Et bien moi, j'aime
Yann Moix.
(C'est le même début que pour
Orléans, c'est dire...).
Alors disons le tout de suite, ne pas lire ce livre si l'on est dépressif, triste, noir, et sans une étincelle d'optimisme.
Ce livre est glauquissime.
Je l'ai lu passionnément en deux jours.
Déjà, le style. Il est remarquable.
Moix écrit très bien, et qu'il le sache ne fait pas de lui un prétentieux, ni un vaniteux, ni un narcissique.
J'ai lu dans une critique que chaque page du livre était baignée de narcissisme.
Erreur.
Car
Moix se déteste, se conchie, se hait avec une force insoupçonnée, se blâme dès qu'il le peut, enfin il se vomit dessus.
Reims est un beau livre, le second après
Orléans qui j'avais adoré (voir ma critique).
Un beau livre mais très très noir.
Yann (ou devrais-je dire le narrateur puisque ce n'est pas un récit mais un roman, comme il le précise avec précaution tout au début du livre, pour ne pas qu'une fois de plus, on l'attaque. Je dirais que c'est un roman-récit), rate ses examens pour entrer dans des écoles de commerce réputées. Il essaye en désespoir de cause de passer le concours d'une école à
Reims, qu'il réussit.
Bien mal lui en a pris...
Reims est décrite comme la ville de province par définition, triste, morne, délétère, moribonde, infecte.
Il y rencontrera des camarades ratés comme lui, donc ils seront ses amis.
Un petit groupe de ratés donc, fantasmant sur de belles étudiantes inaccessibles sexuellement, buvant trop, se droguant, écrivant des nullités, se vautrant dans la fange Reimoise, s'ennuyant profondément, avec une misère sexuelle profonde, se masturbant compulsivement dès qu'ils le peuvent.
Les mots ont toujours une importance pour
Moix, il n'écrit pas pour ne rien dire.
J ai bien reconnu cet enfant au regard triste, regard rouillé, mouillé, moribond.
Et oui,
Orléans n'est pas loin, d'ailleurs il faut lire
Orléans avant
Reims, sinon vous n'y comprendrez pas grand chose.
Ses parents l'ont tellement martyrisé, rabaissé, infectant son image, sa psyché, que
Yann Moix a une minuscule petite image de lui, donc il accumule à vingt ans les échecs, l'attrait pour la mort, la nullité, la détestation de soi.
Et oui, les parents maltraitants en font de la bouillie de notre narcissisme.
C'est pour ça que lorsque je lis qu'il est pétri de narcissisme, je rigole.
Pour
Yann Moix,
Yann Moix est un raté.
Et je crains que ce ne soit à vie.
J'aurai pu intituler cette critique par le titre de la chanson "Noir c'est noir".
Effectivement, pour lui, vingt ans n'est pas le plus bel âge de la vie.
J'ai bien retrouvé mon
Yann Moix, petit homme bousculé, rapiécé, fragile et si abîmé...
Je ne rentrerai dans aucune polémique.
Il parle de ses dessins antisémites, pendant un long moment même, et il explique, argumente et, il me semble, fait amende honorable.
J'ai beaucoup aimé ce livre, et c'est mon droit.
Il n'est pas aimé, il est même haï par certains. Et oui, la mauvaise image de soi atteint également les autres, comme s'ils savaient la blessure, et ils s'engouffrent avec plaisir dans cette plaie, cette sanie, ces oripeaux de misère, afin d'en rajouter dans la méchanceté, l'humiliation, le harcèlement et en font un bouc émissaire.
J'arrêterai là.
J'ai lu un beau livre, pas toujours facile, très pessimiste, avec une noirceur à couper au couteau, mais je n'ai assurément pas lu un livre d'un homme prétentieux, narcissique, et vaniteux.
Bien au contraire....