Le cancer est une maladie qui échappe à la volonté de maîtrise de la science. Ce livre essaie d'instituer quelques bornes, ersatz de repères qui permettraient aux malades et à leur famille, ainsi qu'à toute personne que la maladie rendrait anxieuse, de rationaliser le réel.
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On nous a conditionnés à penser que l’expression de certains sentiments est de la faiblesse. Bien au contraire, la suppression des sentiments peut être malsaine. Néanmoins, il faut beaucoup d’efforts pour dépasser ces attitudes, qui sont si fortement ancrées dans notre culture.
Un autre exemple concerne l’éthique du travail. Je pense que notre culture insiste trop sur le résultat aux dépens de la satisfaction personnelle, ce qui conduit beaucoup de gens à se contrôler constamment.
J’ai connu des malades qui disaient à leurs conjoints et à leurs enfants de ne pas leur rendre visite à l’hôpital. […] Ces malades se battent contre le fait d’être dépendants de ceux qu’ils aiment. Cette dépendance suscite la peur, et ils répondent à leur insécurité en démontrant qu’ils n’ont besoin de personne. […] A nouveau, un tel isolement est malsain. Il augmente l’aliénation du malade, et amplifie sa dépression et son angoisse -et tout cela peut avoir un effet physiologique sur le processus de la maladie, en diminuant les chances d’un rétablissement.
La famille peut bien aider le malade pendant cette période [annonce d’une rechute du cancer], en étant conscient que ses sentiments de désespoir, de culpabilité, de colère et de peur sont normaux. Elle peut soutenir l’expression de ces sentiments sans essayer de contrecarrer le malade. […]
Je suggère aux malades et à leurs familles de retarder toute décision importante jusqu’à ce que tous les renseignements médicaux soient réunis, et que le malade soit sorti de la période de choc. Quand les familles ont peur, elles essayent de cacher leur angoisse en prenant prématurément des décisions. Il vaut mieux « affronter l’angoisse en tant qu’angoisse ».
Tenir contre soi est la façon la meilleure et la plus saine pour exprimer de l’amour. Cette sorte de contact physique procure une chaleur et une communication directe ; votre sentiment est perçu sans censure par l’autre personne. Tandis que tout le monde ne peut pas toujours s’exprimer par la parole, et que les mots ne suffisent souvent pas pour dire réellement ce que nous sentons, embrasser est un message clair.
Le diabète, qui est aussi une maladie mortelle, n’est pas complètement compris [de la médecine] (nous ne savons pas pourquoi le pancréas du diabétique ne produit pas d’insuline) mais nous avons des façons d’intervenir et de le contrôler. Le cancer, cependant, est moins compris, peut-être moins prédit, et est plus dur à contrôler. Un malade en rémission sait toujours que la maladie peut rester latente pendant de longues périodes pour revenir soudain. Quelque chose d’aussi mystérieux fait naturellement jaillir des sentiments d’insécurité ; par-dessus tout, nous voulons le guérir. Parce que nous ne le pouvons pas, nous nous sentons parfois terriblement frustrés.