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Jérôme Vérain (Éditeur scientifique)
EAN : 9782842054687
100 pages
1001 Nuits (01/12/1999)
3.25/5   14 notes
Résumé :
" Le corps humain n'est qu'une horloge. " L'auteur de cette conception mécaniste scandaleuse n'est autre que La Mettrie (1709-1751), médecin turbulent et philosophe, résolument athée et matérialiste. DansL'Homme-machine, il récuse la distinction de l'âme et du corps - " Tout est fait d'une seule et même pâte. " Point de Dieu, point d'idéalisme, le seul devoir est d'être heureux. On reconnaît en La Mettrie un esprit toujours libre, volontiers amoral, débarrassé de to... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Si on prend une vache dans un pré, qu'on lui retire ses cornes, qu'on l'affine quelque peu, qu'on lui allonge la tête, … jusqu'à ressembler à un cheval, a-t-on toujours affaire à une vache, ou à un cheval ? La plupart des personnes interrogées tiendront pour la vache : quelle que soit sa forme actuelle, elle a été vache, elle est vache, et elle restera vache. Instinctivement, il existe une « âme vache » quelque part dans la carcasse, qui reste immuable.

Le problème avec le concept d'âme immuable, c'est (entre autre) qu'il est difficile d'expliquer comment le corps l'altère si vite : si la bonté, la générosité font partie d'une âme, voir la personne agir en égoïste dès qu'elle a un peu faim ou froid pose quelques soucis explicatifs.

La Mettrie fait table rase de toute cette idée : il n'y a que la matière, et elle explique tout. Reprenant l'idée de Descartes selon laquelle les animaux ne sont que des machines compliquées, il achève la démonstration en établissant que l'homme n'est finalement qu'un animal comme un autre. À côté des paradoxes sur le couple âme/matière du précédent paragraphe, le philosophe ajoute quantité de faits scientifiques : des vers coupés en deux donnent deux parties viables , le fait que les membres, même coupés du reste du corps, continuent à fonctionner quelque temps (une poule à qui on coupe le cou court encore), … Les récents progrès des automates, notamment les machines spectaculaires de Jacques Vaucanson, l'encourage à voir nos membres comme des machines certes complexes, mais composées in fine de rouages minuscules reproductibles.

Ceci dit, les faits scientifiques sont parfois fantaisistes : ainsi, la consommation de viande rouge amènerait à un comportement bestial (raison pour laquelle les Français, qui mangent leur viande très cuite, sont bien plus raffinés que les Anglais, qui la mangent presque crue). Bonne leçon pour l'avenir : être les premiers critiques des théories qui soutiennent nos propres thèses.

L'essai est assez court et se lit facilement, d'autant que l'auteur s'épanouit dans la polémique. le débat âme/matière n'est plus vraiment à l'ordre du jour (enfin, pas sous cette forme exacte en tout cas), mais les personnes intéressées par l'histoire de la philosophie prendront certainement plaisir à le découvrir.
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La Mettrie choqua son époque par sa philosophie matérialiste radicale. Il fut banni de France et de Hollande. D'abord, c'est en tant que médecin qu'il élabora sa pensée mécanique des choses. Il théorisa le matérialisme, ce qui donna une solution de rechange au spiritualisme qui dominait les esprits de son temps. Les philosophes majeurs des Lumières le rejetaient, le prenant pour fou. Figure à part. Homme intrigant.

Le matérialisme repose sur l'idée que la matière constitue tout l'être de la réalité. Il n'existe « dans tout l'Univers qu'une seule substance diversement modifiée » . Dans L'Homme-machine, il justifie l'existence des lois (morales) de la nature en l'homme, par le fait que celui-ci peut aussi éprouver des remords. La vertu serait en lui. Toutefois, dans le Discours sur le bonheur, il affirme le contraire : les remords sont les fruits de l'éducation. Pour lui, la morale n'a rien à voir avec le bonheur. Est-ce pour autant que sa philosophie doit conduire à l'immoralisme?

