Éliminer la criminalisation de la personne prostituée élève son statut ; criminaliser le prostitueur réduit ses privilèges
Issu d'un discours prononcé en janvier 2005 en Inde et complété au fils des présentations, le texte est complété de nombreuses notes de bas de page (ce qui ne facilite pas la lecture, mais permettra aux unes et aux autres de travailler sur ces sources) et d'une abondante bibliographie.
Je n'évoque que quelques points, en renvoyant à d'autres notes de lecture et textes, rappelés à la fin de cette note.
« de nos jours, il n'y a pas plus de prise de position favorable au trafic du sexe qu'il n'y a de prise de position publique pour l'esclavage. le seul enjeu est de définir les termes de telle sorte que rien de ce que l 'on veut soutenir ne soit compris dans la définition. Il est également très difficile de trouver des partisanEs déclaréEs de l'inégalité bien que la définition juridique de l'inégalité soit façonnée par des pratiques que le pouvoir entend pérenniser.
Cela n'est pas le cas de la prostitution. Certaines personnes sont pour la prostitution ; elles la soutiennent. Plus nombreuses sont celles qui considèrent politiquement correct de la tolérer et de ne rien faire d'efficace à son endroit. La plupart présument que, même si elle n'est pas réellement souhaitable, la prostitution est nécessaire, inévitable et sans dommage ».
Catharine A. MacKinnon argumente autour des politiques menées dans de multiples États (Pays-Bas, Allemagne, Nouvelle-Zélande, État de Victoria en Australie, comtés du Nevada aux États-Unis, Canada, Suède, Islande, Norvège, Afrique du Sud, Corée du Sud, Inde, etc.). Elle analyse, entre autres, les industries du sexe, la notion de « agency », l'opprobre sociale pesant sur les personnes prostituées et non sur leurs exploiteurs, l'inégalité des sexes.
L'auteure indique les liens entre position sur le système prostitutionnel et approche juridique. Pour les un-e-s la volonté de décriminaliser toutes et tous les acteurs/actrices de l'industrie du sexe, dont les proxénètes. Pour celles et ceux, dont l'objectif est l'abolition de la prostitution, au regard des bilans des politiques menées dans divers États : « la criminalisation des acheteurs – la demande – ainsi que des vendeurs (proxénètes et trafiquants), tout en décriminalisant les personnes prostituées – les vendues – et tout en leur dispensant l'aide et les formations, dont elles disent avoir besoin »
Catharine A. MacKinnon souligne les rapports entre pauvreté et prostitution, entre groupes raciaux désavantagés ou castes considérées comme inférieures et prostitution, la structure de classe de la prostitution, les violences (les personnes prostituées sont « sujettes à plus de violence qu'aucun autre groupe de femmes »), la surmortalité des personnes prostituées, le jeune age d'entrée dans la prostitution, les liens entre agressions subies (dont les viols collectifs et actes de torture) dans le plus jeune age et entrée dans la prostitution, la dissociation de soi, « la douleur du trauma constamment réinfligé », l'utilisation de drogue…
A la prostitution présentée comme acte sexuel, elle répond que « la rétribution du sexe, c'est le sexe ».
Il ne saurait y avoir de symétrie entre les un-e-s et les autres. « Les différences entre les prostituées, les acheteurs et vendeurs sont que les unes servent, les autres se servent, les unes sont achetées, les autres les achètent ou les vendent, les unes sont stigmatisées, les autres demeurent respectables, les unes sont des criminelles, les autres soit ne le sont pas, soit la loi n'est pratiquement jamais appliquée contre eux ».
Elle rappelle, ce fait toujours invisibilisé par les uns, les « prostitueurs sont presque exclusivement des hommes ». Cela a bien quelque chose a voir avec les rapports de domination, les rapports sociaux de sexe, même si l'auteure n'emploie pas le terme.
Un petit livre qui insiste sur certaines dimension du système prostitueur et sur des pistes alternatives et crédibles au proxénétisme institué. « Toute loi ou politique adéquate pour promouvoir les droits humains des prostituées comporte trois parties : décriminaliser et aider les personnes dans la prostitution, criminaliser résolument leurs acheteurs et criminaliser de façon tangible les tiers qui profitent de la prostitution d'autrui ».
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