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EAN : 9782330101152
200 pages
Actes Sud (11/04/2018)
4.32/5   120 notes
Résumé :
Depuis les forêts du Yellowstone aux crêtes du Kirghizstan, des steppes du Haut-Var à la terrasse de son appartement, Baptiste Morizot nous invite à partir sur les traces d'êtres hors du commun, souvent mythifiés : les grands prédateurs - ours, loups, panthères des neiges ? À travers différents récits de pistage, l'auteur nous propose ainsi de nous "enforester", selon l'expression des coureurs de bois du Grand Nord canadien : porter son attention sur le vivant simul... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Je ne lis pas le Morizot dans l'ordre. Ce livre est un de ses premier succès, me semble-t-il, et je le découvre après les autres, petit paradoxe !
L'auteur y développe déjà les thèses qu'il reprendra et étayera plus tard dans tous ses ouvrages et articles. La séparation arbitraire entre nature et humanité depuis les premiers temps de la civilisation judéo-chrétienne, jusqu'à aujourd'hui occupe la première place, et représente la première cause de nos problèmes avec le climat aujourd'hui, entre autres...

Baptiste Morizot, bien que philosophe, déploie un langage simple, raconte des expériences personnelles et ne s'appuie pas sur des tonnes de citations ou de références abstraites. Pourtant ses réflexions sont bien appuyés sur des travaux antérieurs et des idées philosophiques réelles, et bien argumentées.

A mon sens, il s'agit d'un très bon équilibre entre les réflexions et les exemples, clair, précis, concret et qui donne des pistes à tout un chacun pour analyser sa pratique de la "nature", du "dehors", et sa relation avec eux.

