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EAN : 9782290214305
608 pages
J'ai lu (11/03/2020)
3.38/5   104 notes
Résumé :
Actrice sans rôle, Chloe Bathurst décroche un emploi de gardienne de zoo chez Charles Darwin où elle rencontre toutes sortes d'animaux exotiques, ainsi que différentes théories scientifiques d'une modernité étonnante. Pour sortir son père de l'hospice, elle vole la première mouture de la théorie de l'évolution et s'inscrit au Grand concours de dieu, qui offre 10 000 £ à qui prouvera ou réfutera l'existence d'un être suprême. Alors que d'autres aventuriers recherchen... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (31) Voir plus Ajouter une critique
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Belle idée que la création d'une jeune et belle héroïne, aussi intrépide que charismatique, pour être le porte-parole des hypothèses émergentes de Charles Darwin, alors qu'il n'a pas encore achevé l'écriture de son livre phare de l'Origine des espèces.
Dans le Londres du milieu 19è siècle, la jeune Chloé tente d'assurer sa subsistance en incarnant de multiples personnages sur les planches. Son talent est réel, tout autant que sa propension à provoquer des scandales. Et comme un petit nuage au dessus de sa tête tente d'assombrir son caractère jovial et optimiste, en perdant son travail, elle découvre qu'elle doit venir au secours de son père, qui de nos jours devraient faire face à un dossier de surendettement. Ce n'est pas son joueur de frère qui pourra le sortir de là. La solution pourrait-elle venir d'une idée lumineuse surgie de son esprit fécond alors qu'elle est gardienne de zoo chez Mr et Mme Darwin?

C'est le tout début d'aventures palpitantes et ébouriffantes, qui nous emmènent vers les Galapagos, mais pas du tout en ligne droite, et menées tambour battant par la pétillante Chloé

C'est un joli pavé , mais comment faire autrement pour aborder des sujets aussi multiples : les controverses que font naitre la théorie de l'évolution sont au coeur du propos, mais l'auteur ne s'en contente pas. Exploration des moyens de transport, statut des femmes, esclavage, croyances, extraordinaire luxuriance de la faune et de la flore de l'autre côté de l'atlantique, entre autres.

James Morrow n'hésite pas à flirter avec le fantastique, à travers l'esprit brumeux d'un prélat colombophile, artiste et visionnaire, privé de la compagnie de ses ouailles pour avoir tenté de dévorer l'intégrale de l'Apocalypse de Saint Jean…

La richesse des dialogues, le caractère cocasse des aventures, l'érudition savamment distillée au coeur des échanges et des situations font de ce roman un incontournable pour les amoureux du 19è siècle, alors que la science en plein essor remet en question les fondamentaux de la religion.
L'écriture est résolument moderne, mais adroitement utilisée dans une mise en page à l'ancienne, avec titres de chapitre à rallonge, et typographie élégante.

