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EAN : 9782246763413
173 pages
Grasset (09/09/2009)
3.17/5   20 notes
Résumé :

Quand Mickael Jackson était noir, il était blanc. Quand Mickael Jackson était vieux, il était jeune. Maintenant qu'il est mort, le voici vivant.

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Michael Jackson est né noir dans un monde blanc. Un monde de Blancs, c'est un monde peuplé de Blancs, majoritairement habité par des Blancs, essentiellement rempli de Blancs. Tandis qu'un monde blanc c'est autre chose : c'est un monde fait sur mesure par les Blancs pour les Blancs. Un monde sur mesure, blanchi, inventé pour les Blancs, pensé pour eux et pensé par eux. Michael Jackson est né trop tôt, mort trop tôt surtout pour connaître le monde tel qu'il sera au vingt et unième siècle : métissé, métisse, métissant.

Dans un vingtième siècle où les Blancs ont voulu occulter les Noirs. Les Noirs n'ont pas immédiatement été fiers d'être des Noirs : ils sont d'abord passés par la honte. Leur peau a été d'abord une peau honteuse : une peau sous la peau des Blancs. Michael Jackson a cherché (pour avoir la paix, pour atteindre ce par quoi il eût dû commencer : l'anonymat et la paix) à revêtir la couleur de son siècle, et son siècle n'était pas encore noir.

Le siècle « noir » n'était pas encore prêt : il faudrait attendre Obama, né dans les années soixante, pour atteindre le siècle noir, le siècle des non-Blancs. Un siècle non pas noir, en réalité, mais métissé : un siècle que les Blancs n'auront pas. Avec le vingtième siècle, c'est la dernière fois que les Blancs auront eu un siècle. Ce fut le vingtième et le dernier. Ce fut la vingtième et la dernière fois que les Blancs auront eu un siècle à eux, bien à eux. Rien que pour eux. Ils en ont bien profité. C'est fini.

Il aura fallu vingt siècles pour que les autres « couleurs » explosent, adviennent, éclosent, existent. Hier, dans les foires, la couleur noire s'exposait ; aujourd'hui, elle s'impose. Elvis était un Blanc très blanc habillé en blanc. Le vingtième siècle dans lequel naquit Michael était elvissien. Etait presleyien. Nous savons, grâce à l'élection d'Obama qui coïncide avec la mort de Michael Jackson, que plus rien, jamais, ne sera plus absolument, bêtement, platement blanc. Une couleur, cela se détrône – et particulièrement cette couleur qui n'en est pas une, prétentieuse immaculée hautaine. Le vingtième siècle : siècle des Blancs et siècle blanc par excellence – premier siècle aussi blanc dans les siècles. Siècle de blanchissage et siècle de blanchiment. Siècle qui aura permis au blanc, sous le nom chic de « monochrome », de devenir œuvre d'art.

Michael Jackson, pour devenir le moins visible du monde, pour se fondre, lui l'homme à l'envers, dans l'anonymat, a dû opter pour la couleur du monde dans lequel il vivait, à la manière du caméléon. Blanc, blanc dans un siècle blanc. C'est pourquoi, le 26 mai 1994, Michael Jackson va avoir recours à la plus grande opération de blanchissage (de blanchiment) de sa vie ; elle n'est pas chirurgicale : elle consiste à se marier avec la fille d'Elvis, Lisa Marie Presley. Cela va agir instantanément ou presque : entrer dans la famille Presley (ou faire entrer, plutôt, la famille Presley dans la sienne) cela a l'effet d'un détergent, d'une lessive : ça rend plus blanc.

Je ne reprendrai pas la sempiternelle querelle sur le « racisme » d'Elvis ; je ne pense pas que le King était raciste – même si, de son Sud natal jusqu'au nord des Etats-Unis, il fut adoré de beaucoup de Blancs comme antidote aux Noirs. Elvis, c'était le Blanc grâce auquel on pouvait désormais se passer musicalement des Noirs. Ce que les Noirs avaient fait, un Blanc pouvait enfin le faire aussi ; dorénavant, swinguer, groover, danser, avoir le feeling, le sex-appeal, chanter en donnant des frissons aux foules serait l'affaire des Blancs, au revoir et merci.

Quand Michael dit oui à Lisa Marie, il se fond dans la couleur blanche, il plonge dans un pot de peinture blanche, se blanchit cent fois plus qu'en passant dans n'importe quelle clinique dans le but de se faire dépigmenter la peau. Elvis est le savon suprême. Le Tipp-Ex absolu.
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Je lis, dans un hebdomadaire crispant, l'éditorial crispé d'un rédacteur en chef très « adulte » à la prose généraliste et grise, à la pensée en rang, aux idées bien polies devant la grande grille d'entrée (du monde adulte des adultes) ; je n'imprimerai pas le nom de ce sinistre végétal ; mais je citerai quelques lignes arrachées à sa démarche sérieuse, à son éditorial mal écrit, mal pensé, qui respire, en chacun de ses recoins, l'effort consciencieux du benêt scolaire, du premier de la classe sec et bosseur essentiellement très con. Voici donc ce qu'écrit cette courgette : « Il y avait chez Michael Jackson, d'abord, le culte malsain de l'enfance, celle qu'on recherche en soi et celle qu'on idolâtre en bêlant. Ce travers commence dans les peluches et s'égare parfois dans les tripotages. Heureusement, Dutroux ne se cache pas toujours derrière Winnie, mais ce penchant de l'époque trahit un monde qui ne veut pas grandir, refuse d'être adulte : il pense ainsi demeurer innocent, quand il n'est qu'irresponsable. »

Asséner autant d'idioties barbares quand on dirige un journal est une chose banale, sans doute : si les éditorialistes étaient intelligents, ils seraient écrivains. Une certaine logique est donc respectée ; tout est en ordre. Il faudrait reprendre l'argumentaire mot à mot pour en démontrer l'infecte pourriture ; tout, dans ce best of de l'hyper-esprit de sérieux rance, parfaitement borné, infiniment surétriqué, sent la levure de champignon, le faisandé et la rouille. Tout suinte la coulure. Tout bave la souillure.

