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Valérie Le Plouhinec (Traducteur)
EAN : 9782749173047
624 pages
Le Cherche midi (24/08/2023)
4.23/5   132 notes
Résumé :
Trois destins de femmes intimement liés, trois portraits poignants au cœur d’une Amérique raciste ; un seul sang.

Au milieu des années 1960, Grace, jeune fille noire exilée du Sud ségrégationniste vers un New York en pleine lutte pour les droits civiques, tombe enceinte en même temps qu’elle découvre l’amour. On ne lui permet pas de garder l’enfant. C’est Delores, une femme traumatisée dans sa chair et dans son âme, qui va adopter et élever sa fille, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (46) Voir plus Ajouter une critique
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°°° Rentrée littéraire 2023 # 30 °°°

Ce vibrant roman est une épopée intime explorant le lien entre trois femmes afro-américaines qui doivent faire face aux forces, grandes ou petites, qui veulent les priver de leur liberté, dignité ou estime de soi : Grace, une mère biologique à qui on enlève son bébé dès son accouchement ; Delores, la mère adoptive qui élève cet enfant ; Rae, la femme que devient cette enfant adoptée, elle-même devenant mère.

Dès les premières pages, on sent à quel point Denene Millner est engagée dans cette histoire multigénérationnelle qu'elle choisit de raconter en trois livres successifs, un par femme, se déployant de 1964 à 2005. On sent qu'elle a écrit avec ses tripes pour que ses trois personnages principaux, et tous ceux qui gravitent autour d'eux, existent au point de sortir des pages.

Le plus touchant est celui de Grace dont le drame, même lorsqu'elle a disparu des pages, reste en mémoire, comme une empreinte voilée. Mais celui qui m'a le plus marquée est celui de Delores, la survivante, magnifique personnage à haute complexité. C'est celle à qui l'autrice offre le plus d'évolution dans le regard que le lecteur porte sur elle, tour à tour hargneuse, violente, maladroite et aimante, tellement cadenassée dans ses traumatismes originels qu'elle ne sait comment montrer son amour à ses enfants adoptés et chéris.

J'adore ce passage où elle est submergée par des souvenirs de sa mère, alors qu'elle nourrit Rae avec de l'oeuf au bout de ses doigts :

«  Ce simple geste d'amour la reliait non seulement à cette petite fille qui était maintenant sienne, mais aussi à sa propre mère qui, elle s'en souvenait, la nourrissait de la même manière. C'était un des seuls souvenirs qu'elle gardait d'elle. de temps en temps, quand elle se laissait aller à materner ses enfants sans retenue et qu'elle avait le courage d'endurer la douleur du souvenir – c'est-à-dire pas très souvent -, elle s'asseyait, fermait les yeux très fort et s'efforçait de se rappeler ses traits, mais même en se concentrant à fond, jusqu'à en faire surgir les larmes, elle ne voyait pas ses yeux, ni ses pommettes, son sourire, ses cheveux. Rien que ses doigts, longs, agiles, calleux, qui plongeaient dans les oeufs et se tendaient vers sa bouche. Cette tendresse-là, elle ne l'avait plus jamais connue après la mort de sa maman. C'était la tendresse la plus sincère qu'elle puisse transmettre à cette petite. »

J'ai moins accroché avec le personnage de Rae, plus déjà lu, vulnérable car submergée par des émotions qu'elle ne parvient à contrôler depuis qu'elle a découvert, sanas le dire, qu'elle avait été adoptée, mais qui va grandir en devenant mère et ainsi faire bouger les lignes.

Evidemment, le roman est ancré dans l'expérience spécifique des femmes noires américaines ; il y est question du racisme, de la période immédiate post-ségrégration, de la conquête des droits civiques ou de la grande migration du Sud vers New-York. Mais il est surtout traversé par des questions universelles : que faut-il faire pour sauver sa vie lorsqu'on est une femme et qu'on évolue dans une société patriarcale qui vous est défavorable ? comment doit-on se battre pour vivre la vie que l'on mérite ? comment être la mère que l'on a choisi d'être et devenir la femme qu'on a rêvé de devenir ? Denene Millner explore ainsi toutes les facettes de la maternité et de la féminité, avec une empathie et une justesse frappantes.

