Dans ce roman remarquable, il est question de l'aliénation de l'individu, on sait que Carlos Liscano a vécu l'emprisonnement politique pendant 13 ans, en Uruguay.
L'écriture est sobre, dépouillée, efficace. Les phrases courtes sont ciselées. Les 165 pages de ce court roman m'ont ravie.
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Inspiré du fameux "Désert des Tartares" de Dino Buzzati, "Souvenirs de la guerre récente" nous conte les infortunes d'un jeune marié, recruté de force par l'armée pour une lointaine campagne militaire aux confins de l'Uruguay, face à un ennemi que l'on ne verra jamais, même au bout de neuf longues années de campagne. Splendeurs et misères de la vie militaire, rien ne lui sera épargné de l'ennui quotidien et de l'absurdité d'une vie réglée comme papier à musique, pour un but imaginaire et sans cesse repoussé. Heureusement pour lui, déraciné brusquement d'un foyer qui venait tout juste de se construire, il va se sentir entouré, au sein d'un groupe où les rapports hiérarchiques reproduisent à l'infini le modèle familial. Sera-t-il capable un jour de vivre la vraie vie ? En forme de parabole absurde, Carlos Liscano, dans ce roman écrit lors de ses longues années de prison, dresse un portrait au vitriol, bien que non dénué d'humour, de l'univers carcéral, et plus généralement de l'univers concentrationnaire. Absurdité des situations créées de toute pièce, des ordres donnés de façon aussi péremptoire qu'anarchique, on retrouve là le délicieux cocktail qui permet d'asservir les humains et de les emmener aux confins de la folie...
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Décidément, ces derniers mois, j'aurai découvert de multiples auteurs sud Américains. Cette fois c'est un Uruguayen.

"J'étais marrié depuis peu et j'avais une maison à moi."

Quand ce jeune marié se fait arrêter par les militaires, il ne sait pas qu'il ne reverra pas sa femme de sitôt.

Emmené dans un lieu imprécis, l'homme va découvrir un monde soit disant en guerre mais où il ne se passe rien. Des routines se mettent en place, des petits rien occupent toute sa vie et celle de ses "Co légionnaires". La guerre n'est jamais là, un orage devient un événement ultra important. Rapidement l'homme est broyé par cette machine et se plie à ce régime. Lorsque la libération arrive enfin et bien il est trop tard. Cet homme ne perçoit plus la liberté comme un droit mais comme une menace.

C'est un roman étrange. Il n'y est jamais question de torture physique ni même psychologique mais l'enfermement est là et il se ressent profondément. L'écriture est simple mais participe bien évidement à cet effet.

Il faut savoir que Liscano a été enfermé pendant 13 ans en Uruguay. L'écriture lui a permis de survivre. L'avant propos de ce livre est essentiel pour comprendre ce qui se passe dans ce livre. L'auteur fait référence à Buzzati et au désert des tartares. C'est vrai que l'on retrouve cette atmosphère étrange faite d'attente et d'un homme qui passe à coté de sa vie. Mais si dans un cas c'est volontaire dans l'autre le point de départ est la contrainte... à l'arrivée les choses seront aussi inversées... mais je ne veux pas gâcher votre plaisir... Disons que si je devais choisir entre ce roman et "le désert des Tartares" alors c'est celui de Buzatti que je choisirais sans hésitation. Par contre je pense lire un autre livre de cet auteur prochainement car son écriture est vraiment intéressante.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
On me fit asseoir. J’avais peur. Je me remémorais ce que j’avais fait au cours de jours précédents et j’avais l’impression de n’avoir rien fait. J’ignorais quelle était ma faute cette fois, mais je devais en avoir commis une, même si je pensais avoir travaillé avec beaucoup de bonne volonté.
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Le lendemain nous suivîmes le premier cours. Nous allâmes dans une salle et on nous parla du péril imminent. Les troupes étaient mobilisées depuis des mois, en prévision. La guerre n’avait pas débuté, mais la déclaration officielle aurait lieu dans quelques jours, c’était certain. Ce n’était pas nous qui avions commencé. Tout le monde savait que nous avions fait tout ce qui était humainement possible pour éviter la confrontation. Mais l’honneur a ses limites. Durant un siècle nous avions fait des concessions. Ceux d’en face semblaient sourds à la raison.
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J'ignore comment la ligne de ces pensées me conduisit à déclarer que, parmi tous les véhicules modernes inventés par l'homme, seule la bicyclette possédait quelque dignité, une qualité particulière qui la sauvait, lui gardait un lien avec les origines d'où tout provenait.
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(…) que nous serions pas libérés aussi vite que nous le croyions. Nous pensions que, malgré tout, nous avions eu jusqu’à ce jour le privilège de ne pas aller au combat, ni de risquer notre vie.

note du lecteur: "Euh, mais ce ne sont pas des militaires, ce sont des prisonniers politiques !!!"
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(…) nous fit beaucoup de peine mais le métier a de ces moments et on apprend, impuissant, à se résigner. :(
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Videos de Carlos Liscano (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Carlos Liscano
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=53065&motExact=0&motcle=&mode=AND
PAROLES D'EXIL
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Marianne Boscher-Gontier, Mathieu Vicens
Documents Amériques latines
Cet ouvrage regroupe les témoignages de treize écrivains latino-américains, exilés politiques au temps des dictatures de 1960 à 1990. D'origines multiples, ils évoquent les circonstances de leur départ, leurs souffrances physiques et morales, leur résilience dans les pays d'accueil et les vertus de l'écriture comme autre forme de combat. Autant de destins qui donnent à relire les périodes les plus sombres de l'Amérique Latine. Parmi eux : Isabel Allende, Zoé Valdés, Carlos Liscano, Eduardo Galeano, Sergio Zamora...
Broché ISBN : 978-2-343-11164-3 ? mars 2017 ? 162 pages
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