Un livre qui donne envie de prendre des jumelles et de se planquer dans les bois dans l'attente d'une merveilleuse apparition animale...
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Un livre facile à lire et exigeant en même temps ! Facile à lire parce que Baptiste Morizot emploie un langage simple et donne des exemples très concrets. Il dénonce l'idée trompeuse de nature et son emploi dans le langage courant et cherche des moyens de les remplacer sans recourir pour autant à des néologismes ou des tournures politiquement correctes alambiquées (aller dans la nature devient aller au grand air ou, en reprenant une expression de coureur des bois canadien aller «s'enforester») Il nous embarque avec lui sur les traces du loup sur le plateau de Canjuers dans le Var, de l'ours dans le parc de Yellowstone, de la panthère des neiges au Kirghiztan, nous entraîne à la recherche de leurs traces, ce qui implique de penser comme l'animal, de se mettre à sa hauteur, quasiment à sa place pour appréhender l'environnement avec les mêmes contraintes que l'animal. Et Baptiste Morizot est un excellent conteur, nous ressentons avec lui toutes les émotions du pisteur et qui plus est, il a une belle plume, parfois presque poétique. Ce livre est aussi exigeant car tous ces récits sont au service d'une réflexion philosophique sur les rapports entre hommes et animaux, sur ce sur quoi repose notre difficulté à nous percevoir comme animal et ce qu'elle implique. Après cette lecture difficile de ne pas avoir l'oeil un peu plus aux aguets lors d'une sortie «au grand air» !
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La Terre au grand air.
La réflexion nourrie par la pratique du pistage de l'enseignant-chercheur Baptiste Morizot est placée dès le préambule sous le parrainage intellectuel du grand anthropologue français Philippe Descola, connu pour ses travaux sur le rapport nature/culture dans les sociétés tribales amazoniennes. Rien d'abscons cependant car si le ton est donné, le style de l'auteur coule de source. Les phrases sont déliées, rythmées, scandées, chargées de sens. Les descriptions des paysages traversés, pour brèves qu'elles soient, sont pour le moins évocatrices, lestées de sensations et poétiques, dans le sens plein du terme. D'emblée, le propos est pertinent, incisif, essentiel. le lecteur se dit qu'enfin une voix claire émerge du désert mental où erre notre civilisation déboussolée, coupée de ses liens nourriciers avec la nature, le « dehors » qu'il faudra bien réinvestir autrement sous peine de se perdre définitivement : « Pourquoi ne pas tenter de bricoler une cosmologie plus aimable… en tissant ensemble pratiques, sensibilité et idées ». Ni idéologique ni utopiste, la réflexion personnelle est constamment enrichie par des observations de terrain. On est donc loin d'un système de pensée dogmatique collé artificiellement sur le vivant mais bien plus proche d'un questionnement existentiel somme toute vertigineux et bouleversant pour peu qu'on s'y penche un peu.
En introduction, l'auteur cherche à dénommer l'acte d'aller dans la nature, le dehors, le bush, le grand air et finalement opter pour un terme de coureurs des bois canadiens du XVIIIe siècle, « s'enforester » : « Que celui qui se laisse enforester… rentre un peu différent de son voyage garou : en sang-mêlé, à cheval entre deux mondes. Ni avili ni purifié, juste autre et capable de voyager un peu entre les mondes et de les faire communiquer, pour travailler à mettre en oeuvre un monde commun ». le premier chapitre est consacré à la rencontre du loup et c'est passionnant à suivre. le loup devient un homme pour l'homme quand les regards se croisent et se dévisagent. Dans le chapitre suivant, la confrontation avec l'ours américain sera l'occasion de se repenser en tant que proie, « viande » dira l'auteur : « un humain est parfois moins digne d'intérêt qu'une souche ». L'ours, omnipotent dans son milieu naturel, peut : « nous restituer notre statut écologique de vivant parmi les vivants, pris dans la grande circulation de l'énergie solaire… ». le 3e chapitre amène au Kirghizistan, dans la réserve naturelle du lac Song Kul et à l'exemple de la panthère des neiges emblématique des lieux, l'auteur apprend la « patience désirante ». Les chapitres suivants vont reprendre les réflexions nourries par l'observation in situ et les étoffer avec un souci constant de clarté et de didactisme.
Une intelligence diplomatique et empathique est nécessaire pour approcher le vivant dans son altérité, les paumes ouvertes mais les sens aux aguets, la peur transcendée et la pensée ouverte, tout un apprentissage autre, davantage chamanique et animiste que rationnel et judéo-chrétien. Il s'agira de « composer des habitats partagés » afin que la cohabitation avec la nature soit possible. Ces récits de pistage où les observations de terrain côtoient des réflexions essentielles ouvrent des voies enthousiasmantes pour approcher avec respect et griserie la nature, déchiffrable en partie quand la patience, l'art et les connaissances naturalistes s'ajustent. Progressivement, l'auteur décentre son questionnement du pistage et l'élargit vers notre animalité fondatrice, sédimentée, des « matrices comportementales » partagées par d'autres animaux et depuis détournées, enfouies mais promptes à surgir quand l'environnement les stimulent. En partageant nos espaces, on enrichit considérablement nos existences.
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Baptiste Morizot est un jeune philosophe, spécialisé dans ce qu'on peut encore appeler les sciences naturelles. Il développe, au fil de ses ouvrages, une nouvelle façon de penser notre relation au vivant.

Il constate, comme Bruno Latour, que notre approche moderne du vivant s'est progressivement désincarnée au fil de l'évolution scientifique. Dans notre tentative d'expliquer le monde par la Raison, nous avons pensé la Nature comme une mécanique froide et désincarnée relevant d'interactions chimiques automatisées.

Cette vision déformée ne nous permet plus de vivre en harmonie avec notre environnement et déclenche même des conflits avec les animaux. le triste résultat de cette situation est l'extinction massive de bien des espèces.