L'existence du vice et de la vertu sous-entend la liberté de choisir entre faire le bien ou le mal, car l'on parle de morale lorsque l'on parle d'action. Dans l'homme-machine l'on apprend que l'homme est entièrement matière, assemblé et déterminé par son organisation. Comment existerait-il une morale sans liberté?

Pour La Mettrie, le bien et le mal au sens de la morale n'est qu'une question d'éducation, et le droit de faire telle ou telle chose est du domaine de la justice. Il croit que le philosophe devrait porter son attention que sur le monde, la matière.

Aucune action n'est en soi vicieuse, elle n'est jugée telle que dans l'esprit des hommes. Sans liberté tout est déterminé, la question de la morale ne se pose donc pas. le matérialisme conduit immanquablement à l'amoralisme.

Philosophe accessible avec un ton parfois railleur, à l'image de l'homme souriant que l'on voit sur son portrait.
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Julien est énervé ; sa machine s'emballe, il ne supporte pas qu'on pense que l'âme existe et encore moins que l'on affabule si complaisamment depuis la nuit des temps sur un prétendu savoir qu'on ne fait qu'inventer par le refus de se contenter de le déduire de l'observation et l'expérience. Julien a-t-il mangé trop de viande crue, qui rend féroce ? Il faut bien expliquer par des raisons mécaniques son énervement et sa pensée agressive, n'est-il pas ? En tous les cas, les Locke, les Descartes, les Leibniz et tous ces singes à face humaines auraient mieux fait de se taire plutôt que d'embrouiller tout le monde.

Car une fois qu'on a dit que tout n'était que matière et que la vérité n'est que science, on a tout dit n'est-ce pas ? Mais quand la science décrète que la matière, ce sont des molécules, et puis des atomes, et puis des neutrons et puis des bosons et puis, finalement, de petits tourbillons, ne faut-il pas en venir à se demander si la matière n'est pas que pensée ? D'ailleurs, la fin de l'ouvrage est étrange : il n'y aurait qu'une seule substance dans tout L Univers... c'est la conclusion inévitable de son expérience. Et voilà que notre Julien devient métaphysicien... Comme c'est mignon...
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Un court essai de Julien Offroy de la Mettrie où sont exposées ses conceptions matérialistes. L'homme est un produit de la Nature, tout comme les animaux, les plantes, ....
Son corps obéit aux lois de la Nature, tout comme son Âme et la morale qui connait "la Loi Naturelle". Ces lois de la Nature, dans toute leur variété, suffisent à produire matière organisée et pensée. Il n'y a qu'une seule entité : la matière. Descartes est un grand philosophe mais il se trompe avec la Pensée et l'Étendue.
Il est vain de disserter sur l'existence ou l'inexistence de Dieu, dans les deux cas, on doit et peut vivre sans.
Pas de jargon, c'est toujours un plaisir de lire la langue du XVIII° siècle.

Il est vain de disserter sur l'existence de Dieu,
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Mots-clés : Dieu - Être suprême - Existence

Ce n'est pas que je révoque en doute l'existence d'un Être suprême ; il me semble, au contraire, que le plus grand degré de probabilité est pour elle ; mais comme cette existence ne prouve pas plus la nécessité d'un culte que toute autre, c'est une vérité théorique qui n'est guère d'usage dans la pratique : de sorte que, comme on peut dire d'après tant d'expériences que la religion ne suppose pas l'exacte probité, les mêmes raisons autorisent à penser que l'athéisme ne l'exclut pas 91.
Qui sait d'ailleurs si la raison de l'existence de l'homme ne serait pas dans son existence même ?
Peut-être a-t-il été jeté au hasard sur un point de la surface de la terre, sans qu'on puisse savoir ni comment, ni pourquoi ; mais seulement qu'il doit vivre et mourir, semblable à ces champignons qui paraissent d'un jour à l'autre, ou à ces fleurs qui bordent les fossés et couvrent les murailles 92.
Ne nous perdons point dans l'infini, nous ne sommes pas faits pour en avoir la moindre idée ; il nous est absolument impossible de remonter à l'origine des choses . Il est égal d'ailleurs pour notre repos que la matière soit éternelle ou qu'elle ait été créée, qu'il y ait un Dieu ou qu'il n'y en ait pas. Quelle folie de tant se tourmenter pour ce qu'il est impossible de connaître, et ce qui ne nous rendrait pas plus heureux quand nous en viendrions à bout.