Drôle, instructif, mouvementé, c'est un vrai récit d'aventures, palpitant et ensorcelant.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Chloé a beau être la star du théâtre, quand son père lui apprend qu'il a besoin de 2000 £ pour éponger ses dettes et sortir de prison, elle doit bien admettre que son rôle de flibustière ne suffira pas à trouver autant d'argent. Qu'à cela ne tienne! Puisqu'un concours richement doté destiné à prouver l'existence de Dieu -ou son inexistence- vient d'être lancé, Chloé vole à Charles Darwin la première mouture de L'Origine des espèces et cingle vers les Galápagos pour en rapporter quelques spécimens rares prouvant que les caractéristiques de chaque espèce ne sont que variations à partir d'une même origine. La nature explique tout, Dieu n'a aucun rôle dans la formation de l'univers, il peut donc disparaître du grand théâtre du monde.
L'auteur lorgne clairement du côté de Swift et de Candide mais a substitué au benêt voltairien une maîtresse femme rompue à toutes les ruses aussi bien qu'aux joutes philosophiques. Sur les pas de son illustre prédécesseur, elle traverse l'Atlantique, puis l'Amérique du Sud, s'envole en montgolfière, découvre une arche de Noé tout juste centenaire, sauve les tortues de l'extinction et les bagnards du bagne, fait tourner les têtes, déclenche une éruption, transforme une île polygame en utopie polyandre, et surtout, avec l'aide d'Epicure, parvient à terrasser le théisme évangélique. Et ce ne sont là que quelques-uns de ses hauts faits.
C'est étourdissant. Vraiment. Mais copieux. Autant Voltaire compile les preuves contre l'optimisme leibnizien, autant James Morrow parvient à rassembler, outre l'argument du mal, une réfutation de la preuve cosmologique, une autre de la preuve téléologique (entre autres) et, incapable de se satisfaire d'un voyage uniquement spatial, étaie sa démonstration d'un axe supplémentaire et vertical par la grâce d'une fumerie d'opium où transitent opportunément des voyageurs du futur bien placés pour apporter de l'eau au moulin de la non-existence du Dieu révélé. le frère Mandel et ses petits pois, le jésuite Teilhard de Chardin, Joséphine Franklin qui découvrit l'ADN, tous nous font la grâce d'une discussion métaphysique qui n'est pas loin d'achever le lecteur.
Enivrée par ces joutes philosophico-picaresques, j'ai repris du chapon et de la dinde et avalé en 4 jours l'aller-retour aux Galápagos. Dans un cas comme dans l'autre, c'était une erreur. J'en serai quitte pour quelques jours de diète et pour une seconde lecture - moins trépidante.
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Récompensé par plusieurs des prix parmi les plus prestigieux des littératures de l'imaginaire (Nebula, World Fantasy Award, Grand Prix de l'Imaginaire), James Morrow est un auteur américain dont la plupart des ouvrages ont été traduits en français par les éditions Au Diable Vauvert (« La trilogie de Jéhovah », « Notre mère qui êtes aux cieux », « Hiroshima n'aura pas lieu »...). Une fois n'est pas coutume, l'auteur revient avec « L'arche de Darwin » à son thème de prédilection, à savoir la religion, et opte à nouveau pour le registre de la satire. Nous sommes en Angleterre, en 1847, et nous faisons la rencontre de Chloé Bathurst, actrice à succès qui se voit contrainte de quitter les planches afin de trouver un nouvel emploi mieux rémunéré. Non pas que la jeune femme ait subitement des envies de luxe, seulement son père se trouve enfermé dans un hospice en raison de ses dettes, et il n'est pas question pour elle de le laisser s'échiner aux travaux forcés dans des conditions scandaleuses. La bonne nouvelle, c'est qu'elle parvient facilement à retrouver un emploi en tant que gardienne de zoo dans la demeure d'un certain Charles Darwin. A charge pour elle de prendre soin des nombreuses créatures exotiques rapportées par le scientifique après son voyage autour du monde à bord du navire « Beagle ». La mauvaise nouvelle, c'est que, malgré la gentillesse de son employeur, son nouveau poste ne lui permettra jamais de rassembler la somme nécessaire à la libération de son père. C'est alors que notre héroïne entend parler d'un grand concours visant à prouver l'existence ou la non existence de dieu. Une querelle opposant intellectuels athées et chrétiens qui, à priori, ne la concerne pas du tout, sauf que la règlement prévoit que le vainqueur se verra octroyer la somme non négligeable de 10 000 livres. Et il se trouve justement que monsieur Darwin est en train de rédiger l'ébauche de ce qui deviendra sa célèbre théorie de l'évolution, mettant ainsi à mal l'existence même du divin. Ni une, ni deux, notre héroïne s'empare du précieux manuscrit et se trouve alors à défendre les thèses du célèbre scientifique bien avant qu'elles n'aient été historiquement diffusées au public.

La première chose qui frappe à la lecture de ce roman, c'est sans aucun doute l'érudition de son auteur. Car si la reconstitution historique n'est pas particulièrement poussée en ce qui concerne le décor ou les costumes, le contexte politique, social et scientifique de l'époque est, en revanche, très bien exposé. C'est le cas notamment de la théorie de l'évolution de Charles Darwin dont les arguments sont présentés dans les moindres détails. L'avantage, c'est que le roman se révèle sur ce point très instructif et qu'on en apprend énormément sur la manière dont le scientifique en est arrivé à ses conclusions ainsi que sur les réactions que sa théorie a pu susciter à l'époque. L'inconvénient, c'est que l'auteur pousse à mon sens l'érudition un peu trop loin pour un simple roman, au risque de souvent perdre son lecteur en le noyant sous un trop plein d'informations théoriques inutiles pour la compréhension ou le bon déroulement de l'intrigue. On observe d'ailleurs le même phénomène dans le traitement de la thématique religieuse, James Morrow n'hésitant pas là aussi à détailler à l'excès l'argumentation développée par les théologiens en opposition à Darwin. Un babillage qui ne se révèle pas toujours passionnant et qui a trop souvent pour conséquence de casser le rythme du récit. le contexte politique et sociétal du milieu du XIXe est quant à lui abordé de manière plus anecdotique mais, du coup, plus accessible. L'auteur évoque notamment la montée des idées communistes dans l'Europe de l'époque (avec par exemple la parution du fameux manifeste signé Marx et Engels) et s'attache également à dépeindre la cruauté et l'hypocrisie avec lesquelles les sociétés européennes traitaient alors (et traitent toujours) les plus vulnérables, qu'il s'agisse des miséreux, des prisonniers, des endettés, des femmes… le voyage en Amérique du sud de l'héroïne dans la seconde partie du roman fournit également à l'auteur l'occasion de mettre en scène cette partie du monde avec laquelle le lecteur est sans doute moins familier et ainsi d'aborder de nouvelles thématiques (traitement des populations autochtones, guerre du caoutchouc, rôle des missionnaires chrétiens…).

