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EAN : 9782073012395
1056 pages
Gallimard (16/11/2023)
3.5/5   1 notes
Résumé :
Après avoir commencé la guerre à Londres, après avoir appartenu plus d'un an au cabinet de Pierre Laval à Vichy, voici Paul Morand nommé ministre plénipotentiaire à Bucarest, alors que l'Armée rouge est aux portes de la Roumanie, alliée de l'Allemagne nazie. Le diplomate se met au travail dans des conditions difficiles qui le poussent à des allers-retours vers Paris et Vichy. Il assiste ainsi aux derniers mois de l'État français en déliquescence, avant d'être nommé ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Morand résume lui-même l'origine de ce Journal de Guerre : « A Londres, j'avais trois chemins devant moi : rester à Londres ; rentrer avec assez d'économies pour vivre quatre ans à Paris, oublié ; faire ce que j'ai fait. Deux routes sur trois étaient bonnes ; j'ai pris la troisième.
De fait, nous avons là beaucoup plus qu'une erreur de parcours. On patauge souvent dans l'ignoble. Morand n'est pas seulement un représentant des élites fourvoyées. Il s'est trompé, se trompe, mais il assume, comme on dit aujourd'hui pour faire croire qu'on n'est pas seulement un imbécile. Jean d'Ormesson a écrit, au sujet du « Journal Inutile » du même auteur : « D'un bout à l'autre de l'ouvrage, le lecteur d'aujourd'hui balance entre nausée et bonheur, entre stupeur devant tant d'aveuglement au bord de la sottise et l'admiration enthousiaste pour un grand écrivain. » Pour ce Journal de Guerre, retranchez « bonheur » et « admiration », vous aurez les sentiments que j'ai éprouvé à la lecture de ce livre.
J'ai du mal à écrire cette critique. D'un côté, je souhaite sincèrement vous convaincre de lire ce tome 2 du Journal de Guerre, reconstitué, comme le premier tome, à partir du fonds documentaire que Morand a lui-même légué à la Bibliothèque Nationale.
Si le premier tome était un document assez formidable, et de première main, sur la constitution et le fonctionnement de l'Etat Français de Pétain, celui-ci, beaucoup plus littéraire (il y a des pages entières d'aphorismes sur les chats ou de réflexions souvent brillantes sur Balzac, Fontenelle, Victor Hugo, la littérature russe..), couvre les années 1943-1945, pendant lesquelles Morand devient très brièvement ambassadeur en Roumanie puis en Suisse, et se retrouve finalement exilé dans ce dernier pays en attendant que les choses se décantent en France. Il y vivra dix ans, en alternance avec Tanger.
Il faut absolument lire ce livre, car il montre d'une façon presque clinique comment Morand met en place un mécanisme de déni qui lui permet d'ignorer l'énorme démenti que l'histoire vient d'infliger à ses convictions, d'échapper à tout sentiment de culpabilité, et probablement sauvegarder ainsi son équilibre psychologique.
Il multiplie les élucubrations géostratégiques et les analyses erronées, se complait dans les rumeurs fallacieuses et ce qu'on appelle aujourd'hui les fake news, c'est-à-dire les informations mensongères allant dans le sens de ses opinions. Il remâche sa rancoeur, se prétend victime d'injustice, se réjouit des malheurs de la France libérée et lui prédit le plus sombre des avenirs dans son désir éperdu d'avoir eu raison malgré tout. En mai 45, il se demande encore quelle leçon laissera « Monsieur » Hitler pour l'histoire, et prédit que « Gaulle » (c'est ainsi qu'il orthographie, par haine, le nom du Général de Gaulle) va installer une dictature en France.
On comprend alors qu'on se retrouve devant un mécanisme mental archétypique, celui adopté par les élites de tous temps et de tous pays pour échapper à la réalité et continuer leur chemin au milieu des décombres qui s'accumulent autour d'eux.
D'un autre côté, la lecture de ce livre est parfois presqu'insupportable à cause de ce qu'elle révèle de la faiblesse morale de l'auteur, de sa morgue grand-bourgeoise, de sa lâcheté. Morand est snob comme un pot de chambre, égocentrique, imbu de son rang social et de son intelligence. Il faut lire, page 327 : « Mais cela n'empêche qu'il y a, à la pauvreté, liée une idée d'insuccès qui éloigne la masse amorphe, l'opinion, etc. ». C'est beau comme du Macron, non ?
Et puis surtout, il y a cette germanophilie crasse, et cet antisémitisme intolérable qu'aucune leçon de l'histoire ne semble pouvoir entamer : « le nazisme aura peut-être appris au monde ce qu'est un juif ». Ce qui, au demeurant, ne retient pas Morand de dresser à plusieurs reprises la liste des juifs en faveur desquels il a pu intervenir pendant la guerre, bien petitement d'ailleurs, et sans beaucoup d'effet, mais on ne sait jamais, au cas où cela pourrait servir. A vomir..
Et puis, ses jérémiades incessantes sur ce qu'il appelle son expérience de la misère, alors qu'il vit en Suisse avec un budget annuel équivalent à 200 000 de nos Euros, et sur sa situation personnelle qu'il trouve inconfortable alors qu'il ne sera que très marginalement inquiété dans toute cette période d'après-guerre. Céline écrit quelque part : « Et Paul Morand donc ! Même pas inculpé ! Qui se balade fort librement en Suisse ! Charmant Jean-foutre deux fois ambassadeur de Pétain ! Grands seigneurs évidemment… auxquels la loi rigoureuse ne s'applique pas comme aux voyous de mon espèce ! »
Voilà ! Difficile de résumer mille pages en quelques lignes. Mais j'espère que je vous aurais donné envie de lire ce livre. Il le mérite. Pendant le printemps 1945, Morand relit la « Comédie Humaine » De Balzac. Il y a un peu de ça dans ces pages.
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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
14 décembre 2023
Son antisémitisme et sa peur du communisme expliquent sa "collaboration" avec l'Allemagne nazie. La Shoah est la grande absente de son "Journal".
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
07 décembre 2023
Dans ce second volume, qui couvre la période 1943-1945, le diariste semble vouloir s’acharner à justifier sa réputation d’antisémite et de personnage uniquement préoccupé par la défense de ses intérêts les plus bassement matériels.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Je ne sais quand je pourrai m’échapper. En tous cas, quand le Président viendra à Paris je l’accompagnerai. Mais il y a plusieurs raisons pour que Vichy soit notre principale résidence jusqu’à nouvel ordre.