p. 183


Enfin le matérialiste convaincu, quoi que murmure sa propre vanité, qu'il n'est qu'une machine ou qu'un animal, ne maltraitera point ses semblables, trop instruit sur la nature de ces actions, dont l'inhumanité est toujours proportionnée au degré d'analogie prouvée ci-devant, et ne voulant pas en un mot, suivant la Loi naturelle donnée à tous les animaux, faire à autrui ce qu'il ne voudrait pas qu'il lui fit 165
Concluons donc hardiment que l'Homme est une Machine, et qu'il n'y a dans tout l'Univers qu'une seule substance diversement modifiée 166 Ce n'est point ici une hypothèse élevée à force de demandes et de suppositions : ce n'est point l'ouvrage du préjugé, ni même de ma raison seule ; j'eusse dédaigné un guide que je crois si peu sûr, si mes sens portant, pour ainsi dire, le flambeau, ne m'eussent engagé à la suivre, en l'éclairant. L'expérience m'a donc parlé pour la raison ; c'est ainsi que je les ai jointes ensemble.
Mais on a dû voir que je ne me suis permis le raisonnement le plus vigoureux et le plus immédiatement tiré, qu'à la suite d'une multitude d'observations physiques qu'aucun savant ne contestera 167 ; et c'est encore eux seuls que je reconnais pour juges des conséquences que j'en tire, récusant ici tout homme à préjugés, et qui n'est ni anatomiste, ni au fait de la seule philosophie qui est ici de mise, celle du corps humain. Que pourraient contre un chêne aussi ferme et solide, ces faibles roseaux de la théologie, de la métaphysique et des écoles …

p. 214
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La première utilité des Sciences est donc de les cultiver ; c’est déjà un bien réel et solide. Heureux qui a du goût pour l’étude ! plus heureux qui réussit à délivrer par elle son esprit de ses illusions, et son cœur de sa vanité ; but désirable, où vous avez été conduit dans un âge encore tendre par les mains de la sagesse ; tandis que tant de Pédants, après un demi-siècle de veilles et de travaux, plus courbés sous le faix des préjugés, que sous celui du temps, semblent avoir tout appris, excepté à penser.
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À présent, comment définirons-nous la Loi naturelle ? C'est un sentiment, qui nous apprend ce que nous ne devons pas faire, parce que nous ne voudrions pas qu'on nous le fît. Oserais-je ajouter à cette idée commune qu'il me semble que ce sentiment n'est qu'une espèce de crainte ou de frayeur, aussi salutaire à l'espèce qu'à l'individu ; car peut-être ne respectons-nous la bourse et la vie des autres, que pour nous conserver nos biens, notre honneur et nous-mêmes ; semblables à ces Ixions du christianisme qui n'aiment Dieu et n'embrassent tant de chimériques vertus que parce qu'ils craignent l'enfer.
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Heureux qui a du goût pour l'étude ! plus heureux qui réussit à délivrer par elle son esprit de ses illusions et son cœur de sa vanité ; but désirable, où vous avez été conduit dans un âge encore tendre par les mains de la sagesse, tandis que tant de pédants, après un demi-siècle de veilles et de travaux, plus courbés sous le faix des préjugés que celui du temps, semblent avoir tout appris excepté à penser.
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IL ne suffit pas à un Sage d’étudier la Nature et la Vérité ; il doit oser la dire en faveur du petit nombre de ceux qui veulent et peuvent penser ; car pour les autres, qui sont volontairement Esclaves des Préjugés, il ne leur est pas plus possible d’atteindre la Vérité, qu’aux Grenouilles de voler.
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