En dépit de ce que cette abondance de détails théoriques et de sujets sérieux pourrait laisser penser, le roman n'a rien de pompeux et se distingue, au contraire, par son ton volontiers humoristique. L'auteur enchaîne ainsi les retournements de situation plus rocambolesques les uns que les autres, ce qui pourra, là encore, déstabiliser le lecteur. le récit baigne en effet dans une ambiance burlesque à laquelle j'ai personnellement été peu sensible, quant bien même il faut reconnaître que la plume de l'auteur et les situations mises en scènes ne manquent pas d'inventivité. La seconde partie du roman, qui voit le départ de l'héroïne pour les îles Galápagos en compagnie d'une troupe pour le moins hétéroclite, fait basculer le récit encore plus loin dans le comique, et c'est à ce moment que l'auteur m'a véritablement perdue. le récit semble en effet ne plus se résumer dès lors qu'à une succession de scènes plus saugrenues les unes que les autres, l'auteur se perdant dans des digressions interminables et mettant ses personnages dans des situations de plus en plus loufoques. Parallèlement aux aventures de Chloé, l'auteur évoque la relation épistolaire entre un père et son fils, le premier interné dans un asile en Angleterre, le second en mission d'exploration en Orient d'où il rapporte à son géniteur les différentes rencontres réalisées dans une fumerie d'opium. Une trame secondaire qui souffre des mêmes soucis que la principale et qui se révèle même encore plus excentrique. Outre le fait qu'on peine à se retrouver dans la multitude d'informations scientifiques théoriques données par l'auteur, le problème vient surtout du fait qu'on ne voit pas vraiment le rapport avec le reste du roman, ce qui renforce l'aspect brouillon du récit et la désorientation du lecteur. Pour toutes ces raisons, j'ai eu énormément de mal à me passionner pour les aventures de Chloé qui se révèle pourtant une héroïne intéressante (si on excepte son agaçante crise mystique au milieu du roman) qui permet à l'auteur de mettre en scène d'autres aspects intéressants de cette époque (place des femmes, monde du théâtre…). Les autres personnages sont, hélas, trop peu développés pour qu'on puisse les considérer autrement que comme des figurants. Les dialogues n'aident d'ailleurs pas du tout dans la mesure où la plupart s'expriment de manière trop enjouée, ce qui leur donne un côté artificiel et théâtral qui ne joue pas en leur faveur.

James Morrow signe avec « L'arche de Darwin » un roman difficile à appréhender qui présente un charme certain mais auquel je n'ai malheureusement pas été sensible. L'auteur se perd dans sa documentation et accumule les digressions techniques et les longs monologues explicatifs qui, bien que très instructifs, auraient mérité d'être élagués et exposés de manière plus subtile dans un roman de fiction. le ton décalé et le burlesque des situations et des dialogues m'ont également laissé de marbre. Un roman ambitieux, satirique, surprenant… mais de toute évidence pas pour moi.
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
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La théorie de l'évolution, ça semble un thème bien austère pour un roman d'aventure. James Morrow nous livre pourtant une course-poursuite haletante jusqu'aux îles Galápagos.

Chloé Bathurst est une actrice bannie des théâtres après un esclandre, et trouve un petit emploi de gardienne de zoo chez Charles Darwin. Elle cherche un moyen de rassembler la somme colossale de 2 000 livres pour libérer son père de la prison pour dettes. La solution se présente sous la forme d'un concours cherchant à prouver ou réfuter l'existence de Dieu : Chloé s'empare de la théorie de l'évolution embryonnaire de Darwin, à son insu, pour tenter de remporter le prix. Une équipe pro-Dieu partira vers l'Arménie pour mettre la main sur la légendaire arche de Noé ; Chloé part vers les Galápagos pour montrer les différences évolutionnaires entre des îles très proches.

