André Mare vient d'exposer ses toiles au Palais du Cinquantenaire à Bruxelles lorsqu'il est mobilisé comme artilleur à la frontière belge, puis au fort de Tremblay, avant de rejoindre la Champagne en 1915. Dans son sac, il glisse sa pipe, une boite de crayons et des carnets dans lesquels il croque la vie au front , les poilus, les copains, les paysages et les tirailleurs sénégalais. Quand, en 1915, il lit dans "Le Petit messager", un des nombreux journaux de tranchées imprimés en réaction à la censure, qu'une unité de camouflage vient d'être créée afin de "faire des fleurs et des paysages sur les canons et les voitures", il s'empresse de demander son affectation. Il intègre la section en décembre 1915.
Outre l'émotion générée par le témoignage de Mare, tirailleur de la 47ème batterie- l'homme a protégé ses carnets d'aquarelles de la boue, des gaz et des obus- c'est l'immersion dans l'industrie du trompe-l'oeil de Mare artiste-peintre qui suscite un grand intérêt.
Enlisées dans le conflit, les forces alliées redoublent d'inventivité pour gagner les combats. L'art de l'illusion entre dès lors au service de la guerre, les décorateurs de théâtre au secours des généraux. Et la guerre de stimuler la créativité des artistes: la perspective et les reliefs évolueront, influencés par le développement de l'observation aérienne. Unité rattachée au G.Q.G., l'industrie du camouflage emploiera durant la guerre 3000 camoufleurs et 80000 ouvriers chargés de créer et de fabriquer des observatoires dissimulés dans de faux arbres ou des meubles, des toiles peintes pour cacher des canons, imiter des silhouettes de soldats en embuscade ou de faux avions ... Cette aventure durera pour Mare jusqu'à la fin de la guerre, et le mènera en Italie.
Carnets de guerre 1914-1918 présente toiles, croquis, cartes et photos de Mare. le lecteur se trouve ainsi plongé dans le quotidien d'un homme chargé de placer des observatoires, des toiles de terres labourées parfois sous un déluge d'obus, ou de trouver les bonnes couleurs pour les voitures militaires.
André Mare ne sera démobilisé qu'en mars 1919 mais sa vision de l'art et de la peinture ne sera plus jamais la même.