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EAN : 9782070461981
848 pages
Gallimard (21/05/2015)
4.5/5   1 notes
Résumé :
Sociologie du parti dans la démocratie moderne est, depuis 1911, un classique de la sociologie politique. Traduit ici pour la première fois dans son intégralité, il demeure le maître ouvrage sur les rapports de pouvoir qui prévalent au sein des organisations politiques. Plus largement, Robert Michels (1876-1936) s'intéresse à la possibilité essentielle de réaliser la démocratie, question pour laquelle les partis qui se réclament de la forme de démocratie la plus rad... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
C'est un ouvrage de référence, abondamment cité et discuté, un grand classique de la sociologie politique paru en 1910, enfin disponible intégralement. Cette « enquête sur les tendances oligarchiques de la vie des groupes » s'intéresse plus particulièrement aux partis politiques et aux relations de pouvoir qui s'y développent, en partant du constat que toute organisation militante nourrit une tendance à secréter en son sein une forme de gouvernement des élites, avec une propension marquée à l'autoreproduction, voire à la transmission héréditaire. Même les partis révolutionnaires – observe l'auteur – qui font de la lutte contre l'oligarchie leur raison d'être n'échappent pas à cette « loi d'airain », lui apportant ainsi une confirmation éclatante. Comment expliquer autrement que ces partis en viennent à développer en eux-mêmes les tendances contre lesquelles ils affichent pourtant leur hostilité ? Et surtout comment espérer que puisse se réaliser la démocratie dans la société si les partis qui s'en réclament explicitement ne sont même pas capables de la faire exister au sein de leurs organisations ?

Cette vision des choses a été beaucoup discutée. Bourdieu, par exemple, rejette cette loi dans ses Méditations pascaliennes en lui déniant la valeur universelle que lui prête la pensée conservatrice. Mais force est de constater que les analyses de Robert Michels, conçues dans la foulée de l'émergence des grands partis de masse, restent pour l'essentiel toujours valables aujourd'hui et que ce phénomène participe amplement à la désaffection qu'on observe à l'égard des partis politiques, qui semblent avant tout soucieux de se maintenir en l'état, faisant passer le bien public au second plan de leurs préoccupations. le premier facteur avancé par l'auteur pour expliquer la tendance à l'oligarchie résiderait dans « l'instinct héréditaire » et ce qu'il appelle le « préjugé aristocratique ». L'instinct héréditaire est celui qui commande la transmission du patrimoine dans la sphère familiale. La même disposition serait à l'oeuvre au sommet de la hiérarchie des partis. Quant au préjugé aristocratique , voici comment il est illustré : « Même à l'époque où la jeune démocratie et la jeune liberté de l'Amérique n'étaient précisément scellées que par le sang de ses citoyens, il demeurait difficile, à suivre le rapport d'Alexis de Tocqueville, de trouver ne serait-ce qu'un Américain qui ne se fût point vanté par quelque racontar vaniteux d'appartenir à l'une des premières familles qui colonisèrent le sol de l'Amérique. C'est dire à quel point le « préjugé aristocratique » était enraciné chez ces républicains des origines. »

Robert Michels estime que dans la vie partisane – je cite « avec la croissance de l'organisation la démocratie est en voie de disparition . » Sa théorie, souvent inspirée par des considérations relevant de la psychologie sociale ou de la psychologie des masses – c'était la mode à l'époque – laisse peu de place à l'idéal politique, qualifié sans ménagement d'« éthique amenée sur scène comme un décor ». « le démagogue – affirme-t-il – ce fruit spontané du terreau démocratique, déborde de sentimentalité et d'émotion à propos des souffrances du peuple. » Mais « les mots Liberté, Égalité, Fraternité peuvent encore être lus aujourd'hui tout au plus sur les portes d'entrée des prisons françaises. » Parfois les références historiques sont lapidaires. Lorsqu'il évoque les rares expériences de démocratie directe, c'est pour en souligner l'échec, comme en Suisse les assemblées populaires qui décident et légifèrent à ciel ouvert mais n'offrent « aucune garantie de constance et de rapidité dans la prise de décision, car le moindre orage peut les interrompre ». Encore ne sont-elles viables qu'à petite échelle. Et à propos de la Commune de Paris, qui avait pourtant multiplié les espaces de discussion et les consultations électorales, organisé le contrôle direct des élus, il se contente de rappeler comment elle a « protégé la Banque de France aussi loyalement qu'aurait seul pu le faire un consortium d'inflexibles capitalistes. » Conclusion : « Cela a donné des révolutions, pas des démocraties. »

En somme, ce qu'il y a de plus moderne dans les analyses de Robert Michels c'est finalement le regard désabusé qu'il porte sur la politique. Dans l'avant-propos à la deuxième édition de son livre en 1924 il explique pourquoi il a renoncé à inclure dans ses recherches le bolchevisme et le fascisme. Et c'est donc dans cet angle mort de son étude copieuse que s'est développée à la fois la critique en acte la plus radicale qui soit de la démocratie et les travers les plus monstrueux des dérives qu'il dénonce à propos des partis démocratiques.

Jacques Munier

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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Le gouvernement (l’Etat) ne saurait être autre chose que l’organisation d’une minorité. Et cette minorité impose au reste de la société l’ordre juridique, lequel apparaît comme une justification, une légalisation de l’exploitation à laquelle elle soumet la masse des ilotes, au lieu d’être l’émanation de la représentation de la majorité… il surgit toujours une nouvelle minorité organisée qui s’élève au rang d’une classe dirigeante. Eternellement mineure, la majorité des hommes se verrait ainsi obligée, voire prédestinée par la triste fatalité de l’histoire, à subir la domination d’une petite minorité…Il n’existe aucune contradiction essentielle entre la doctrine d’après laquelle l’histoire ne serait qu’une continuelle lutte de classes, et cette autre d’après laquelle les luttes de classes aboutiraient toujours à la création de nouvelles oligarchies… On est tenté de qualifier ce processus de tragicomédie, attendu que les masses se contentent de substituer un patron à un autre.
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