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Gabrielle Danoux (Traducteur)
EAN : 978B01KW24PWY
(22/08/2016)
4.5/5   6 notes
Résumé :
Si vous voulez savoir pourquoi, en 1934, pour un Allemand germanophone né en Roumanie, l'année 1871 revêtait une importance toute particulière, rendez-vous à l'intérieur -de cette édition bilingue du seul texte en roumain d'un essayiste injustement oublié, Valeriu Marcu (1899-1942).
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
En tant que Lorraine, je ne pouvais qu'être attirée par ce titre "1871". de cette époque, de la toute première guerre (car il y en a bien eu 3, on a tendance à l'oublier), nous en avons gardé une expression : "Ça tombe comme à Gravelotte". Si l'expression est employée aujourd'hui en cas de très forte pluie ou quand plusieurs événements difficiles se succèdent, elle fait directement référence à l'une des pires batailles de cette guerre de 1870-71, menée par Moltke côté prussien, durant laquelle les balles et les obus se sont abattus en masse sur Gravelotte, petit village proche de Metz, d'où l'expression en question.

Pour en revenir au texte, que dire, si ce n'est que j'ai été happée par cette lecture, qui m'a permis de mieux comprendre la relation Prusse/états allemands, le processus d'unification allemande sous domination prussienne, avec la naissance de l'empire allemand, porté par la politique et par la personnalité, autoritaires, de Bismarck.
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Valeriu Marcu a écrit, en allemand, sur Lénine, Scharnhorst, Nicolas Machiavel ou sur l'expulsion des Juifs d'Espagne. Il s'agit en revanche ici d'un texte, écrit en roumain, sur le couronnement, à Versailles, dans la célèbre galerie des Glaces, d'un empereur Allemand, prétexte pour une subtile réflexion sur le pouvoir.
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Vue de France, l'année 1871 est celle de la Commune de Paris, ou peut-être celle de la fin du Second Empire, de la défaite contre la Prusse et de la perte de l'Alsace et de la Lorraine. Cet article d'histoire du Juif roumain Valeriu Marcu nous place résolument dans la perspective allemande, de l'unification du pays sous hégémonie prussienne par l'oeuvre controversée du chancelier Bismarck. Voici un article d'Histoire publié en 1934 dans la revue des fondations royales roumaines, plutôt orientée vers le fascisme et le nazisme, par un auteur déjà exilé parce que juif et (ancien) communiste, lequel n'a de romanesque que la description psychologisante des états d'esprit des protagonistes de la scène d'ouverture : la célébration, le 17 janvier 1871 dans la galerie des Glaces du palais de Versailles, du couronnement du roi de Prusse empereur allemand. La circonstance est véridique ; le reste de l'article approfondit la personnalité et le cheminement politique de Bismarck, avec une précision et une impartialité d'historien consommé qui ne se prive pas de citations du personnage historique et dont les opinions personnelles s'effacent devant la problématique de savoir si le prix de ce succès politique indéniable qui appartient en propre au protagoniste n'a pas été trop lourdement payé par les nationalités qui composent l'empire allemand, autres que les Prussiens, et accessoirement par la bourgeoisie allemande tout entière, un prix représenté par le militarisme, la tyrannie, et l'effacement des spécificités locales.
Au moment de la récupération nazie du mythe du (Troisième) Reich, il est évident que les éléments d'analogie avec l'acte de naissance du Deuxième ne sont pas fortuits. Dans son indispensable Préface, la traductrice Gabrielle Danoux le rappelle tout en voyant dans ce texte une critique implicite contre Hitler et une prémonition de Marcu qui « démythifie d'une part le règne hitlérien et, d'autre part, le voue à l'échec. » (p. 7). Si c'était le cas, la publication de cet article dans les colonnes d'un tel organe serait assez énigmatique et surtout la démarche de l'auteur, déjà exilé, incompréhensible. Personnellement, conformément à la problématique que j'ai formulée, je ne suis pas convaincu qu'il ait eu une telle prémonition ni que la comparaison entre un Bismarck incommensurablement plus talentueux que le Hitler de son actualité – comparaison pourtant lancée dans la phrase d'excipit : (« […] ce dirigeant aurait pu tout accomplir en une seule et unique occasion : tant qu'il se nommait le comte Bismarck ») ait été la thèse principale de son texte. La question des nationalités – hier au sein de l'empire austro-allemand (avec une Autriche battue à Sadowa le 3 juillet 1866), en 1934 (l'année même de la première tentative d'Anschluss bloquée par Mussolini) dans l'Europe centrale tout entière menacée de germanisation et de nazification – devait certainement inquiéter Valeriu Marcu par-dessus tout.
