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EAN : SIE260714_951
Editions Littéraires de France (30/11/-1)
4.27/5   11 notes
Résumé :
De musées en bouges, les extraordinaires histoires de M. de Bougrelon, merveilleux conteur, fascineront le petit monde d'un café d'Amsterdam. Par un écrivain (1855-1906) qui incarnait toute une époque, celle de la décadence fin de siècle.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Monsieur de Bougrelon est un roman sur rien ou presque sur rien, quasi sans intrigue, une couleur avant d'être une somme d'actions, le récit de deux Français en visite à Amsterdam qui s'ennuient dans ces rues froides et mal peuplées et qui rencontrent une truculence de haute lignée, Bougrelon lui-même, qui se propose cicérone vers de sensuelles distractions tout en leur racontant, d'un ton passionnément désuet, les événements pittoresques de son passé français d'aristocrate. Ce cyrano défraîchi, acculé à une fière misère, constitue la voix de presque toute la narration, quoique le narrateur soit l'un des touristes, mais il est si volubile et tant fascinant d'ampoule et d'incongruité qu'il occupe à lui seul la place et même le volume de ce court roman, avec ses parures ostentatoires de dandy intempestif qui le font universellement étranger et disparate, avec ses discours enflés de style et bardés de jeux lexicaux où l'originalité tapageuse rend l'impression d'une figure démesurée à la culture pléthorique, avec ses récits de femmes convoitées, d'exil d'outre-siècle et de divertissements surannés autant que bizarres, avec toute sa dignité empressée de pathétique chimère. Il racontera entre autres, en convoitant des portraits sulfureux et en pelotant des musées de pelisses, comme une certaine femme qui lui résista fut assassinée par son serviteur noir qu'elle exaspérait de son corps tentateur, comme les yeux de la morte lui furent ensuite évoqués par un caniche fille qu'il poursuivit jusque dans les ruelles les plus sombres, puis comme cette chienne après avoir été trucidée par un grand ami noble se rappela à lui sous la forme d'un ananas en bocal qu'il conserva comme un évocatoire infiniment précieux de toute la vie effervescente et profonde des tropiques quintessenciés. Ce récit très fin-de-siècle exacerbe les sens jusqu'à la dégénérescence, dégoûte incommensurablement de la vie moderne, imprègne d'une moite lassitude le désoeuvré à la recherche perpétuelle de nouveautés, accompagne tout pérégrination inutile d'un spectre diffus de mélancolie mollement distraite, menace de pamoisons des sangs trop purs qui vaquent comme ils peuvent et profitent presque avec vampirisme de l'occasion d'une balade jusqu'à l'ivresse, comme précédant la trop calme et logique résolution du revolver.

C'est évidemment un travail de haut style que cet écrin de velours qui ne renferme que des fantômes d'être avec ses senteurs passées, une gageure que de savoir à ce point parler d'une absence avec les formes de l'envoûtement, une identité et une littérature que d'assumer une relation uniquement sur des ambiances de chair épuisée, un caractère superbe de ne pas vouloir s'abaisser à l'intérêt des foules engouées que pour des vivacités édifiantes et des déterminations fortes. En demi-teinte, en clair-obscur, en quasi-gothiques abus, des galeries doucereuses d'une pesante malséance, la sensation d'une race en extinction ou dont la décadence se perçoit à la prédominance de manière sur le fait, l'impression d'un souffle brisé avec force alanguissements cardiaques, cadavériques et dévalés – ou bien j'y vois trop, moi seul, dans ces vents violents et ces rideaux d'humidité plombée, le décor propre à exalter ma pensée fascinable et artiste d'une abondance de significations souffreteuses. C'est néanmoins une excellente pièce sur un vide, une pièce sur une façon de combler un vide, une pièce sur le comblement impossible d'un vide au moyen de la posture et de la verve. Évidemment, comme histoire et comme édification, c'est maigre, mais comme type et comme art, quel dédain et quel succès !