Avec « Sur la piste animale », Baptiste Morizot nous emmène pister loups, ours et panthères. Tel un trappeur du Grand Nord, il furète sur les sentiers à la recherche des traces laissées par ces grands prédateurs. Il partage ainsi avec nous son « enforestement », renouant progressivement avec son animalité. Car pour pister, le trappeur doit apprendre à penser comme l'animal, il doit se mettre à hauteur, appréhender son environnement avec les contraintes qui sont les siennes. Ce faisant, il reprend contact avec le vivant, rentre en empathie.

Tirant les enseignements du réel savoir scientifique apporté par ce changement d'analyse du terrain, Morizot se place dans la position de l'ambassadeur qui va tenter de renouer le dialogue humain-animal rompu par la modernité.

Plutôt que de rentrer dans le spécisme, il nous invite à chausser de nouvelles lunettes. Par son action de diplomate, il propose de mieux comprendre les comportements animaux en se mettant à hauteur, jusqu'à la mise en danger de soi !

Car c'est ce qui captivera le plus dans cet ouvrage. Doué d'un talent d'écriture certain, Morizot nous fait ressentir physiquement sa peur, sa fascination face à l'ours lorsque le pisteur devient pisté.
Son écriture est sensuelle, incarnée. Dans sa recherche de la panthère des neiges, il sera moins poète que Sylvain Tesson lors de sa quête de la belle kirghize mais beaucoup plus captivant et didactique.

Après la lecture de ce court et passionnant essai, je vous parie que, comme moi, vous ne vous promènerez plus de la même façon sur vos sentiers favoris, je vous le garantis.
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Philosophe et pisteur d'animaux sauvages, la carte d'identité de Baptiste Morizot est plutôt originale !
Il a su lier ses deux passions : philosopher c'est à dire raisonner, argumenter pour répondre aux problèmes posés par l'existence, et pister," voir l'invisible" en suivant les traces des vivants non humains " Pister, ici, c'est décrypter et interpréter traces et empreintes, pour reconstituer des perspectives animales : enquêter sur ce monde d'indices qui révèlent les habitudes de la faune, sa manière d'habiter parmi nous, entrelacée aux autres." (p 21)
Une des questions les plus importantes auxquelles l'auteur tente ici de répondre est : comment faire monde commun avec eux ?
Quelle jolie et intéressante formule !

Et ce qu'il nous livre de ses réflexions est fascinant ; le langage utilisé déjà interroge souvent le lecteur, comme "s'enforester" par exemple, B. Morizot est toujours très précis dans le choix des mots qu'il emploie. La description des heures d'affût ou de promenades qui permettent de se mêler à la nature, le fait de scruter tout près ou bien très loin qui nous fait devenir "animal" sont exposés d'une manière qui nous amène, nous les lecteurs, à réfléchir différemment de d'habitude...

Tout au long du récit, nous pénétrons dans les souvenirs et les expériences du narrateur : les rencontres avec le loup, Canis lupus, sur le plateau de Canjuers (Var), les ours dans les forêts du parc de Yellowstone, et la panthère des neiges au Kirghizistan.
Pister ne permet pas toujours de voir l'animal suivi, est-ce si ennuyeux ? " C'est le jour du départ. La panthère de chair est restée invisible sur les crêtes. Mais nous l'avons sous la peau désormais,... Et puis à force de la chercher depuis l'intérieur de son point de vue sur le monde, nous avons fini par la connaître..." (p 111)

Entremêlant récit de pistage et réflexion philosophique, l'auteur met l'accent sur la peur qui peut surgir à tout moment - quelle leçon en tirer ? -, n'oublie pas de citer le sens de signes amérindiens, décortique le lien entre mobilité et intelligence et bien d'autres notions absolument passionnantes comme celle de savoir comment et pourquoi l'homme s'est extrait du monde vivant et s'est placé en position dominante... Alors évidemment mythes fondateurs et religions sont évoqués, nous ne sommes pas, nous les humains, de la "biomasse"...

