AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Marguerite Yourcenar (Traducteur)Jun Shiragi (Traducteur)
EAN : 9782070700196
176 pages
Gallimard (24/01/1984)
4.09/5   33 notes
Résumé :

Nombre de Français connaissent le Nô par ouï-dire ; d'autres pour en avoir lu ou feuilleté quelques-uns en traduction, ou même pour en avoir vu donner un au Japon ou par une troupe de passage. Bien des gens l'entrevoient grâce au bel et fracassant essai de Claudel, qui tout à la fois simplifie et exagère : " Le drame grec, c'est quelque chose qui arrive ; le Nô, c'est quelqu'un qui arrive. "

En quête de formule mémorable, on pourrait s'en... >Voir plus
Que lire après Cinq nô modernesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
N'ayez pas peur !
Mishima me fait peur depuis que j'ai vu, encore enfant, sa tête décapitée dans un vieux Paris-Match. Quant au Nô, je pensais que seuls les théâtreux des 70's-80's ou les médiévistes de L'INALCO pouvaient le comprendre...Et bien No No No, je ne dis pas que j'ai tout compris mais les cinq textes sont courts, lisibles, accessibles et l'avant propos de Marguerite Yourcenar, que je vous conseille de lire après les textes, est très éclairant.

Composées entre 1950 et 1955, ces courtes pièces empruntent au nô mais sont présentées dans un cadre moderne. Ce sont cinq tragédies ( elles inspirent la terreur et la pitié du spectateur). Le décor est minimaliste. Les personnages peu nombreux. Qu'est-ce qui est japonais là dedans ? Sûrement l'absence de frontière étanche entre le rêve et la réalité, entre la vie et la mort ( les fantômes, les esprits vont et viennent). Sur le plateau nu mais très structuré, se trouve un espace vide que l'imaginaire du spectateur va combler (mais si ! mais si !).

1) Sotoba Komachi
Une vieille ramasseuse de mégots vient déranger des amoureux qui se bécotent sur des bancs publics. Un poète un peu raté l'observe dégouté. Ils se mettent à discuter. La vieille est une ancienne très belle femme qui a provoqué la mort de ses amants. Elle lui raconte son premier amour. Le poète comprend que la beauté survit sous les rides et il prend le risque de la regarder...
2) Yoroboshi
Des parents adoptifs et des parents biologiques se disputent la garde de Toshinori, vingt ans, au tribunal. A l'âge de cinq ans, il a eu ses yeux brûlés dans un bombardement aérien. Ses parents adoptifs l'ont élevé dans le luxe. Il a fait d'eux ses esclaves. Ses parents biologiques veulent le récupérer après l'avoir oublié. Il les méprisent. La juge qui doit trancher se soumet aussi. La dernière image que l'enfant a perçu, c'est celle de la fin du monde. C'est la seule réalité à laquelle il se sente appartenir.
3) le Tambourin de soie
Un timide portier d'un cabinet d'avocats aime une mondaine de l'immeuble d' en face. Il lui fait parvenir une lettre chaque jour. Pour se moquer de lui, elle lui lance un tambourin de soie. S'il l'attrape et le fait vibrer, il gagnera un baiser. Le tambourin ne vibre pas quand il le frappe...
4) Aoi
Aoi est internée dans un hôpital psychiatrique. Son mari lui rend visite. le sommeil de sa femme est agité. Arrive le fantôme de Rokujo, une femme jalouse qu'il a repoussée. Elle cherche à étrangler Aoi...Le mari l'en empêche...provisoirement.
5) Hanjo
Deux amants ont échangé leurs éventails, symboles de promesse de mariage. Yoshio n'a pas tenu sa promesse. Hanoko, devenue folle, l'attend chaque jour à la gare. Elle vit chez une peintre Jitsuko Honda, amoureuse d'elle et jalouse. Jitsuko retrouve l'amant...
Les cinq textes sont tous formidables. J'espère un jour voir une représentation.
Commenter  J’apprécie          168
Parmi les cinq Nô de Mishima c'est celui-ci qui est le plus près de la trame traditionnelle de cette très ancienne forme théâtrale japonaise. Un Nô s'articule en deux temps. Dans un premier temps, un voyageur au cours de son périple rencontre une personne avec des occupations clairement ancrées dans le lieu où va se situer l'action. Ce personnage (le waki) informe notre voyageur qu'il s'est passé à cet endroit quelque chose en dehors du commun, il s'agit souvent d'un événement sanglant. Après que l'histoire a fini d'être narrée le waki cède la place au principal protagoniste du drame (le shité), c'est celui-ci qui a vécu au premier chef le drame raconté. Mais ce personnage n'est pas un narrateur, il revit au présent les événements passés, il s'agit en fait d'un fantôme. le shité et le waki sont les deux aspects d'une même personne, d'une « figure » une espèce d'être hybride qui fait le lien entre le monde concret et un monde surnaturel (dans le Nô il y a une composante religieuse). Quant au voyageur il n'a d'autre fonction que celle d'être le faire-valoir du waki/shité. Mishima a utilisé cette forme hyper codifiée et immuable du Japon traditionnel, pour faire remonter des forces occultes que la civilisation positiviste du 20e siècle semble sinon avoir détruites du moins cherche à masquer. La proposition de Mishima est avant tout poétique, cet aspect, Marguerite Yourcenar l'a particulièrement soigné dans son adaptation française.