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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Dans ce roman daté de 1897, Jean Lorrain s'inspire d'un de ses voyages en Hollande. Il fait débuter son récit à Amsterdam, au cours d'une tempête, avec une entrée en matière à la française: deux messieurs déambulent dans les rues, ignorant les musées et les lieux touristiques, car ils connaissent la ville. Ils sont intrigués par le nom d'un bar, Café Manchester, et se retrouvent ainsi dans un bordel dès la quatrième page. Les femmes y sont laides et gentilles, le paisible et familial intérieur hollandais' s'y avère haut en couleur; ces dames boivent bière et genièvre à un rythme accéléré.

Selon Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, Lorrain, non sans humour, fait une double parodie avec le personnage de Monsieur de Bougrelon: parodie de Barbey d'Aurevilly et de Des Esseintes. Un roman très intéressant.
Lien : http://livresetmanuscrits.e-..
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Voici un curieux roman ! Publié en 1897 et issu du courant ''fin-de-siècle'', c'est l'histoire de deux amis français qui visitent Amsterdam. Rapidement lassés, ils font la providentielle rencontre de Monsieur de Bougrelon qui devient le seul et unique attrait de leur voyage. Ce monsieur, ancien compagnon d'un noble de haut rang exilé dans cette ville, va les trimbaler de ci de là tout en leur servant un ininterrompu babillage constitué des élucubrations les plus inattendues qui soient. Ces monologues forment environ 100% du roman. C'est à peine si les voyageurs placent une phrase dans tout le livre, et tout comme nous lecteurs, ils sont bien en peine lorsque Monsieur de Bougrelon ne paraît pas certains jours. C'est que malgré l'étrange confection de ce livre, tout ceci se lit très bien et est hautement divertissant. le flux verbal de notre énergumène et l'originalité de ses propos installent une rapide dépendance. Que dire de plus ? Vive les ananas en pot !
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J'ai adoré! Un langage très poétique. Une écriture et un personnage scandaleux, cynique. Décadent mais sans provocation. Une Amsterdam glauque et sale. Un personnage extravagant, coloré, épuisant mais triste également. La poésie de ce livre est surréaliste, la matière du livre prend une tournure fantastique grâce aux images de l'auteur. Je le recommande fortement! D'ailleurs le livre est fantastique dès l'introduction de Duchemin que je vais m'empresser de lire également car cela semble merveilleux dans le ton.
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En ouvrant ce roman du célèbre et dépravé Jean Lorrain, j'ai été stupéfait par les nombreux parallélismes qu'on pouvait dresser avec la Chute d'Albert Camus, qui ne pouvaient être fortuits : même lieu, même durée, même principe, la confession d'un homme fané. Après une brève recherche, j'ai constaté que je n'étais nullement le premier à faire cette "découverte", qui semble être le fait de Léon-François Hoffmann qui développe la question dans un article de la revue d'histoire littéraire de la France de février 1969. En tout cas, ce vieux dégénéré mythomane de Monsieur de Bougrelon m'aura fait passer un bon moment, l'auteur ayant une excellent plume, et le personnage rappelant par bien des côtés, les plus pervertis chez Proust, il y a du Swann, du Duc de Guermantes et surtout du Charlus dans Monsieur de Bougrelon / de Mortimer. Jean Lorrain nous gratifie de plusieurs traits d'esprit très fins, et le retournement final est surprenant tout en paraissant logique.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Les deux filles s'étaient levées. Toujours campé dans l'embrasure de la porte,où sa silhouette grandissait encore, l'homme avait croisé les bras, et, son gourdin serré contre sa poitrine, maintenant, il se renversait en arrière et souriait. Eh ! mes petites chattes, grommelait une voix caverneuse, ne feriez-vous pas fête à mes friandises, aujourd'hui ? J'ai, pourtant, pour vous, des dragées ; je vous en sais gourmandes, à l'ordinaire. » Et, d'un geste de l'ancienne cour, ayant répandu sur le dos de sa main quelques menus grains de tabac, il replaçait dans son gousset une ignoble boîte en bois blanc, et, d'un reniflement de ses larges narines, humait la prise d'un seul trait.
