Après le goût du motchi, qui retraçait les souvenirs de l'immédiat après-guerre dans un Tokyo effondré, le goût du café au lait raconte l'arrivée de la narratrice à Paris en 1958. Décidée à poursuivre ses études de langue et littérature française, elle s'installe dans une cité universitaire et suit les cours à la Sorbonne. Et découvre les différents quartiers parisiens, ses monuments mais aussi ses bistrots, ses habitants, plus ou moins sympathiques et ouverts. Il en va de même avec ses compatriotes : un repère pour une jeune femme un peu déboussolée par tant de nouveautés mais en même temps des retours à des hiérarchies et des us qu'elle a voulu laisser derrière elle en quittant le Japon.
Comme dans son ouvrage précédent, Mishima Aïko dépeint plutôt une suite d'instantanés qu'un véritable récit. Elle se concentre plus particulièrement sur les deux premières années de sa vie à Paris. Les décennies suivantes ne sont émaillées que de rapides focus par-ci, par-là. Par conséquent, le livre, qui se lit très vite, me laisse un goût de frustration. J'aurais aimé plus de profondeur dans les propos car il est très intéressant (même si ça pique un peu parfois) de lire mon pays à travers les yeux d'une expatriée. A fortiori quand les deux pays ont des cultures et coutumes aussi clairement différentes que le Japon et la France.
Je ressors donc de cette lecture un peu déçue car j'en attendais plus. Tant pis, ce sont des choses qui arrivent. Je retiendrai une scène en particulier : alors qu'elle s'assoit dans le bus à côté d'un homme d'une cinquantaine d'années, celui-ci lui demande si elle est japonaise. Surprise car d'habitude les Français la prennent pour une Vietnamienne (l'Indochine perdue récemment reste encore dans les esprits), elle confirme. L'homme lui dit alors qu'il a été prisonnier d'un camp japonais lorsque les forces impériales ont envahi la péninsule indochinoise. La jeune femme reste secouée par cette phrase dite non d'un ton agressif mais comme un constat. Elle qui n'a vu de la guerre que la peur des bombardements, les privations, la faim, la défaite et l'occupation américaine après, elle réalise que son pays n'est pas que victime dans ce conflit et que la Chine, la Corée et l'Asie du Sud-est ont tremblé sous le joug des armées nipponnes.
J'ai trouvé que cette anecdote était l'une dans laquelle l'auteure mettait le plus d'émotions, bouleversantes et contrastées. Elle m'ouvre également un autre axe de recherche à venir car du coup, les relations entre Français d'Indochine et troupes japonaises pendant la guerre suscitent mon envie de creuser un aspect que je ne connais pas bien. Plus qu'à trouver un essai sur le sujet.
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