La conduite narrative est admirable, les trois récits se faisant écho, permettant aux nombreuses strates de secrets de disparaitre après un défilé de chagrin, deuil, renoncement, subterfuges. le titre est particulièrement bien choisi tant la question du « sang » innerve les chapitres et questionne : le sang des règles, le sang de l'accouchement, le sang de la transmission et de la filiation, le sang des blessures. Tout cela aurait pu faire un gros bloc de 600 pages pathos à fond. C'est très mélo certes, mais subtil, jusqu'aux très beaux derniers chapitres emplis de couleurs, de lumière et de grâce.




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Ce roman nous raconte l'histoire de trois générations de femmes noires, liées sans le savoir par le même sang. Trois femmes qui rêvent simplement d'avoir un homme qui ne les batte pas, qui les nourrisse elles et les enfants et qui ne fasse pas de gosses à d'autres femmes.

Le roman se découpe en trois livres chacun étant dédié à une de ces femmes. le premier m'a passionné, il est consacré à Grace une petite fille qui a appris de sa grand-mère comment aider une nouvelle vie à venir au monde. Les deux suivants, sur Dolorès et Rae, sont tout aussi émouvants, même s'ils souffrent de quelques longueurs.
Une plongée dans l'Amérique profonde de 1965 à 2004, nous partageons la vie de la communauté noire et Denene Millner sait parfaitement décrire les relations homme femme, le machisme, le racisme quotidien, les violences sexuelles et les ressentis de ces épouses bafouées. Chacune de ses femmes ne peut que nous toucher. Un roman féministe, une ode à la liberté.

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Du même sang est le premier roman de Denene Millner, journaliste et auteure de nombreux ouvrage de non-fiction. J'ai aimé ce roman qui m'a entraînée au coeur de la vie de femmes noires américaines de 1965 à 2004. Je vous le recommande vivement.

Le roman débute en Virginie en 1965 (époque ségrégationniste) et s'achève en 2004 à Brooklyn.

Rubelle, la grand-mère de Grace est accoucheuse et a appris son art à sa petite-fille. Après des évènements dramatiques, Grace est recueillie à Brooklyn par sa grand-tante Hattie qui la traite comme une servante. Quand Grace accouche d'une petite fille, Hattie profite du sommeil de la très jeune maman pour abandonner le bébé. Lorsque Grace se réveille, Hattie la met à la porte. le roman enchaîne ensuite sur l'histoire de Dolores, la mère adoptive du bébé, Rae.

Grâce a subi, beaucoup. Dolores a commencé par subir l'indicible, et une fois adulte, a lutté obtenir ce dont elle rêvait, avec plus ou moins d'honnêteté, plus ou moins de succès. J'ai aimé que Rae qui a eu une enfance protégée, mais pas forcément heureuse le comprenne.

Du même sang est un livre foisonnant et féministe. Denene Millner décrit ce que c'était, ce que c'est encore, d'être à la fois femme et noire. Certains passages sont difficiles, révoltants et font trembler. Elle évoque aussi, en profondeur, ce qui font les liens familiaux. le sang ? Pas forcément.

La fin, dans laquelle on retrouve les liens du sang est poétique (triste aussi).

Lien : https://dequoilire.com/du-me..
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Je suis tombée sur ce livre parmi les nouveautés proposées au catalogue de Lirtuel (la bibliothèque virtuelle belge francophone) et ai été attirée, sans doute par la couverture atypique, ou par le fait que je l'avais repéré en librairie, sans même le soulever de son rayon cela dit. C'était l'occasion de voir de quoi il en retournait et, si au final ce n'est pas un regret, je suis quand même mitigée sur certains points. Peut-être tout simplement parce que je ne fais pas partie du lectorat visé (implicitement ou non, je ne sais) par l'autrice ? J'ai en tout cas le sentiment que, outre son côté très féministe clairement revendicateur, ce livre est aussi très « racisé ». Or, si je suis femme, et que dès lors plus d'un côté de ce livre m'a touchée, je suis aussi très blanche, et j'ai eu du mal avec certains passages…