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Entre toutes ces choses éblouissantes, nous nous étions arrêtés devant un somptueux magasin de fourrures, fourrures et articles de voyage dont ces Hollandais ont le raffinement. Nécessaires et sacoches : c’étaient, mordant à même le fauve des peaux de truie ou le gris velouté des peaux de daim plus souples, le nickel et l’argent de garnitures exquises. Il y avait là aussi des valises, pareilles à des objets d’art, sous les boucles et les ardillons d’acier fin des courroies, et un tel choix dans la nuance et le grain des cuirs que cet étalage en devenait une vision déconcertante et tendre, une immédiate requête à d’intimes contacts, à des attouchements sournois ; une idée de nudité s’en détachait impérieuse, les bouges entrebâillés du Ness suggestionnaient moins l’ivresse de la chair… Des fourrures, martre, vison et zibeline, jetées au travers des objets en aggravaient encore l’obscénité, on eût dit des chevelures, rases, des toisons de sexe, touches perverses et discrètes posées sur ces peaux nues ; et toutes ces fourrures et tous ces cuirs fauves, tentaient, caressaient, raccrochaient.
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Déborah avait allumé une lampe; la dame en chapeau noir, elle, assise à l'écart, avait chaussé son nez d'une paire de besicles énormes et s'activait, le nez sur un tricot, à manœuvrer de longues et fines aiguilles; de temps à autre elle hasardait vers nous un petit regard discret, un sourire débonnaire, un muet « allez, mes enfants, ne vous gênez pas », qui rassurait et cotonnait l'atmosphère de quiétude et de tranquillité; (…) Oh ! le paisible et familial intérieur hollandais !
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Et quand nous fûmes dans la rue : « J’y fais toujours un peu émeute, nous disait-il d’un ton mélancolique. Si retardataires que soient ces pays, ils ont marché, et moi je suis resté stationnaire, je suis une idée dans une époque où il n’y en a plus. Quoique nouveaux venus en Amsterdam, vous leur semblez des leurs, tandis que moi, qui vis chez eux depuis quarante années, je… Mais l’étrange est partout étranger. La fidélité, c’est une telle originalité, que dis-je ? c’est pis que l’originalité : c’est un exil, messieurs. Qu’est-ce qui est fidèle, aujourd’hui ? Et l’exilé est toujours seul. Or, c’est mon orgueil que cette solitude. J’y suis au pilori, mais j’y domine la foule. Que peuvent m’importer, à moi qui ai vécu dans la compagnie de femmes idéales (les dernières femmes, vous m’entendez, messieurs, d’une société à jamais disparue), que peuvent m’importer, vous dis-je, les petits cris d’effroi des bourgeois aux fenêtres et des galopins se retournant sur moi, quolibets des passants à la religion du passé ! On me bafoue, et je m’en loue, oui, je m’en loue. Mieux : je m’en fous, messieurs. »
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C'est comme la basilique de Bâle. Pour moi, je hais, et de belle haine, ces peuples parpaillots. Luther est l'ombre de ce siècle. Le catholicisme était rouge ; le protestantisme est pis, car il est incolore, il est neutre et marche dans l'histoire vêtu de droguet gris comme un croquant. Il a supprimé les vitraux des églises, c'est tout dire, et remonté la guimpe des femmes jusqu'au menton ; ce fut l'abolition des seins et des saintes, de tout ce qui fleurissait les yeux... Les vitraux flamboyants des reines en robes gemmées et de nudités d'archanges, c'était un peu de ciel vivant dans les ogives. La gorge nue des femmes saillant hors des corsages, c'était un peu d'amour, donc encore un peu de paradis, dans la grise monotonie des jours.
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