Cette pièce se situe dans le cadre contemporain d'une chambre d'hôpital où immobile dans son lit une femme paraît dormir, c'est Aoï. Celle-ci souffre d'un mal qui serait d'origine mentale. Depuis plusieurs mois elle est cataleptique. Sa prostration s'interrompt parfois par des moments d'agitations qui semblent exprimer une souffrance physique.

Premier temps de la pièce : pénètrent, dans la chambre de la jeune femme, son mari et une infirmière. Cette dernière explique le mal de la jeune femme par des raisons psychologico-sociales. Or ces explications rationnelles dissimulent une sourde jalousie dont l'objet reste indistinct. Néanmoins l'infirmière au milieu de ses propos ambigus laisse entendre qu'une femme visite régulièrement la malade. Mais elle ne peut pas tellement en dire d'avantage, car la présence de cette visiteuse nocturne la gêne au point qu'elle n'est jamais restée longtemps en sa présence, laissant cette femme seule dans la chambre. L'infirmière s'éclipse et laisse Hikaru seul et perplexe avec Aoï.

Deuxième temps : entre Madame Rokujo, qui n'est autre qu'une ancienne liaison amoureuse d'Hikaru. Madame Rokujo est une belle femme d'allure aristocratique, mais dont le charme de la jeunesse n'est plus. Tout en éludant les questions d'Hikaru relatives à sa présence régulière auprès de sa femme elle tente de reconquérir son ex-amant, sans succès. Alors elle convoque la puissance évocatrice du souvenir, et celui-ci prend corps dans la chambre d'hôpital. À partir de cet instant la drame bascule dans une atmosphère onirique où se superpose une promenade en bateau sur un lac à la souffrance d'Aoï. Il y a toutefois une progression, dans un premier temps l'envoutement fonctionne complètement, tout disparaît, n'existe plus que le passé de cette promenade lacustre, ce n'est qu'au fur et à mesure du succès de la manipulation de madame Rokujo que la jeune Aoï gémit, s'agite et finalement hurle. La souffrance du dernier hurlement est tel qu'il sort le jeune homme de son hypnose, ce qui provoque la disparition de madame Rokujo. Mais ce sortilège a été fatal pour Aoï. Madame Rokujo n'est pourtant qu'involontairement responsable, car ce n'est pas elle qui a agi devant nous, mais son simulacre, son inconscient ou ce que les Japonais appellent son fantôme vivant.



Cette pièce commence doucement, se poursuit dans une douceur très raffinée et s'achève avec une espèce de férocité animale. Ce drame, par le prisme de l'imaginaire poétique de Mishima qui s'est saisi d'une forme multiséculaire, met en scène le désir de possession des humains les uns sur les autres .
Commenter  J’apprécie          100
Cinq pièces que Mishima écrit à l'aune des classiques ainsi le tambourin de soie ou Komachi Sotoba.

Le lecteur retrouve des trames ou histoires issues de la tradition mais insérées dans une époque contemporaine à l'auteur.
Ce que l'on retrouve des modèles, c'est le tragique des personnages et la prégnance de la passion qui est à la fois synonyme de mort et de vie ultime.
des pièces courtes et denses, traduites par Yourcenar....

Un très bon moment à passer, en somme!
Commenter  J’apprécie          10
On connaît peu Yukio Mishima en tant que dramaturge, mais c'est pourtant un genre dans lequel il excelle. Il nous le montre ici en dépoussiérant le nô, tout en parvenant à ne pas dénaturer ce théâtre tellement japonais et à nous dévoiler une fois de plus son talent. On prend un réel plaisir à découvrir l'intrigue et à s'imprégner de cette atmosphère si particulière qui entoure ces pièces.
Lien : https://comaujapon.wordpress..
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ah ! Que vous parliez ainsi est pour moi une médecine, une médecine qui guérit immédiatement mes blessures, une merveilleuse médecine. Cependant...je sais qui vous êtes : celui qui administre en premier lieu la médecine et inflige ensuite la blessure. Jamais vous ne faîtes l'inverse. La médecine d'abord, ensuite la blessure. Et après la blessure, jamais plus vous ne donnez de médecine....
Commenter  J’apprécie          171
AOÏ

L'INFIRMIÈRE : [...] Pas une maison, ou presque, dont les lampes ne soient pas éteintes. Tout ce que vous voyez se sont deux lignes nettes de réverbères. C'est l'heure de l'amour. L'heure de l'amour, du combat, de la haine. Quand les batailles du jour prennent fin, la guerre nocturne commence. Une lutte bien plus sauvage, bien plus effrénée. Les trompettes de la nuit qui proclament l'ouverture des hostilités sonnent en ce moment. Une femme saigne, meurt, et revient à la vie à d'innombrables reprises. Et il faut qu'elle meure une fois avant de vivre. Les guerriers, ces hommes et ces femmes, portent sur leurs armes les brassières noires du deuil. [...]

