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EAN : 9782267030624
221 pages
Christian Bourgois Editeur (18/01/2018)
3/5   7 notes
Résumé :
1949 : à Barcelone, une prostituée est assassinée dans un cinéma par le projectionniste lui-même. S'il reconnait avoir tué la jeune femme, il est en revanche incapable d'expliquer son geste.
1982 : un écrivain est engagé par un producteur de cinéma pour écrire le préscénario d'un film inspiré de ce fait divers. Il aura pour principal informateur l'assassin, libéré après avoir purgé sa peine.
Au cours de leurs entretiens, l'écrivain essaiera de démêler ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Un écrivain est sollicité pour écrire, sur commande le scénario d' »un film inspiré d'un fait réel qui s'était produit des années plus tôt à Barcelone, un crime horrible qui avait en son temps suscité des conjonctures nombreuses et très diverses, et dont le mobile, apparemment passionnel, n'avait jamais été entièrement éclairci. »
Nous sommes en 1982. le narrateur, en panne d'inspiration, accepte bon gré mal gré de revenir sur cette histoire, même s'il mesure bien la différence entre écriture de scénario et littérature. Ce crime s'est déroulé en 1949, en pleine période franquiste, et le meurtrier, un certain Fermin Sicart, travaillait alors comme projectionniste dans un cinéma de quartier, le cinéma Delicias. Régulièrement une prostituée venait lui rendre visite dans sa cabine de projection, et le projectionniste semblait apprécier sa compagnie, pourtant on l'a retrouvé un jour morte, étranglée avec de la pellicule de cinéma, et Sicart a avoué aussitôt être le meurtrier.
Pour écrire ce pré-scénario, et après un premier travail de préparation, sous la houlette du producteur qui lui a passé commande, le narrateur va tout simplement inviter Firmin Sicart à lui donner sa propre version des faits. Ayant entre temps purgé sa peine, celui-ci accepte facilement pour peu qu'on le dédommage pour sa confession qu'il livrera, après-midi après après-midi, sur la terrasse de l'écrivain. Celui-ci est pour quelques semaines célibataire, sa femme et ses enfants en vacances, et il est épaulé par la fidèle servante Felicias, un personnage haut en couleurs, dotée d'une mémoire d'éléphant en ce qui concerne les films de la grande époque projetés dans les cinémas de quartier.
Et de mémoire, il en est bien question.
Parce que Fermin Sicart est passé par les mains d'un célèbre médecin franquiste, qui avait pour obsession d'enlever le « gène rouge » aux patients (ou victimes ?) qui passaient dans ses mains : les « lavant » de leurs souvenirs et les remplaçant par des pensées beaucoup plus correctes. Ce qui fait que trente ans plus tard, le malheureux projectionniste ne se souvient plus du tout des raisons de son meurtre. de quoi piquer la curiosité de l'écrivain, qui espère refaire surgir le souvenir de l'ombre en fouillant dans la mémoire du meurtrier.
Sur fond de cinéma noir et blanc, Juan Marsé revient sur ses thèmes favoris : le passé qui ne passe pas, la vie misérable des petites gens sous Franco. Il nous faut revivre le Barcelone des années 40, par le truchement du récit du projectionniste repenti, une vie où les pauvres se débrouillent comme ils peuvent pour survivre à la misère, y compris en adhérant à l'idéologie dominante. Lucide, l'écrivain l'est aussi pour la société qui a succédé au franquisme : nous sommes en 1982, période charnière où l'on essaye de se débarrasser des fantômes, un monde où les vrais coupables ne seront jamais punis ...
Mais peut-on se débarrasser vraiment de son passé ? Les mots peuvent-ils retrouver du jour au lendemain leur sens véritable, après avoir été pervertis pendant toute une période ?
La société post franquiste est-elle aussi libre qu'on le dit ? Un monde où des midinettes rêvent de crever l'écran et sont prêtes à tout pour décrocher un rôle et où les auteurs de littérature n'ont droit qu'à un strapontin en terme d'audience et de notoriété.
C'est encore le personnage féminin, la rouée Felicias, qui a le meilleur rôle : elle qui pose des devinettes concernant les répliques fameuses des films de la belle époque – devinette qu'elle gagne à coup sur. On approchera la scène finale qu'à la toute fin du livre, comme un long travelling, une scène imaginée plusieurs fois par le narrateur qui se prend au jeu du scénariste, quitte à en faire beaucoup trop, jusqu'au récit final du projectionniste retrouvant partiellement la mémoire.
Un roman qui donne envie de s'installer devant un DVD pour voir l'un de ces films en noir et blanc de la belle époque, avec un scénario qui n'aura rien de ces telenovelas qu'on nous sert à longueur de soirée sur nos chaines télé publiques …
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Je ne suis pas davantage convaincue par ce deuxième livre lu de cet auteur que par le premier, pourtant un de ses plus connus : "La Calligraphie des rêves".

