J'ai découvert
Teru Miyamoto (né en 1947) avec
le brocart, un très beau roman épistolaire que je vous recommande. Miyamoto appartient à la génération de la reconstruction, comme les deux Murakami. Ce recueil contient deux nouvelles d'apprentissage qui valurent à son jeune auteur, alors humble « salariman » de recevoir le prix Dasai Osamu en 1977 pour le Fleuve de boue et le prix
Akutagawa, en 1978 pour
la Rivière aux lucioles. Chacune des deux histoires, d'inspiration autobiographique, raconte la vie d'un jeune garçon d'un quartier pauvre en bordure de fleuve, dans les années 50-60. Mais elles sont très différentes dans leur forme. J'aurais aimé lire la troisième (Dotomborigawa, 1978) inédite en français qui fait pourtant partie de la Trilogie des rivières.
Dans
la rivière aux lucioles* (Hotarugawa) on suit les pas du jeune Tatsuo, pendant trois saisons chapitres (neige, cerisiers, lucioles). Son père vit ses derniers jours et sa mère Chiyo se bat pour survivre. L'hiver semble sans fin et il rêve de lumière. Il a pour ami Sekine, le fils du tailleur plutôt rustre. Sekine lui montre une photo représentant Eiko, souriante sous un cerisier en fleurs. Tatsuo l'aime secrètement. Il rêve de l'emmener voir les lucioles avec le vieux Ginzô.
le récit est émaillé de retours en arrière qui permettent de dévoiler peu à peu la complexité des personnages apparemment rustres et bornés. le drame secret des uns et des autres, avec beaucoup d'humanité et de subtilité. Les dialogues souvent crus et la gouaille des personnages contrastent avec les magnifiques descriptions métaphoriques des émotions, rêves et fantasmes du jeune garçon.
Le fleuve de boue est un récit plus naturaliste, dans la pure tradition de la littérature prolétarienne.
Nobuo a huit ans, il adore observer le fleuve et son petit monde. Ses parents aimants et généreux tiennent la taverne des Saules. Au début du roman, il assiste à un drame. Ensuite Il se lie d'amitié avec un gamin de son âge qui lui a fait voir une énorme carpe. Kiishi vit sur une barque flottante avec sa jolie maman et sa grande soeur. Il ne va pas à l'école. Les autres enfants, les bateliers se moquent de lui et disent des choses.
Je lirai très certainement
Les gens de la rue des rêves.
*
La luciole (蛍 = hotaru) est un motif très populaire au Japon. Les cours d'eau (fleuves, étangs, rizières) sont des endroits propices au développement de cet insecte. Il faut remonter à la fin de la période Nara, aux alentours de l'an 760, pour que les lucioles apparaissent comme un symbole littéraire avec la parution du Man'yoshu (la plus ancienne et célèbre anthologie de poésie japonaise). À cette époque la luciole est alors utilisée comme métaphore de l'amour passionné et courtois. Cette image sera abondamment utilisée de façon plus légère dans les haïku jusqu'à la fin de l'ère Edo (1603-1867).