Ainsi, l'autrice nous propose le portrait de trois (et même quatre, même si la première n'a droit qu'à peu de pages) femmes, Noires, cherchant farouchement leur « liberté » à travers – ou malgré - les standards de leur époque respective. On a d'abord Maw Maw, la première qui est présentée au lecteur : la grand-mère, sage-femme de mère en fille, pratiquant de façon spontanée le hoodoo, tout simplement parce que c'est naturel pour elle. Elle transmet ce qu'elle peut à sa petite-fille Grace, qu'elle a élevée, avant d'être jetée en prison pour des raisons tellement peu acceptables, dans ce Sud (des États-Unis) pauvre et surtout, encore très raciste… C'est là que commence réellement l'histoire de Grace, la première des trois femmes reconnues par le résumé de l'éditeur : encore enfant, elle est recueillie par une lointaine tante qui a réussi à s'élever dans la bonne société Noire de New York. Elle y découvre la malveillance de cette tante qui ne veut pas de cette petite campagnarde, elle y est coupée de ses racines hoodoo, mais elle y découvre aussi l'amour, cet Amour adolescent merveilleux et plein de promesses pour une jeune fille sans réel avenir. Enceinte à 16 ans, alors que son amant est parti dans sa famille pour échapper à d'éventuelles poursuites, lui qui était très actif dans la lutte pour les droits civiques, elle se voit enlever son bébé de force, alors qu'elle le voulait et l'aimait déjà de toutes ses forces…

On passe alors sans transition à la vie de Delores, que tout le monde appelle LoLo, femme au passé elle aussi difficile, meurtrie dans son esprit et dans sa chair, mais qui a réussi et veut maintenir envers et contre tout l'image du couple idéal, avec son Tommy dont elle est follement amoureuse. Comme ils ne peuvent avoir d'enfant, et que la présence d'enfants est alors indispensable pour montrer la virilité d'un homme (eh oui ! on en est là…), ils décident d'adopter. D'abord un petit garçon, TJ pour Tommy Junior, et ensuite une petite fille, Rae, que le lecteur comprend quasi aussitôt être le bébé de Grace, que sa méchante tante avait abandonné devant un orphelinat.
On navigue alors dans les époques, entre passages dans le présent du livre et flashes back dans la jeunesse de LoLo, dans une (très) longue deuxième partie consacrée essentiellement à cette personnage, avant d'arrive à Rae devenue adulte, et qui peu à peu se pose des questions – elle qui avait découvert, à l'âge de 12 ans, qu'elle avait été adoptée, mais n'en avait jamais parlé à quiconque, jusqu'à devenir mère elle-même…

Ce livre parle de toutes ces relations entre les femmes de ces différentes générations, et même s'il n'y aura jamais de lien direct entre Grace et Rae , les deux resteront liées malgré tout au-delà de ce qui est directement visible, par petites touches bien amenées par l'autrice.
Ce livre parle de la quête d'identité et de liberté de ces femmes, Noires et profondément seules même dans leur couple, traversant diverses crises propres à leur époque ou intemporelles, allant parfois très loin dans le désespoir et le malheur, mais visant toujours le mieux et l'espoir.
Par ailleurs, on mange beaucoup dans ce livre (sourire), et même si on n'en est pas à nous donner des recettes de plats finalement assez basiques et sans aucun doute roboratifs – l'autrice ne nous parle pas de haute cuisine à la française, mais bien de plats de tous les jours qui permettent à une famille de (sur)vivre ! -, j'ai eu plus d'une fois envie de les rejoindre à table, de goûter à ce fameux gratin de macaronis dont LoLo s'était fait une spécialité !
Ainsi, tout simplement, ça nous parle d'humanité à travers trois (quatre) portraits ciselés jusque dans les détails (culinaires notamment), c'est dense, c'est parfois un peu long mais je ne me suis jamais ennuyée.

En revanche, ce sang qui fait le titre, en vo américaine comme en traduction française, c'est ce sang des femmes noires importées depuis l'Afrique, et qui luttent depuis cette période de l'esclavage (évoquée quelquefois, sans être approfondie, ce n'est pas là le but du livre) pour avoir accès aux droits les plus basiques, à travers les époques ; à cette « liberté » de devenir ce qu'elles souhaitent, alors que toute une société – entendez : blanche et raciste - a plutôt tendance à les maintenir dans un carcan prédéfini et sans réelle perspective (d'épanouissement), justement parce qu'elles sont femmes et Noires.

