Le titre initial de cette pièce était "il n'y aura pas de matin".
Mais trop affirmatif, trop éclairé, ce titre est finalement devenu "la maison de la nuit".
Cette maison de la nuit est une maison ravagée par la guerre où, quelques années auparavant, s'était réfugié un dénommé
Klossowski, un homme désabusé dont le rôle est, à l'heure de la pièce, de servir de passeur entre deux mondes.
Car cette maison est une ruine posée entre deux mondes, entre deux états d'Europe centrale, entre une république de l'est soumise à la dictature du parti et une république de l'ouest plus libérale.
Et, cette nuit là, un groupe de femmes et d'hommes fait irruption dans la maison après avoir traversé la ligne des postes de garde, les fils de fer, après avoir évité les projecteurs, le terrain découvert avec ses pièges et le ruisseau dont l'eau froide monte jusqu'à la poitrine ...
"La maison de la nuit" est une pièce de théâtre en trois actes.
Écrite par
Thierry Maulnier, elle a été jouée pour la première fois au théâtre-Hébertot, le 12 octobre 1953.
Elle est précédée dans son édition à la Nrf d'une longue préface de son auteur qui raconte, qui jauge ses personnages et décortique les ressorts du récit.
Cette préface, intitulée "la politique ou la pitié", à mon humble avis, aurait dû s'appeler postface, et par voie de conséquence se trouver derrière le corps de la pièce.
Ce qui aurait évité à la lectrice, au lecteur de Babelio qui, comme on le sait, sont gens disciplinés d'être béatement divulgâchés sans même s'en rendre compte !
Ne vous attardez pas non plus sur la quatrième de couverture !
Et, Que Dieu me savonne, que Cassandre me pardonne.
Que l'on ne vienne pas me dire que je n'avais pas prévenu !
Bref ...
Il y a beaucoup trop de monde dans cette maison.
Qui sont-ils ?
Qui se cache derrière ces visages qui se dévisagent et s'épient ?
Parviendront-ils à passer à l'ouest, à gagner leur liberté ?
La nuit tous les chats sont gris et les personnages de la tragédie qui s'annonce ne savent plus bien où est la frontière entre le courage et la lâcheté, entre l'amour et le mépris, entre l'engagement et la pitié.
La tragédie, disait Camus, est un conflit où tout le monde a raison.
Il se pourrai qu'ici, dans la pièce de
Thierry Maulnier, tout le monde ait tort : les militants, les traîtres, les femmes amoureuses, ceux qui donnent les ordres et ceux qui les exécutent.
Seuls y échappent peut-être la comtesse murée dans son cynisme, le passeur dans sa résignation et la jeune Lydia coincée dans sa révolte de devoir mourir avant d'avoir vécu.
"La maison de la nuit" est une pièce politique, anticommuniste pourrait-on dire, même si les deux personnages représentant le parti sont peints à la manière antique des héros que la fatalité et le sentiment rattrapent toujours.
L'auteur, d'ailleurs, dans sa préface, affirme n'avoir détesté aucun des deux, ni le lâche, ni le courageux.
Cette pièce est un morceau de théâtre brillant qui soupèse bien des sentiments mais surtout redonne toute sa valeur à la pitié.
Ce qui la rend certainement intemporelle ...