C'est un fantastique et mystérieux voyage dans le temps !
J'adore et j'en redemande…
Pas besoin de graines de pavot comme cet apothicaire pour voyager. Pas besoin de d'ecstasy de junkies pour m'envoyer en l'air. Cet excellent roman historique fut pour moi à lui seul, un gros « trip » qui me téléporta, dès l'engloutissement de ses premières pages, dans ma période favorite, celle du Moyen-âge.
Nous sommes au début du 14e siècle, où le roi Philippe IV le Bel règne en maître. Il est considéré aujourd'hui par un grand nombre d'historiens sérieux, comme un des grands monarques que la France ait eu, mais aussi comme un « intrigant » et un manipulateur.
Mais quel homme de pouvoir, ne manipule-t-il pas ses sujets et son peuple dans l'histoire du monde ?
Philippe IV le Bel sera un fin investigateur, qui le conduira à obtenir le plus retentissant procès de tous les siècles ; le procès des Templiers.
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Certes pour apprécier pleinement la richesse de ce roman médiéval, il faut connaitre un peu et s'intéresser à cette période de l'histoire de France, de l'an 1313, de l'après procès des chevaliers du Temple. Et de la Sainte Inquisition, qui n'avait rien de pure et d'angélique par les méthodes d'interrogation qu'elle employait ; la terrible « Géhenne ».
Mille bravos à
Henri Loevenbruck !
Il a fait un énorme travail de recherches historiques. Il s'est aussi documenté sur le mode de vie médiévale, sur les corporations de l'époque et sur les intrigues politiques bien réelles, qui fleurissaient dans le royaume de France.
Son histoire solide en devient très cohérente et rend superbement bien cette ambiance moyenâgeuse. On y découvre un monde qui sait bâtir de magnifiques cathédrales, et dont leurs constructions ne furent jamais à ce jour égalées, ni reproduites. Mais un monde aussi où une médecine française douteuse et archaïque peine à gagner de la confiance des prélats et des seigneurs.
Un monde où se côtoient, dans une même rue sale et encombrée, des prostituées, des enfants paumés, des marchands ambulants, des apothicaires et leur savoir sur la vertu des herbes, des ermites illuminés qui prêchent parfois des paroles jugées blasphématoires et des charlatans de tous poils, vendant des potions dites « magiques ».
Tout un monde hétéroclite qui se croise, qui s'entraide, qui s'épie aussi et qui se jalouse parfois. Les dénonciations pour hérésie ou pour pratique de choses dites « occultes » étaient monnaie courante pour chasser souvent son rival du coin de la rue.
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Tout comme la grande historienne et médiéviste
Barbara Frale avec «
Les Souterrains de Notre-Dame », l'auteur a lui aussi, très habilement mélangé des chemins de vie. Il a fait croiser le destin de personnes réelles et ayant existé, avec celui de personnages fictifs comme Andréas
Saint-Loup.
Andréas
Saint-Loup est un apothicaire de renom. Son grand savoir sur les herbes et leur pouvoir de guérison, force le respect mais aussi la jalousie de sa corporation, dans tout Paris.
Andréas est un homme très singulier, est un solitaire et est lui-même une énigme avec un passé des plus étranges.
Il est aussi un homme brillant et érudit. Ses grands maîtres philosophes, s'appellent
Thomas d'Aquin ou
Roger Bacon, dont il use et abuse de leurs citations.
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Des événements surnaturels vont ébranler les certitudes de cet apothicaire à l'esprit très cartésien et vont aiguiser sa grande curiosité.
Les choses vont se précipiter pour lui. Pour avoir défendu quelques prostituées, Andréas sera jeté au cachot. Il sera interrogé par un certain…Guillaume de Nogaret
« J'ouvre une parenthèse en rappelant au lecteur, l'importance du rôle qu'a tenu ce sinistre juriste et conseiller proche du roi Philippe le Bel.
