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Karin Bauer (Autre)Elfriede Jelinek (Autre)Isabelle Totikaev (Traducteur)Luise von Flotow (Traducteur)
EAN : 9782890916418
200 pages
Éditions du Remue-Ménage (14/03/2019)
4/5   1 notes
Résumé :
«Nous y sommes! Tout le monde recommence à parler de la pluie et du beau temps! Ce que l'on juge apolitique, c'est l'oppression presque entièrement internalisée des femmes, une oppression qui demeure absolument incomprise.» (Ulrike Meinhof, 1968) Les mouvements de contestation des années 1960-1970 exercent encore aujourd'hui une réelle fascination, en particulier auprès de jeunes militants qui y trouvent un écho à leurs propres questionnements. Cette sélection de te... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Avertissement :
il est impossible d'aller plus loin si on est disposé.e à croire que l'auteur.e de crimes s'identifie totalement à ses actes. Et on sera forcément indisposé.e, si on ne peut pas faire autrement que s'identifier totalement aux victimes.

Pour mémoire, c'est « La bande à Baader-Meinhof » qui est en toile de fond de ce livre, et avec elle, l'histoire de la radicalisation du mouvement de protestation étudiante dans l'Allemagne de l'après-guerre.

Personne, sans doute, ne méconnaît le mythe de la martyre révolutionnaire. Et simplifier cette histoire serait la meilleure manière de réactiver le mythe.

D'un monde désenchanté, émergea Ulrike Maria Meinhof (1934-1976). D'abord journaliste reconnue dans son engagement contre le réarmement et pour la justice sociale, elle bascule dans la lutte armée, et meurt en prison, au terme d'une parfaite tragédie.

Or, le fait d'apporter des éléments objectifs à cette histoire ne suffira pas à la démystifier ; il faut republier les articles de Ulrike Meinhof. C'est le parti pris de ce livre. Reconnaître la sensibilité de l'écriture, l'acuité des critiques. Et en même temps, reconnaître, d'après Elfriede Jelinek, le ridicule désespoir de la futilité* des engagements de la Gauche, qui ont laissé la plus jeune génération vide et cynique. (*Despair over the futility, page 63).

Questions. Quel est donc cet art qui permet aux choses futiles de retentir indéfiniment ? Sont-elles seulement futiles ?
Comment rire du désespoir ? On ne parle pas assez des pancartes humoristiques des manifestants.

Bref, les mots de Elfriede Jelinek concluent l'introduction sur une note apparemment définitive. Mais c'est pour présenter la pièce de théâtre* qu'elle a consacré à Meinhof, faisant ainsi retentir le phénomène à la nième puissance. * « Ulrike Maria Stuart : a Queen's drama ».

De notre côté, on aborde enfin les articles de la journalise Meinhof. Après l'énorme intensité de l'introduction, j'assiste d'abord à un défilé d'évènements nationaux et internationaux, qui repassent sous une plume exigeante.

La ligne éditoriale se dessine immédiatement. A froid, certain.es y verront la rhétorique de l'Allemagne de l'Est. Mais je n'entend que le cri du coeur.

D'un côté, l'émotion des personnes aux visages émaciés qui avaient devant eux la page blanche d'une constitution à écrire, et la chance unique de tourner définitivement le dos au fascisme. (Constitution de 1948).
De l'autre côté, le dégoût grandissant, envers une classe politique qui ne rate plus une occasion de retrouver les vieux démons.

Si je met 4 étoiles, c'est à cause de l'intensité de cette lecture, et des connexions qui s'activent les unes après les autres. Particulièrement dans l'introduction, car celle-ci va au-delà des articles journalistiques.

Je reconnais un écho philosophique chez Gilles Deleuze et Félix Guattari. La deterritorialisation (contre l'illusion d'une simple quête de l'égalité des droits), le devenir-minoritaire, les conditions de l'énonciation collective, le rôle d'une “littérature mineure”, l'anti-oedipe, la schizo-analyse (avant de virer parano).

Comment fait-on lorsque ses propres parents, et de nombreux responsables économiques et politiques actuels ont été compromis dans le régime nazi ? C'est l'après-guerre qui n'en finit pas, comme le décrit Johann Chapoutot dans son livre « Libre d'obéir ».

Évidemment, il y a un écho avec notre actualité.
D'un côté, la convergence des motifs anti-fasciste, anti-capitaliste, féministe et écologiste.
De l'autre, des manifestations schizo, où se côtoient la banderole d'un mouvement pour la paix, et celle de la branche syndicale des industries de l'armement. Des policiers qui tabassent les manifestants, avant de rentrer chez eux embrasser leur conjoint.e, leurs enfants, se plaindre de choses et d'autres… et profiter encore de quelques avantages sociaux acquis au prix fort.

Plus spécifiquement, il faut rappeler la vigilance de la ligue des droits de l'homme contre les atteintes anti-démocratiques.
Lorsque Heinrich Böll tente une médiation, Meinhof lui demande ce qu'il a fait “sérieusement” pour éviter ça.
Alors, que penser d'un gouvernement qui ignore ces alertes ?

Liens :
- Une version en anglais est disponible ici :
https://fadingtheaesthetic.files.wordpress.com/2013/09/everybody-talks-about-the-weather.pdf
- et encore un excellent podcast de radiofrance :
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/toute-une-vie/ulrike-meinhof-1934-1976-comme-sous-un-masque-5268091
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