On démarre cette histoire dans le typique et célèbre quartier parfait américain des fifties. On pourrait être les voisins d'Edward aux mains d'argents, ou reluquer vers la baignoire d'Américain beauty.
Comme souvent chez Matheson, c'est dans les détails de cette vie ordinaire que va se révéler le fantastique. Un vrai fantastique, au sens "
Maupassant fantastique", celui ou l'on est jamais vraiment sur d'être témoin de quelque chose de surnaturel ou d'avoir été floué par les circonstances. Cet angle réaliste permet d'autant plus d'écailler la façade de différents foyer du quartier aux travers des yeux du narrateur et personnage principal, avec une dureté sans concessions.
Mais ce personnage n'est pas un héros. Ce n'est pas un vilain non plus. C'est un homme approchant la trentaine (comme moi :'( ) marié, attendant son second enfant . Mais avant tout un être imparfait, ayant tendance à interpréter, s'effrayer ou perdre ses moyens.
J'aime beaucoup cela chez Matheson. Que ce soit en littérature ou des ses scénarii : les personnages semblent vrais, en progression ou tout le contraire, avec des failles plausibles et des réactions crédibles et humaines.
Le sillon de peur va s'insinuer lentement d'abord dans la pensée du narrateur puis par rebonds chez sa femme. Au-delà des particularités que va développer le personnage, ce qui met mal à l'aise, ce sont bien les pensées de celui ci ainsi que les pensées qu'il distingue chez les autres. Tous sont pris au piège, se piègent ou essaie de piéger. le roman démarre avec un personnage en étude de psychologie, et l'on distingue dans les galeries de ce livre toutes les questions qui se posent sur la vie quotidienne et le libre arbitre, quand on s'interroge sur le mal que peut causer une compréhension parfaite des autres, je ne peux m'empêcher de revoir mes professeurs de sciences humaines.
Car oui, comme souvent, les intrusions fantastiques camouflent une réflexion sur le réel.
Le style n'est pas exubérant, pailleté ou habillé d'une poésie de miel, mais il évolue selon les besoins, joue beaucoup sur le rythme et a un effet magique sur moi que je retrouve dans quasiment chaque Matheson que j'ai pu lire : J'ai l'impression qu'il s'écrit comme je pense, que les phrases se conjuguent comme je vis. Chaque personnage, c'est moi, au moins partiellement.
Le scénario est soigné, avec ses rebondissements et faux-semblants, les révélations coups de poings et les pérégrinations interne du personnage principal.
Un grand moment de frisson, comme seul un oeil face au miroir en est capable.