CLAIRIÈRE
la neige dessine le silence…
Extrait 6
et pas même un regard
pas même une pensée
pas même la Pensée de toute pensée
car amoureusement elle se détourne
comme on se détourne par pudeur
d’une beauté trop grande
devant cette blancheur obscure
si blanche si oubliée
qui demeure en elle-même
pour toujours
inconnue
CLAIRIÈRE
la neige dessine le silence…
Extrait 3
il neige come en rêve
la neige efface la neige
allonge au loin les plaines
les plaines d’avant toute mémoire
et sur les pentes bleues des monts
allège
le poids des ombres
efface jusqu’au souvenir jusqu’à l’ombre
des souvenirs des vieux chemins
sentiers perdus qu’il faisait bon suivre
les yeux éteints
dans les plis de la mappemonde
tombe la rosée de minuit
quelque part un traîneau d’enfant
écrit sur la neige une naïve phrase
d’aubépine
sur les cimes les abîmes sur l’hermine des collines
s’éternise le signe de la neige
un duvet de lune
habille les forêts
CLAIRIÈRE
la neige dessine le silence…
Extrait 1
la neige dessine le silence
attire de toute part le regard
vers le centre l’absence
qui se dérobe
à force d’être blanche
et silencieuse et nue
une seule pensée de neige
suffit à remplir en un instant
le ciel
sur les forêts les lacs les montagnes
plane la nuit qui disperse sans trêve
ses plumes
sur le monde
la nuit qui est noire et blanche
une lourde laine panse
les peines de l’hiver
comble les gorges sombres
arrondit les moraines
CLAIRIÈRE
la neige dessine le silence…
Extrait 4
les odeurs de la terre
la peau vermeille des fleurs
la liqueur des plantes
les insectes de nos rêves les bêtes familières
fourrées d’angoisse
dorment embaumées
dans ce palais de cristal
et toute pensée toute douleur
avec les pires blessures
celles qui suppurent
dans les cœurs que nous avons aimés
les vieilles cicatrices noircies
comme des traces
qui font encore souffrir
sont mieux que guéries transfigurées
sous la tendre sévérité
de la neige
CLAIRIÈRE
la neige dessine le silence…
Extrait 5
une lave limpide a recouvert
l’herbe trop longue
le feu des grands feuillages
mais le vent de nouveau s’éveille
allume ses énigmes
ruines de l’ombre
une tapisserie de fables
éblouit les murs du monde
et voile le secret de la clairière
très loin au-delà du Nord
au centre des forêts de l’âme
si ouvert si offert qu’aucune trace
aucun vestige
ne pourront jamais s’y inscrire
Dans le laboratoire de Poésie Pratique, Jean Mambrino