Trois parties constituent ce recueil.
La partie épistolière nous permet de découvrir
Lovecraft dans ses rapports avec ses correspondants, ses seuls amis, écrit-il. Toujours intéressant de lire les lettres qu'écrit un être plutôt asocial. Comment se débrouille-t-il pour entrer en communication ? S'il traite souvent de littérature pour dire ici son goût, là son dégoût, je préfère surtout quand il parle d'autre chose, s'emportant dans des exposés de nihilisme calme : « Pour ce qui est de la philosophie, ses effets sont variables selon les individus. Je sais simplement que dans mon cas, la conscience de l'immensité du cosmos diminue beaucoup l'intérêt que je porte à ces minuscules insectes que sont les hommes. […] La meilleure chose qu'il pourrait arriver à ces pauvres diables (moi y compris, d'ailleurs !) serait d'être exterminés en passant dans la queue d'une comète composée de gaz cyanogène ». le correspondant qui survit à ce genre de lettre est digne d'être conservé dans un carnet d'adresses.
La partie théorique regroupe de courts essais rafraîchissants.
Lovecraft préfère à toute autre chose –quoique par défaut- le matérialisme mécaniste. Soulignons encore une fois, je parle bien de choix par défaut car, en fait, l'idéal serait de ne rien choisir.
Michel Houellebecq a parlé de l'intérêt que suscita momentanément
Adolf Hitler sur
Lovecraft. On comprend dans ces pages les motifs qui ont pu provoquer cette adhésion et, mieux encore, on découvre aussi pourquoi cela ne dura pas. Toute personne qui prend son rôle d'être humain un peu trop au sérieux sur cette planète est priée de disparaître rapidement du champ de conscience lovecraftien.
« Qui veut réellement avoir une importance cosmique ? Qu'est-ce que cela nous apporterait de bon si tel était le cas ? Il vaut mieux profiter le plus agréablement possible de notre brève existence matérielle, et lorsque ce phénomène éphémère appelé vie disparaîtra de la planète, nous ne nous rendrons même pas compte de la différence. Au lieu de nous lamenter sur notre insignifiance, contentons-nous de ce que nous avons, cultivons notre curiosité intellectuelle par l'étude et développons notre sens esthétique par l'imagination et la création artistique. Si notre ego a besoin d'être stimulé, eh bien disons-nous que, de tout notre champ de connaissances, nous sommes la plus complexe des formes organisées. Même si nous ne sommes qu'un accident éphémère, les mécanismes de transformation d'énergie dont nous procédons sont d'une nature plus subtile que tout ce que nous connaissons par ailleurs. »
La troisième partie du recueil est constituée d'un essai rédigé par Sonia, celle qui fut un temps l'épouse de
Lovecraft.
Lovecraft adorait les sucreries et, à trente-cinq ans passés, il recevait régulièrement de l'argent de poche de son épouse pour aller boire des milk-shakes avec ses copains et pour s'acheter des brimborions. Sa passion majeure était la suivante : « les portes voûtées et les petites fenêtres à carreaux en forme de losange ». Sonia imagine qu'elle a permis à
Lovecraft de remédier partiellement à son manque de confiance en
lui.
Lovecraftlui exprimait sa reconnaissance du mieux qu'il le pouvait –c'est-à-dire assez médiocrement- en
lui disant : « Ma chère, tu ne peux pas imaginer à quel point je t'apprécie».