Ici, un auteur barcelonnais se voit commander le premier jet d'un scénario reprenant un fait divers de l'après guerre civile : un projectionniste de salle de cinéma a été condamné pour avoir étranglé jusque mort s'ensuive une prostituée avec laquelle il entretenait une relation. le producteur lui propose de contacter l'auteur des faits, depuis longtemps libéré de prison, pour obtenir de première main le récit des événements.

Le livre ne décolle jamais. J'ai eu beaucoup de mal à dépasser les premiers chapitres, mais m'y suis efforcée sans trouver aucun entrain de lecture. Non pas que l'histoire soit rebutante, mais il n'y a pas grand chose en plus que le pitch ci-dessus. L'écriture de l'auteur ne sauve rien. On est bien loin de Javier Marias ou de Villa-Matas ou même d'auteurs espagnoles qui savent rendent leurs histoires savoureuses comme Rosa Monteiro ou Almuneda Grandes.

En conclusion, se lit. J'ai eu du mal car je recherche autre chose dans mes lectures.

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Espagne, début des années 80. le narrateur, écrivain en mal d'inspiration, est sollicité par un producteur de cinéma pour écrire le scénario d'un film qui s'inspirera d'un fait divers survenu trois décennies auparavant : l'assassinat, par l'un de ses amants, d'une prostituée, perpétré dans la cabine de projection du cinéma où travaillait le meurtrier. Peu convaincu par ce projet, il laisse néanmoins le pragmatisme et la perspective d'une rémunération bienvenue l'emporter sur sa dignité.

Fermín Sicart a purgé sa peine. C'est un homme vieillissant, dont l'insignifiance surprend. le romancier organise des rencontres avec lui, afin de reconstituer non seulement le crime mais aussi les circonstances qui l'ont précédé. Il en résulte des interviews fondées sur la traque d'une vérité illusoire, soumises aux tergiversations de la mémoire de l'interrogé, somnambule et capricieuse. Fermín se souvient avoir tué mais a oublié pourquoi, et même sur les événements antérieurs, il hésite, renâcle, sans que le narrateur parvienne à cerner s'il s'agit d'une véritable amnésie ou d'un subterfuge pour optimiser le gain qui lui a été promis en échange de son temps. Il invoque Ciempozuelos, où il a été interné après le meurtre, comme prisonnier "rouge", malgré la nature a priori apolitique de son crime ; mais sous une dictature, tout est politique, et ses juges eurent tôt fait de lier son acte à sa fréquentation d'un activiste communiste qui travaillait dans le même cinéma que lui. Il aurait ainsi subi un traitement dispensé par un psychiatre réputé pour avoir expérimenté des méthodes censées retourner le cerveau des marxistes léninistes, mais prétend en même temps avoir su contrer ses manoeuvres.

En tant qu'écrivain, le narrateur est quant à lui conscient que les lapsus, les ruses, les omissions de son interlocuteur sont aussi, voire plus intéressants que la vérité, d'une part parce qu'ils mettent en évidence la dimension subjective de cette dernière -faire un film sur la réalité consistant non pas à éclairer le fait réel, mais à mettre en évidence les clairs-obscurs, les doutes et les ambiguïtés- et d'autre part car ils révèlent "l'obstination du pays tout entier à faire de la mémoire collective offensée un dangereux champ de mines". Lui-même, dans son travail d'écriture, réalise que lorsqu'il convoque ses souvenirs, il éprouve encore, de manière à peine consciente, une sorte de censure officielle castratrice, qui l'empêche de nommer les choses, y compris les plus anodines, par leur nom. Bien que n'écrivant pas une oeuvre de dénonciation, il n'énonce que des généralités, alignements de mots "roublards, aphasiques"... Les atermoiements de Fermín deviennent ainsi le symbole de l'amnésie post traumatique qui touche l'Espagne de l'après-franquisme.