Bon, bon, bon… J'ai déjà lu quelques livres d'autrices Noires américaines, ou parfois d'autrices africaines ayant vécu (au moins en partie) aux États-Unis, et ce type de sujet est assez récurrent – sans doute parce qu'il est brûlant, terriblement réel pour elles toutes, cela semble indéniable !
Mais j'ai eu le sentiment que, à plusieurs reprises, en insistant sur ce côté « femme et (surtout) Noire », l'autrice se tire elle-même une balle dans le pied, et décrédibilise ainsi ses propres héroïnes, au moins un peu…

Prenons par exemple le fait qu'elle souligne et reproche l'image que « les Blancs » se font de l'homme Noir : volage, fornicateur, tabassant sa femme (et accessoirement ses enfants), mauvais travailleur, et j'en passe. Ce n'est pas beau-beau, et ici depuis ma lointaine Europe (par rapport aux États-Unis), je ne peux qu'approuver à quel point cette vision très raciale est forcément erronée ! Mais alors, pourquoi s'emploie-t-elle à dresser des portraits d'hommes, Noirs, qui cumulent plusieurs de ces défauts, parfois même tous !? Pas un, mais vraiment pas un seul de ses personnages masculins n'échappe à la définition qu'elle reproche « aux Blancs » de donner d'eux : est-ce bien cohérent ?

Parlons aussi de ce passage où l'autrice laisse entendre à quel point c'est injuste qu'un (jeune) homme Blanc ait eu le poste que Rae, femme Noire plus âgée et plus compétente, briguait et aurait bien davantage mérité. Les mots sont forts, je cite (ce n'est guère divulgâchant) aux 90% : « Et pourtant, elle était là, assise à son poste, avec sa jambe qui lui envoyait un coup de poignard à chaque battement de coeur, obligée de rendre des comptes à ce blanc-bec de cinq ans de moins qu'elle, qui lui avait été préféré pour ce poste d'encadrement alors qu'il n'avait que quelques mois d'expérience professionnelle contre neuf ans pour elle. (…) Ce mépris, ces préjugés, la conviction que cette Noire prenait la place d'autres personnes plus valables, plus mâles, plus blanches, c'était un relent qui montait de sa langue à chaque fois qu'il s'adressait à elle. »
Sérieusement ? Alors, Denene Millner, enlevons les adjectifs de couleur (et remplaçons « Noire » par « femme » tout simplement) et… oh comme c'est étrange ! la phrase devient (hélas !) universelle ! Il n'y avait franchement pas besoin de raciser ce passage : même ici dans notre vieille Europe, combien de « personnes plus mâles » ont été préférées à une quelconque femme ? Je veux bien croire que la couleur de la peau n'aide pas, surtout aux Etats-Unis, mais là on ne peut s'empêcher de se dire qu'elle ramène tout à son combat, même quand ce n'est franchement pas nécessaire. (Et je ne développerai même pas la situation de certaines femmes dans le monde qui, bien qu'ayant exactement la même couleur de peau que leurs compatriotes masculins, n'ont même pas le droit d'aller à l'école… vous avez dit Afghanistan, par exemple ?)
Bref, elle donne là l'impression de se plaindre pour se plaindre, dans un leitmotiv récurrent chez certaines autrices… mais pour le coup ça ne m'a pas touchée, en tout cas pas sous le prétexte que Rae s'est fait marcher dessus parce qu'elle est Noire, mais bien parce qu'elle est femme, or ce n'est pas ça qui est mis en exergue.