Baptiste Morizot a un réel don d'écrivain, il sait recréér le monde perçu " Un seul ours invisible transforme toute une chaîne de montagnes, il la recouvre d'un autre éclat. Il donne du relief à chaque buisson, qui a désormais un derrière caché. il creuse une autre profondeur dans les taillis, qui retrouvent leur dimension d'habitats. Il empêche que la nature ne devienne l'arrière-plan d'un selfie..." (p 71)
Il a écrit un livre magnifique et captivant, qui donne une toute autre dimension à notre lien au vivant et nous permet de prendre du recul sur notre rapport à l'ensemble de la nature ; mais surtout il nous met "à la place de" l'animal sauvage, nous fait comprendre son comportement, nous aide à savoir plus et mieux.
" le pistage revient à emprunter de temps en temps,...le corps d'un autre animal qui est une perspective configurant le monde autour." (p 134)

Lien : https://www.les2bouquineuses..
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critiques presse (1)
Actualitte
12 juin 2018
Ce bouquin est une ode à la vie. C’est un livre de chevet. C’est un manifeste écologique. C’est un renversement politique. C’est un bouleversement de l’esprit du randonneur.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
C'est peut-être un invariant de la rencontre animale : quand on croise un animal sauvage par hasard dans la forêt, une biche qui lève les yeux vers soi, on a l'impression d'un don, un don très particulier, sans intention de donner, sans possibilité de se l'approprier. C'est ce qu'en phénoménologie on appelle un don pur : personne n'a voulu donner, personne n'a rien perdu en donnant, et le don ne vous appartient pas, il pourra se donner à d'autres. On sent monter dedans une improbable gratitude. Juste l'envie de rendre grâce pour cet imprévu aussi beau qui en cet instantexiste et se donne aux yeux.
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Les simples, ce sont les plantes sauvages médicinales, aromatiques ou nutritives qu’on trouve partout dans les friches, les forêts, les interstices de béton et les prairies. Des chercheurs ont découvert à El Sidron les restes d’un jeune Néandertalien, mort il y a quelque cinquante mille ans, dont le tartre dentaire montre qu’il mâchait des bourgeons de peupliers dont les propriétés antalgiques et anti-inflammatoires ont été récemment découvertes par les biologistes. (p. 156)
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Le pistage comme manière d'arpenter donne à voir les limites insoupçonnées de nos pratiques familières de randonnée. Par contraste avec la forme d'attention développée par le pistage, le randonneur apparaît parfois comme un personnage insensible aux autres vivants, un voyageur qui ne verrait que lui en traversant pourtant les habitats enchevêtrés des autres, érigés en son terrain de jeu personnel et de ressourcement spirituel.
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Demain on va au grand air. Ce qui me fascine dans cette formule, c'est comment les contraintes de la grammaire française vous forcent poétiquement à entendre tout autre chose que ce qu'elle dit lorsque vous la prononcez. Comment elle vous force à entendre l'élément le plus opposé à l'air, et le plus complémentaire : "la terre" qui s'impose dans l'oreille, alors même qu'il n'y a nulle part de t pour l'invoquer comme la vigie au sommet du mât ("Terre ! Terre !")
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« Civilisé » signifie que les arrivants, ignorants de l’éthologie et de l’écologie des cohabitants non humains, peuvent y vivre sans la moindre vigilance et en toute innocence (c’est-à-dire ignorance plus qu’insouciance). […] Mais le « civilisé », lui, veut vivre en toute solitude cosmique, sans avoir à être vigilant à son environnement désormais vidé de présences. Sans avoir à le connaître et à négocier avec des puissances animales, végétales, écosystémiques, atmosphériques qu’il considère comme inférieures. (p. 150)
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Pour changer les choses, il faut se munir d'un arsenal de pensée. Si possible clair et que l'on peut mettre en pratique. Et si, pour cela, on réconciliait la poésie, la philosophie et la vie au grand air ?
« Manières d'être vivant », de Baptiste Morizot, c'est un récit publié aux éditions Actes Sud.
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