L'auteur alterne entre passages de pure aventure, et réflexions historique et philosophiques sur la théorie de l'évolution. Les passages d'aventure m'ont un peu rappelé Jules Verne (on a d'ailleurs l'apparition d'un Français qui fait le tour du monde en ballon, ça ne doit pas être une coïncidence) : on a droit à des tempêtes en bateau, des mondes sauvages et mystérieux, des guerres entre indigènes et colons, des explosions de volcan… ça s'agite dans tous les sens.

Ces passages sont entrecoupés de réflexion sur la compatibilité de l'évolution avec Dieu. Je ne maîtrise pas assez l'histoire des sciences de cette période, mais les arguments et contre-arguments ont l'air « d'époque ». On se balade entre cercles libertins, église anglicane, secte chrétienne perdue aux confins du monde… Ces réflexions finissent pourtant par tourner en rond, et au bout d'un moment, j'ai eu le sentiment qu'ils servaient juste à faire perdre du rythme au récit : parler de différence de formes dans les carapaces de tortue quinze fois d'affilée, ça finit par lasser.

Le livre est un curieux mélange de genres, assez efficace, bien qu'il aurait gagné à être amputé de quelques parties qui le font traîner en longueur.
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Très agréable découverte avec ce roman pioché un peu au hasard dans ma bibliothèque où il dormait oublié depuis deux ans, et pour lequel je ne nourrissais pas de fortes attentes. Je ne connaissais pas cet auteur, mais je suis maintenant curieuse de lire d'autres oeuvres de sa part.

En 1848, Chloe Bathurst, actrice au chômage dont le père est couvert de dettes, entend parler d'un concours offrant un prix de 10 000 £ à qui prouvera (ou réfutera) scientifiquement l'existence de Dieu. Elle dérobe alors à Charles Darwin le manuscrit prototype de L'Origine des espèces afin de le présenter au jury. C'est le début d'une expédition rocambolesque vers les îles Galapagos pour en ramener des spécimens qui prouveront cette fameuse théorie.

Cet ovni littéraire de 600 pages forme un mélange inattendu et harmonieux entre un roman d'aventures bourré de rebondissements loufoques et une satire politico-religieuse concentrée au vitriol. le tout est servi par une plume jubilatoire, pastiche des romans victoriens au style pompeux et aux dialogues délicieusement irréalistes (bravo à l'auteur ainsi qu'à la traductrice). Nul souci de vraisemblance, on est ici dans le grotesque assumé : selon les gouts littéraires, ça passera ou ça cassera, mais dans tous les cas, les premières pages donnent directement le ton. Les personnages sont aussi caricaturaux que colorés, on les suit avec plaisir même si on ne s'y attache pas vraiment (sauf peut-être à Darwin dont le portrait est très touchant).

Les débats théologiques sont passionnants, on suit avec curiosité les bouleversements religieux provoqués par la théorie de Darwin. On explore sous toutes les coutures les rapports souvent houleux (mais pas toujours) entre la religion et la science. C'est très documenté, bourré de références diverses qu'on peut s'amuser à repérer. Cela donne du corps à une oeuvre qui serait sans cela un roman d'aventures fun mais vite oublié.