Enfin, je reste profondément perplexe par rapport au passage où LoLo, ayant déménagé dans une autre ville, rencontre leur seule voisine… Blanche ! Cette dernière se présente gentiment, pose quelques questions sur l'arrivée de cette nouvelle famille, tapote la tête de Rae (qui, quant à elle, est très intéressée par cette inconnue tellement différente). C'est donc, à mes yeux d'Européenne ayant grandi dans un village, un comportement « normal » qu'on peut attendre de n'importe quelle dame plus âgée habitant un certain quartier, quand arrivent de nouveaux voisins, dans un esprit d'accueil bienveillant.
Or, même si cette bienveillance tranquille de la fameuse Daisy ressort quelque peu de ce chapitre, on retient surtout les mots terribles que l'autrice emploie quant à la perception que LoLo a de cet accueil (à 48%) : « - Et d'où venez-vous ? [Daisy] posait la question comme si de rien n'était, comme si c'était son droit de se mêler des affaires de LoLo. Comme si c'était son droit de connaître la réponse. LoLo, après vingt-six ans d'existence et de rapports dans l'ensemble discutables – voire hostiles – avec des Blancs, savait que, même à cet instant, cette femme debout sur sa pelouse, dans son jardin, derrière la maison que son mari avait achetée pour elle et leurs enfants, cette femme blanche, aussi facilement qu'elle posait la question, pouvait revendiquer le droit d'en connaître la réponse. »
Non mais vraiment ? Les États-Unis sont incroyablement traumatisés, encore aujourd'hui, pour qu'une simple rencontre bienveillante entre nouveaux voisins devienne une telle source de tension ! L'autrice la souligne plus explicitement encore, à ce moment où Daisy pose la main (gentiment) sur la tête de la petite Rae, à 49% : « LoLo s'éclaircit de nouveau la gorge, cette fois pas parce qu'elle était enrouée, mais parce qu'elle voulait que cette Blanche, cette inconnue, retire ses mains de sa fille. Daisy, qui jusque-là était restée dans son monde, aveugle à la dynamique raciale qui crépitait dans l'air entre elles, comprit enfin. Elle recula d'un pas et inspira profondément. (…) Elle commençait à s'habituer à leur réaction devant elle, mais leur peur lui faisait encore un choc. »

Dynamique raciale ??? sérieusement ? En tout cas, il semble bien que, pour l'autrice, tout se définit par ce prisme-là, avec cet exemple de la rencontre avec Daisy qui synthétise le pire.
Or, c'est bien beau de reprocher encore et encore aux Blancs d'être racistes (comme si le racisme était une exclusivité blanche ?!… mais je sors du sujet), mais si on recule face à la moindre main tendue, parce qu'on est Noire et femme, parce que la pourtant gentille dame mais Blanche en face de soi porte malgré elle le poids de plusieurs siècles d'esclavagisme sur ses épaules pourtant bienveillantes, alors il n'y aura jamais de réconciliation aux États-Unis, jamais de vivre ensemble où tout le monde a sa place, indépendamment de la couleur de sa peau (et accessoirement de son genre) ?
Je regrette profondément ce point de vue, qui plus est assez tranché, de l'autrice. Oh ! je ne doute pas qu'elle ait raison, qu'elle base ses écrits sur son propre vécu et celui de ses proches. Mais en insistant à ce point là-dessus, en faisant un combat du moindre geste même quand il est réellement bienveillant, alors la ségrégation aux États-Unis a encore de bien beaux jours devant elle !
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Tu es de ma famille…

Après tant d'autres avant elle, Denene Millner – traduite par Valérie le Plouhinec – s'attaque à son tour dans du même sang, à ce qui constitue ou construit les liens familiaux, dans une brillante saga intergénérationnelle en partie inspirée par son propre parcours.

Grace, Dolores, Rae : trois femmes, trois destins bousculés, trois parcours de vie, trois voix des années 60 à aujourd'hui. de la Virginie raciste et ségrégationniste à New-York où la vie est moins simple que prévu, Millner explore à 360° les joies et drames qui forgent une lignée.

« Ça fait trois générations qu'on vit sans hommes pour nous dire quoi faire alors qu'on s'occupe de tout, dans cette maison qu'on a construit de nos mains. Personne pour prendre ce qu'est pas à lui, pas besoin de se rabaisser pour qu'un autre se sente plus grand, personne pour faire des promesses qu'il tiendra pas, personne pour mettre ses pattes où il faut pas. Trois générations bien vécues, comme on l'a voulu. Je pense qu'on s'en sort pas trop mal. T'es pas d'accord ? »

C'est l'enfance auprès d'une Maw-Maw (grand-mère) qui aime et transmet. C'est l'exil et l'arrachement à la famille. C'est la grossesse inattendue et rejetée. C'est l'adoption et toute l'ambiguïté de vie qu'elle peut générer. C'est le délicat passage de fille à mère quand ses propres repères sont parfois hésitants.