C'est avec beaucoup d'habileté mais aussi d'humour que Juan Marsé pousse à la réflexion. Il crée un subtil décalage entre un présent que l'on tente de rendre plus léger malgré un héritage oppressant -notamment en introduisant comme personnage secondaire de son intrigue une employée de maison férue de cinéma au caractère bien trempé- et un passé qui, évoqué à travers une mémoire trompeuse, détournée, se voile d'une atmosphère d'angoisse sourde, presque surnaturelle. Il démontre l'influence du contexte politique et social sur l'art et la création, mais aussi d'une manière plus générale sur le langage, la censure inhérente au totalitarisme modifiant le sens et la portée des mots, imposant une retenue permanente. "Cette putain si distinguée" est aussi un récit sur la difficulté à se réapproprier ce langage une fois la censure levée, à renouer avec la sincérité, et sur le sentiment d'impuissance qui en découle.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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1982. Barcelone. L'Espagne n'en a pas encore terminé avec son sombre passé franquiste. le caudillo est mort en 1975 mais en 1981 un coup d'état est fomenté par des militaires. Fort heureusement, il échoue.
Un écrivain est sollicité pour rédiger le préscénario d'un film portant sur un fait divers qui s'est produit en 1949 : l'assassinat, par son amant projectionniste, d'une prostituée.
Pour tenter de comprendre ce qui s'est réellement passé, il interroge le meurtrier. le souci est que ce dernier a oublié les raisons de son crime.
En remontant le passé de cet homme, l'écrivain tente de le faire accoucher de la vérité. L'occasion de découvrir que celui qui s'est opposé à la dictature est accusé d'une pathologie : l'idiotisme marxiste ! Une maladie qui nécessite un lavage de cerveau orchestré par Antonio Vallejo Nágera, un psychiatre cinglé. Une femme assiste aux entretiens : Felisa, l'employée de maison du narrateur, un personnage fantasque incollable sur le 7ème art qui « croit que le cinéma résout des devinettes de la vie » !
Porté par la voix originale de Juan Marsé qui signe un huis clos suffocant dont l'impression d'oppression est renforcée par la canicule qui sévit dans la capitale catalane, « Cette putain si distinguée » est une réflexion sur les ressorts de la mémoire, sur la quête de la vérité mais aussi sur les difficultés pour un auteur de restituer la réalité des faits. Tout en dénonçant le mirage de la démocratie espagnole, tout au moins au début des années 1980, il règle son compte au cinéma de cette époque. La Movida n'a pas encore mis un coup de pied dans la fourmilière culturelle.

EXTRAITS
- Dans mes fictions, le vécu réel se soumet à l'imagination, qui est plus rationnelle et plus plausible. C'est dans la partie inventée qu'est mon autobiographie la plus véridique.
- Quelques secondes avant de sentir la pellicule effilée sur sa gorge, elle sait qu'elle va mourir, et sur la cendre de ses pupilles se referme sa paupière lente et affligée.
- La réalité n'existe que si nous sommes capables de la rêver.
Lien : http://papivore.net/divers/c..
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Le début pourra sembler rébarbatif, car Juan Marsé met en place son dispositif, à savoir un projet de film, mais se révèle ensuite très utile pour apporter la distance, le recul et permettre un subtil traitement du thème : la mémoire (cette putain distinguée) - un sujet toujours assez sensible, qui plus est en Espagne, après le franquisme et la guerre civile. Juan Marsé exécute avec brio cet exercice, entrecoupé de descriptions de plans cinématographiques très réussies. On retrouve le décor, voire des personnages, de la Calligraphie des rêves, dans ce nouveau traitement. Beaucoup d'humour, notamment avec une femme de ménage cinéphile et sarcastique, une vieille dame qui lui dame le pion à la piscine et des coups de griffes hilarants au monde du cinéma, des producteurs, des réalisateurs. Un Juan Marsé très réussi !
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
[...]elle passait près de moi en nageant le crawl dans son style épuré, si lent et si cadencé que j'avais l'impression d'une marque de courtoisie, d'une politesse à mon égard, d'un signe discret d'adhésion à mes soucis, comme si la vaillante vieille dame creusait elle aussi dans l'eau les lignes d'une écriture qu'il fallait, car elle s'effaçait aussitôt, recomposer chaque fois avec une nage persistante et infatigable : ce coude qui émerge lentement à la surface, ce bras émacié qui s'élève et plonge lentement encore et encore, cette façon réitérée et exacte et syncopée de montrer à peine un côté du visage et de le cacher sous l'eau pour aussitôt le montrer de nouveau dans la cadence de l'effort, ce rythme soutenu et cette volonté indéclinable en quête d'une éphémère forme de beauté ou d'harmonie sur l'eau, me dis-je, est aussi en accord avec le mouvement de la phrase déterminée à déchiffrer une énigme sur le papier, avec la persistance de la mémoire sur le passage du temps et sur le tour imprévu qu'acquiert la réalité une fois qu'on l'a saisie.
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Rappelez-vous ce qu'a dit Nabokov : "Il ne sert à rien de lire si on ne lit pas avec sa moelle épinière." Même quand on lit avec l'esprit, le centre de la jouissance artistique se trouve entre les omoplates, un fourmillement dans la moelle épinière.
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Dans mes fictions, le vécu réel se soumet à l’imagination, qui est plus rationnelle et plus plausible. C’est dans la partie inventée qu’est mon autobiographie la plus véridique.
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La seule chose dont je me repens, c'est de mes omissions. Comme a dit le poète : ce que je n'ai pas fait, ce que je ne fais pas, ce que je devrais faire à chaque instant et ce que je ne fais pas. De ça, oui, je me repens.
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Voici de quoi il s’agit : un ancien meurtrier, apparemment atteint d’Alzheimer, raconte son crime trente ans après l’avoir commis. Il se souvient d’avoir tué une prostituée, mais il ne se rappelle absolument pas pourquoi il l’a fait.
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Video de Juan Marsé (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Juan Marsé
El embrujo de Shanghai (trailer) film de 2004 de Fernando Trueba. Adaptation du roman Les nuits de Shanghai
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