Traduction: Marguerite Yourcenar et Jun Shiragi
Commenter  J’apprécie          30
Les cinq Nô modernes de Mishima portent d'immémoriales molécules asiatiques. Au premier coup d'œil, la coloration "japonaise" en effet se voit peu : c'est à la longue seulement qu'on s'aperçoit qu'elle imbibe tout.

Marguerite Yourcenar, préface
Commenter  J’apprécie          100
LE POÈTE : Mais la nuit il appartient aux amants. Chaque soir, quand je
traverse le parc, et que je vois un couple d’amoureux sur chaque banc, je me sens merveilleusement rassuré. Même si je suis fatigué ou si (ça arrive parfois) je sens l’inspiration me venir, et que je veuille m’asseoir, je m’en abstiens par respect… Mais vous, bonne vieille, depuis combien de temps venez-vous ici ?
LA VIEILLE : Je vois, c’est ton petit territoire, ta chasse gardée, où tu exerces ton métier.
LE POÈTE : Mon quoi ?
LA VIEILLE : C’est l’endroit où tu ramasses des choses pour les mettre dans tes poèmes.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Yukio Mishima (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yukio Mishima
Yukio Mishima (1925-1970), le labyrinthe des masques (Toute une vie / France Culture). Diffusion sur France Culture le 20 février 2021. Un documentaire d'Alain Lewkowicz, réalisé par Marie-Laure Ciboulet. Prise de son, Philippe Mersher ; mixage, Éric Boisset. Archives INA, Sandra Escamez. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. 25 novembre 1970 : Yukio Mishima, écrivain iconoclaste japonais âgé de 45 ans, met en scène sa propre mort ; alors qu’il s’apprête à quitter le monde, il livre à son éditeur "La mer de la fertilité", véritable testament littéraire et spirituel de cet auteur tourmenté, fasciné par la mort rituelle. Cet homme nostalgique, avec son goût du vertige et de l'absolu, son amour des corps vierges et des âmes chevaleresques, sa quête effrénée des horizons perdus laisse une œuvre considérable qui raconte sans aucun doute la recherche d’une pureté illusoire et la laideur du monde. Lectures de textes (tous écrits par Mishima) : Barbara Carlotti - Textes lus (extraits) : "Patriotisme. Rites d’amour et de mort" (film de et avec Yukio Mishima, 1965. À partir de "Yūkoku", nouvelle parue en 1961) - "Confessions d’un masque" - "Le Lézard noir" - "La Mer de la fertilité". Archives INA : Ivan Morris et Tadao Takemoto - Flash info annonçant la mort de Mishima le 25 novembre 1970. Extraits de films : "Mishima" de Paul Schrader (1985) - "Le Lézard noir" de Kinji Kukasaku (1968) - Extrait du discours de Mishima juste avant son seppuku, le 25 novembre 1970.
Intervenants :
Pierre-François Souyri, professeur honoraire à l’université de Genève spécialiste de l’histoire du Japon Fausto Fasulo, rédacteur en chef des magazines "Mad Movies" et "ATOM" Tadao Takemoto, écrivain, spécialiste et traducteur de Malraux au Japon et vieil ami de Mishima Dominique Palmé, traductrice de Mishima chez Gallimard, spécialiste de littérature japonaise et de littérature comparée Julien Peltier, spécialiste des samouraïs, auteur de plusieurs articles parus sur Internet et dans la presse spécialisée, en particulier les magazines "Guerres & Histoire (Sciences & Vie)" et "Actualité de l'Histoire". Il anime également des conférences consacrées aux grands conflits de l'histoire du Japon Thomas Garcin, Maître de conférences à l’Université Paris 7 - Diderot, spécialiste de Mishima et de littérature japonaise Stéphane du Mesnildot, critique de cinéma, et spécialiste du cinéma japonais
Source : France Culture
+ Lire la suite
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus


Lecteurs (85) Voir plus



Quiz Voir plus

Mishima

Quel est le vrai nom de Yukio Mishima ?

Yukio Mishima évidement !
Kenji Matsuda
Kimitake Hiraoka
Yasunari Kawabata

15 questions
95 lecteurs ont répondu
Thème : Yukio MishimaCréer un quiz sur ce livre

{* *}