Tout homme a dans sa vie un Dieu à l'affût.
Les grands desseins... C'est ce que redoutent le plus ceux dont le profit est l'unique affaire. "Faites-moi de bonnes finances, semble leur dire de Gaulle, et je vous ferai une politique digne de votre histoire." Voilà le point précis de malentendu entre lui et les spéculateurs de tout poil mais aussi les Français de toutes conditions : cette idée d'une vocation imprescriptible de la France, en dépit de tous les coups reçus, en dépit de tant de désastres, de l'empire perdu, en dépit des puissances démesurées qui, par le seul fait qu'elles existent, changent la grande nation d'autrefois en la petite nation d'aujourd'hui (23 novembre 1968).
Cet après-midi, dès les premières questions du confrère belge, j'ai senti, non sans doute une inimitié à mon égard, mais une hostilité à de Gaulle qu'on essayait d'atteindre à travers moi. Il fut tout de suite question de cette "passion" (sous-entendu sénile) qu'il m'inspire ! Je protestai en vain que, bonnes ou mauvaises, ce sont des raisons qui me font m'intéresser à cette politique-là et que c'est un plaisir de l'intelligence qu'elle me donne. Mais l'interlocuteur, quel qu'il soit, tient à une certaine image et n'y souffre aucune retouche (18 octobre 1968).
La foi en la nation ne comporte aucun désir de dominer les autres, mais nous interdit de nous laisser détourner par les plus puissants de faire ce que nous croyons être seuls à pouvoir faire. Ce n'est pas un complexe de supériorité auquel nous cédons ; mais nous croyons à notre singularité absolue, et que chaque nation est irremplaçable, et que la conscience qu'elles en ont, bien loin de les dresser les unes contre les autres, leur donne au contraire le sentiment de leur complémentarité (29 juin 1968).
La nation, ce n'est pas un concept et ce n'est pas une doctrine, c'est ce qui résiste à la toute-puissance de la force. En revanche, quand depuis plus d'un siècle elle ne fait que semblant d'exister, comme en Belgique, quelles que soient les vertus, quel que soit le génie des éléments qui s'y juxtaposent et qui s'y affrontent, il n'y a pas de pouvoir au monde capable d'y faire surgir la nation qui n'existe pas (6 avril 1968).
Philippe Dazet-Brun vous présente son ouvrage "François Mauriac : L'inguérissable jeunesse" aux éditions Memoring.
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