Pourquoi la revue publia-t-elle l'article ? Sans doute parce qu'il ne contient rien d'anti-allemand, que la guerre et la France brillent par leur absence et enfin, précisément, parce que ce couronnement, malgré les mauvaises humeurs et les états d'âme attribués aux uns et aux autres, est un triomphe politique pour Bismarck. Il pouvait parfaitement passer, en faisant l'économie de l'hypothèse de l'imbécillité des censeurs devant les ruses de l'auteur. Gabrielle Danoux mentionne très justement Malaparte, journaliste sulfureux et provocateur de ces années-là, que j'aime beaucoup pour sa façon de jongler avec les fascismes et de tomber toujours sur ses pattes malgré ses multiples revirements systématiquement contraires au pouvoir ; je me permets d'évoquer une autre personnalité littéraire et journalistique de l'époque, qui montre un certain nombre de traits communs avec ce que l'on peut deviner de Valeriu Marcu par ce seul article : le fascinant Kurban Saïd, alias Essad Bey, auteur juif azerbaïdjanais déguisé en musulman, fasciste anti-nazi comme il en existait beaucoup en ces temps-là, exilé aux États-Unis puis en Italie où il vécut ses dernières années et mourut incognito.

[Pour me remémorer de certains détails de 1871, j'ai eu recours à un ouvrage très précieux pour l'aisance de sa consultation : le Dictionnaire de la Commune par Bernard Noël, Mémoire du Livre, 2000.]
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J'ai arrêté de me dire que j'allais mettre des citations quand je me suis admise à remarquer qu'à toutes pages, beaucoup de texte aurait pu être mis à citation ; dans son intérêt à l'apprentissage d'une Histoire que je ne connaissais guère, dans sa pédagogie, et dans sa belle traduction (de Gabrielle Danoux) qui sans que je connaisse le roumain, je suis sûre lui est fidèle. C'est un bon texte, qui malgré sa forte complexité quant à ce jeu de pouvoir d'une Histoire dont je n'avais connaissances, se lit plutôt bien et donc, permets l'apprentissage :-) je ne peux donc plutôt que de citer, que vous inviter à y jeter un oeil surtout qu'il n'est pas trop long ce qui le rend d'autant plus digeste car pour les profanes comme moi, l'histoire peut sembler un peu complexe de prime abord. Au final, je me rends compte que j'en retiens des choses!
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Avec un article dans la revue des fondations royales, Valeriu Marcu se rapprochait en quelque sorte de la gueule du loup. Certes, Carol II n’était pas Hitler, cependant c’est sous la « dictature royale » que furent proclamées en Roumanie les premières lois antisémites. Le chef du gouvernement de l’époque n’était autre qu’Octavian Goga, membre du comité de rédaction de la revue des fondations royales en 1934. La revue accueillit bientôt dans ses colonnes Ion Sân-Giurgiu, germaniste bien connu, qui fit plus tard allégeance au parti nazi et participa au gouvernement en exil du légionnaire Horia Sima. Alexandru Marcu, professeur de littérature italienne à Bucarest, admirateur de l’Italie, de Mussolini et du fascisme, était également un habitué des colonnes de la revue.
(Extrait de la préface de Gabrielle DANOUX)
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La théorie des nationalités elle aussi est un principe. Bien évidemment, c’est un peu plus qu’une abstraction savante. Des atomes de la société, elle bâtit des unités fortes, les prémunit contre des pressions et des heurts, fait trembler l’Histoire environ trois fois par siècle, elle est l’os rongé par tous en Europe. Mais Bismarck n’avait pas l’assurance que l’Allemagne aussi allait se transformer selon les lois ayant déterminé l’évolution de la France, de l’Angleterre et de l’Italie.
(p. 17)
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L’empire allemand conserverait son caractère militaire, sous le signe duquel il était né. Le dirigeant de l’empire, qui avait le devoir de guider ces qualités vers le courant de la politique générale et pour mission de rendre plus souple ces gigantesques ressorts de guerre, afin de les subordonner aux objectifs d’une vie nationale commune, lui qu’on avait chargé d’harmoniser l’esprit des lois écrites et non écrites, ce dirigeant aurait pu tout accomplir en une seule et unique occasion : tant qu’il se nommait le comte Bismarck.
(p. 27)
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Bismarck se sent « lourd ». Il a toujours fait de la politique de toutes ses tripes, avec ses poumons, sa rate et son cœur ; c’est pourquoi il avoue vouloir être une bombe pour pouvoir exploser.
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Un leader des nationaux-libéraux caractérise en ces termes les négociations qui ont conduit à l’unité de l’empire : « la fille est laide, elle doit néanmoins être mariée ». Le roi Guillaume est dans la situation d’une mariée qui ignore qu’on la demande en mariage uniquement pour sa dot.
(p. 11)
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