(le Président désigne Laval qui fut Président du Conseil sous le IIIe République)
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Dimanche de Pâques, 9 avril 1944.

Rien ne donne à un homme l'impression de la retraite comme d'être laissé à la garde de très petits enfants. Ça, et le jardinage et la pêche. La déchéance du grisonnant en attendant l’autre. Un des succès de la vie des villes, c’est de faire oublier la vieillesse. Et le plus grand bonheur de la vie littéraire, c’est (hormis l’Académie) qu’il n’y a pas cette brusque emprise de la vie administrative où, en quelques heures, un homme qui était riche, respecté, invité, tombe dans la gêne, l’indifférence et l’oubli.
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14 mai 1944.

Cette guerre est l'âge des sentiments complexes. Je ne puis me défendre de fierté que la France non armée s'est jetée sur un adversaire deux fois plus fort qu'elle. Moi, je trouvais aujourd'hui comme en 1938, en même temps, la chose vouée à l'échec. Je suis fier de voir les troupes du général Juin combattre les Allemands en Italie, fier de voir des Français résister au malheur, mais désolé de les voir suivre une pente qui n'est pas favorable au destin profond du pays.
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27 septembre 1944

Je viens de relire du Chateaubriand. Ce n'est pas sérieux. C'est trop beau pour être sérieux. C'est le stuc Premier Empire, plus joli, d'ailleurs, que le marbre. Je le trouvais très intelligent, superficiel, oui. Comme on dit de quelqu'un à côté de qui on a diné : il est très intelligent. Détester Dieu jusqu'en 1799 et découvrir l'utilité de la religion, comme tout le monde, en 1801, fait que je ne peux m'intéresser à son christianisme. Il vous montre les grands spectacles de la religion en disant : _ Comme c'est chrétien ! Ainsi qu'une américaine vous montre l'île Saint-Louis en disant : _ Comme c'est français !
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