« Cette fois, elle vit une femme. Pas sa mère. Pas la femme de son père. Pas la ménagère hargneuse et violente, mais une femme qui avait eu la vie dure, qui s'était sacrifiée et avait protégé sa famille avec une férocité douloureuse, non seulement pour ses enfants, mais aussi pour elle-même. Rae vit une femme très simple qui avait survécu à une vie extraordinairement triste et compliquée. »

Le récit choral de du même sang forme un livre touchant, empli d'empathie et de sororité, même s'il donne parfois l'impression d'une forme de déjà lu. de ces destins bousculés de femmes en quête d'identités, émerge l'importance de la résilience : « Je dois marcher sur l'eau, au lieu de m'y coucher et de m'y noyer. »
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Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
« Maintenant que tu écoutes, que les choses soient bien claires, intervint alors celle aux cheveux gris, d’une voix douce, presque gentille. Je m’appelle Mère. Elle aussi. C’est ainsi que tu nous appelleras. Tu vas arrêter de crier, car je ne tolère pas le bruit. Tu vas aller ranger tes affaires, car je ne tolère pas le désordre. Tu feras ce qu’on te dit, car c’est ce que Dieu exige de ses enfants : l’obéissance. »
LoLo resta plantée là, tremblante, sous le soleil de midi qui cuisait la vaseline dont la tante Bessie avait enduit sa peau pour lui donner un peu d’éclat. Elle coula un regard vers le bâtiment de bois peint en blanc qui se dressait, menaçant, juste derrière les épaules de la femme. Etouffant ses sanglots, elle vit la plus âgée des Mères baisser le nez vers le bébé, qui commençait à s’agiter, et le bercer légèrement. Freddy, il chouine tout le temps, songea LoLo, une bouffée de colère venant brûler sa peur. C’est à cause de lui que maman n’est plus là, et maintenant on se retrouve ici parce que la tante Bessie et M. George veulent plus l’entendre non plus.
« Allez, allez », murmura la vieille en desserrant la couverture autour de la tête et du coup du petit. Avec un rictus, mais en dévorant des yeux sa frimousse, elle continua : « Quand même, c’est mignon quand c’est petit ! On dirait un bébé singe. C’est qui le petit ouistiti ? C’est qui le petit ouistiti ? » Et toujours sans le quitter des yeux : « Tu vas prendre ce petit singe avec toi et t’arranger pour qu’il ne fasse pas de bruit. Tu es sa sœur, tu t’en occupes. »
Sur ces mots, elle fourra le bébé dans les bras de LoLo et s’éloigna dans un petit couloir. LoLo, maigre, menue, déséquilibrée par la force avec laquelle le bébé avait été poussé contre elle, recula le pied droit pour ne pas tomber, mais elle avait du mal à tenir son frère, lourd et agité dans ses petits bras. Cependant elle se garda bien de traîner ; elle suivit la femme alors que la gifle cuisait encore sa joue trempée de larmes.
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Elle considérait comme son devoir et sa responsabilité d’extraire de Grace autant de labeur qu’il en fallait pour couvrir les coûts de son séjour : une sorte de servitude implicite, aussi cruelle qu’épuisante. Dans son monde, aucune besogne n’était trop basse, aucune tâche trop lourde pour la jeune fille de treize ans. 
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LoLo avait entendu le mot « orphelinat ». Elle n’avait pas bien compris ce que c’était, jusqu’au moment où elle s’était retrouvée devant le bâtiment blanc décrépit. Freddy et elle allaient être laissés à des inconnues, comme des articles de seconde main – comme des choses à jeter, dont il fallait se débarrasser. 
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C’était comme ça, avec les Blancs ; ils comptaient sur les parties du corps des Noirs – des mains pour la lessive, des dos pour labourer la terre, des seins pour nourrir leurs bébés –, mais ils ne supportaient pas les corps entiers ni les âmes qui les habitaient.
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 La communauté tolérait ses usages parce qu’elle n’avait pas tellement le choix : les hôpitaux ségrégués et les médecins de campagne blancs auraient plus volontiers soigné une truie qu’une femme noire…
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