« Il y avait chez Michael Jackson, d'abord, le culte malsain de l'enfance » : le culte de l'enfance serait « malsain ». C'est donc que l'enfance est censément coupée de « l'âge adulte ». Cette vision bornée terrifie le lecteur sensible. Si le réel est ce qui nous résiste, comme le pensait Simone Weil, l'enfance est ce qui nous permet de résister au réel. Michael Jackson avait bien compris ceci, que l'enfance est l'unique conquête spirituelle qu'a faite la pensée humaine dès lors qu'elle refuse le politique – car derrière l'enfance se dissimule toute pensée du Retour. Il y a quelque chose de profondément mystique dans le Retour jacksonien en état d'enfance, qui n'est pas de l'ordre de la régression. Mais le dogme du progrès fait de tout ce qui refuse l'Histoire et le politique le parangon de l'esprit de peluche et du nin-nin. Les éditorialistes crispants confondront à jamais l'enfantisation (effective) de Michael Jackson et l'infantilisation (supposée) de Michael Jackson.
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Michael, à dix ans, fut le héros, donc, d'une série de dessins animés : The Jackson Five, en dessins animés, dessinés par les mêmes dessinateurs que Scoubidou ou autres Satanas et Diabolo. Un enfant, habituellement, regarde des dessins animés. Il se projette dans cet univers factice, heureux, naïf, rempli de confort et de sécurité, éthéré, étoilé, propre, gentil, moral, affectueux qu'est l'univers des dessins animés. Eh bien Michael Jackson vécut à cet égard, en tant qu'enfant, une sorte de révolution copernicienne : il ne tournait pas autour des dessins animés, mais les dessins animés tournaient autour de lui. Lorsqu'il allumait la télé, il se voyait non seulement dedans, mais sous forme de cartoon. Cartoonisé. Il était, incompréhensiblement, magiquement, le collègue de Bugs Bunny et de Daffy Duck. Lorsqu'il rentrait de l'école (il y est allé), qu'il posait son cartable, il se découvrait, allumant son poste réglé sur la chaîne ABC, à égalité avec Bip Bip et le Coyote, avec Scoubidou ou Mickey. Il avait déjà franchi le Rubicon. Il existait déjà en double : son clone logeait dans la fiction, ce n'était pas lui mais c'était bien lui pourtant, « Michael ». (Sur la pochette de Dangerous, on voit un rat qui n'est pas encore passé à travers le miroir du rêve, qui n'a pas encore franchi, en son manège, la porte du Rêve : ce rat réaliste, dégoûtant comme un vrai rat d'égout, est l'avatar réel de Mickey. Mais à mes lecteurs, je poserai cette question qui depuis des décennies me taraude : pourquoi, dans un vieux numéro du Journal de Mickey, voit-on Minnie debout sur la table de la salle à manger, en train de hurler parce qu'il y a des souris dans la maison ? Il y a des souris chez Mickey ! De même, il me souvient d'une promenade en forêt où Donald passait près d'une mare… aux canards.)
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Ce qui fit la gloire d'Elvis, c'est cette immuabilité dans le look, cette fixité dans la dégaine : il s'empâta, il grossit au sein de la même image, du même corps, de la même photo. Son visage fut punaisé une fois pour toutes dans les mémoires, sur les affiches, et on ne fit plus ensuite qu'observer, qu'enregistrer les fluctuations plus ou moins grandes de cette figure (au sens de figée) à l'intérieur même de la statue. Il était plus gros mais toujours dans la même veste, boursouflé mais toujours sous la même banane, obèse mais derrière le sourire de référence. Elvis variait à l'intérieur d'un référentiel elvissien rigide, mais offrait sempiternellement, dans des versions tantôt maigres tantôt bouffies, le même éternel immarcescible immobile inaliénable Elvis. Il était toujours le même en un peu différent.

Pour Michael, il en va tout autrement : plusieurs fois, il changea de visage. Le Michael des débuts n'était en somme plus valable pour penser le Michael de la fin. Il n'y eut jamais, au contraire du King, un cliché de Michael valable une fois pour toutes – il y a une variété importante de représentations possibles (et légitimes) de Michael Jackson qui, loin de le faire sortir de sa définition, loin de le faire dériver de son être profond, forment ensemble, dans leur collection complète, le « vrai » Michael Jackson. Elvis ne fut qu'une accumulation d'Elvis ; Michael Jackson fut une succession de Michaels Jacksons.
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Le modèle vaut également pour le roi et la reine puisque Mickey et Minnie se virent affublés, eux aussi, de clones miniatures dont ils ne furent en rien les géniteurs (on se demande un peu quand même, après tout ce temps, pourquoi on ne voit jamais les parents – si bien qu'à vouloir éviter le débat sexuel, on prend le risque de traumatiser autrement) : Jojo et Michou (respectivement, Ferdie et Morty en version originale). Mais la folie ne s'arrête pas là, puisque Riri, Fifi et Loulou ont également des… cousines : Lili, Lulu et Zizi (April, May et June). C'est dire si l'on peut tourner des heures et des heures dans l'univers Disney sans jamais croiser ni de mère, ni de père, et encore moins de fille ou de fils. Pourtant, les ressemblances « physiques » entre les protagonistes susmentionnés ont de quoi frapper les observateurs les moins aguerris.
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