Le roi qui était en conflit avec le pape
Boniface VIII, ordonna à son bras droit, Guillaume de Nogaret de lancer en 1303, des accusations d'hérésie contre Sa Sainteté. Ce qui permit de déposer
Boniface VIII et de mettre à sa place Clément V, un pape rallié à la cause du roi de France.
C'est encore Guillaume de Nogaret, qui sur ordre du même roi, lança une énorme campagne de diffamation et de haine contre
les Templiers et qui les firent arrêter en octobre 1307.
Il serait aussi intéressant de savoir où l'auteur
Henri Loevenbruck a puisé ses sources. Car il nous révèle de quelle manière mourut Guillaume de Nogaret, ce qui ne fût jamais mentionné par les historiens.
Alors mythe ou réalité ? »
C'est donc dans cette prison, dans la tour du Temple que
l'apothicaire fera connaissance de Jacques de Molay. le dernier Grand Maître de feu l'Ordre des Templiers est aussi emprisonné dans une petite cellule lugubre et humide de la tour.
Jacques de Molay confie un gros secret à
l'apothicaire, qui s'avèrera être la première piste pour sa future enquête.
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Andréas
Saint-Loup ayant retrouvé la liberté grâce à son parrain, l'abbé Boucel, va alors se lancer dans une quête éperdue, un jeu de piste, une course folle à travers une partie de la France et de l'Egypte.
Parcourant les routes, accompagné par Robin son nouvel apprenti apothicaire, Andréas ira à la rencontre de moines, d'érudits, de maitres et d'adeptes de « la Scola gnosticos », une société secrète très mystérieuse.
Toutes ces personnes aussi étranges qu'impénétrables, lui confieront à chaque rencontre, des secrets. Des indices énigmatiques qui permettront à
l'apothicaire doté d'un bel esprit d'analyse, de continuer sa quête de Paris, à Etampes et à Bayonne.
C'est dans cette dernière ville de Bayonne que Andréas et Robin rencontreront Aalis, une jeune fille décidée et têtue qui a laissé derrière elle sa ville de Béziers et un passé très douteux et trouble.
Elle fera le restant de la longue route avec eux jusqu'à Saint-Jacques-de-Compostelle et plus loin encore jusqu'au mont Sinaï.
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La quête de ce nouveau Graal devait être d'une importance cosmique, pour que de très hauts et puissants dignitaires puissent poursuivre avec hargne et assiduité nos trois enquêteurs.
On y retrouve l'abominable et sanguinaire Guillaume Humbert, Grand Inquisiteur de France.
On y rencontre aussi Charles de Valois en personne, frère du roi Philippe IV le bel, qui semble avoir emboiter le pas au Grand Inquisiteur.
Mais Charles de Valois ne veut pas seulement stopper la course et la mort de Andréas
Saint-Loup, il a des comptes personnels à régler avec son ennemi juré, Enguerrand de Marigny, grand conseiller de Philippe le Bel et coadjuteur du Royaume.
Mais les plus inquiétants poursuivants de Andréas, Robin et Aalis, sont les Mal'ach, deux féroces et terrifiants cavaliers blonds vêtus de noir. Ces deux cavaliers, qui semblent venus des enfers et dont personne en ce bas monde ne connait leur identité, les suivront à la trace jusqu'au monastère de Sainte-Catherine du Sinaï.
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Une petite réflexion cependant qui ne changera rien à ma note.
J'ai trouvé le dernier chapitre du roman plus condensé et plus hâtif dans le dénouement de l'histoire et la quête de Andréas
Saint-Loup.
L'auteur
Henri Loevenbruck aurait pu aisément faire un deuxième tome en développant ce dernier chapitre, sur ce très long voyage en Egypte. En l'étayant, en le brodant d'autres personnages et d'autres faits historiques et en y ajoutant quelques mystères de plus.
Ce qui aurait aussi permis de ne pas précipiter certaines morts et aussi d'expliquer l'identité de quelques personnes, qui ne furent pas révélées à la fin de ce superbe roman.
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« Avec aussy moult remerciements a Gente Dame, Rhapsodie. Je ne me soy point langui de cette fort belle narration »
(Sieur Alain)