Seul petit reproche, 600 pages sur ce ton-là peuvent donner l'impression que l'histoire s'étire en longueur. Je conseillerais d'étaler la lecture sur plusieurs semaines pour ne pas saturer.
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critiques presse (2)
LeMonde
07 juillet 2017
Qu’allait faire aux Galapagos la gardienne du zoo de Charles Darwin ? Avec « L’Arche de Darwin », James Morrow se pose bien en furieux héritier de Swift et de Verne.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Telerama
21 juin 2017
Hilarant et provoquant, L'Arche de Darwin est, à sa façon, une divine comédie.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
Les orchidées rêvaient-elles ? Les papillons de nuit
pleuraient-ils ? Les abeilles avaient-elles des regrets ? Les vers
étaient-ils facilement amusés ? Elle n’avait aucune réponse,
mais à cet instant, elle avait l’impression de pouvoir entendre le
rire des créatures souterraines. Et ce n’était pas un doux
gloussement vermien, mais un rugissement d’allégresse,
comme si les vers comprenaient qu’ils étaient de grandioses
fragments dans la mosaïque de la création, comme si, depuis
leur point de vue boueux, ils appréhendaient la totalité du projet transmutationnel des choses – comme s’ils connaissaient
leur propre prodige.
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Quel choix avait-elle ? Aucun, selon elle. Combien d’autres chemins s’ouvraient devant elle ? Zéro, conclut-elle avec regrets. Telle Pirate Anne forcée d’abandonner son bébé sur les marches d’un monastère, Chloe était à présent obligée de s’approprier l’ébauche de la théorie transmutationniste sous couvert de la nuit, puis remonter jusqu’à sa chambre pour retranscrire les trente-cinq pages sans qu’on s’aperçoive de leur disparition.
Elle prépara les fondations de son plan avec un soin infini, dégagea le désordre de son écritoire, l’équipa des outils essentiels qu’elle s’était procurés en épuisant toutes les ressources de son porte-monnaie chez Creigar & Sons, Stationers – une pile de papiers vierges, un stylo, deux plumes, trois flacons d’encre ainsi que quatre chandelles obtenues de Parslow sous prétexte qu’elle avait l’intention de rester éveillé tard dans la nuit pour lire Le Comte de Monte-Cristo. Elle se contorsionna pour entrer dans sa robe de velours bordeaux du Radeau de la Méduse, idéale pour se fondre dans le noir, puis enfila des chaussons pour mieux assourdir ses pas et irrigua sa gorge de sirop d’orgeat pour éviter de se trahir avec une quinte de toux.
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Elle chérissait de même la rencontre entre un marteau et une pomme, le premier accusant la seconde de la chute de l'homme, tandis que la seconde accusait le premier de collaboration à la crucifixion - un débat rapidement résolu par la transformation de la pomme en purée par le marteau qui annonçait ; "Et ainsi, une fois de plus, le pouvoir papiste en termine avec le folklore juif."
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Lorsque Chloe Bathurst avait sept ans et vivait à Wapping avec son père veuf et son turbulent frère jumeau, elle décida que sa prospérité future ne serait garantie que par l’arrivée, le plus tôt possible, d’une méchante marâtre. La preuve en était irréfutable. Cendrillon la demoiselle des cendres, Blanche-Neige la gardienne de nains, Gretel la tueuse de sorcière – à chaque fois une jeune femme ne trouvait le bonheur qu’après que son père eut séduit et épousé une méchante deuxième femme.
À neuf ans, Chloe finit par reconnaître la naïveté de son souhait et se découvrit tout aussi contente que papa ait négligé d’épouser une mauvaise personne. (Elle se sentait tout aussi contente qu’il ne se soit pas remarié du tout.) De fait, cet oubli ne fut pas le seul trésor accidentel que Phineas Bathurst légua à sa fille, car il la guida, sans le vouloir, vers les feux de la rampe. Alors que certains hommes sont des forgerons congénitaux ou d’autres des marins héréditaires, Phineas était un marionnettiste né qui ne pouvait s’empêcher d’attraper quelque objet se trouvant à sa portée – horloge, bouilloire, maillet, lanterne, tête de poisson – et de lui conférer le don de la mobilité et le pouvoir de la parole. Colporter l’illusion, en conclut Chloe, était dans son sang. Elle devait devenir actrice.
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Avec le temps, Chloe remarqua qu’une ironie florissait à l’intérieur de la propriété bruyante qu’elle habitait désormais. Le Charles Darwin qui s’intéressait démesurément aux vers de terre était condamné par certaines infirmités à adopter la posture de ses chers annélides. Même si cette horizontalité était très utile pour produire des enfants, elle frustrait évidemment ses entreprises scientifiques (le projet botanique qu’il développait dans la remise, l’expérience étrange d’élevage de pigeons qu’il conduisait dans le colombier à l’arrière de la maison, les dissections de bernacles qu’il réalisait dans son bureau). Les jours les plus douloureux, il n’était productif que deux ou trois heures après lesquelles, tourmenté par un terrible mal de tête et une forte fièvre, il devait s’allonger sur le canapé, non loin d’un paravent chinois qui cachait un bassin, qu’il était obligé de garder à portée de main à cause de ses nausées.
Il quittait donc rarement la villa. Il ne se rendit à Londres qu’une seule fois cet automne-là, il y acheta un camée en broche pour Mrs Darwin et assista à une réunion de la Geological Society. Il préférait nettement que ses collègues lui rendent visite. Parmi les illustres visiteurs de Down House, on comptait le jeune et viril botaniste Mr Joseph Hooker, récemment revenu d’une expédition dans l’Antarctique, et l’affable Mr John Gould, le plus grand ornithologue d’Angleterre, ainsi que le bourru professeur Charles Lyell, célèbre dans tout le royaume de Sa Majesté pour ses Principes de géologie (un livre qui, comme le remarqua Mr Darwin en s’adressant à Chloe, « impressionnera favorablement ses lecteurs, même après que les montagnes dont il parle avec tant d’éloquence se seront transformées en poussière »). Il arrivait occasionnellement que le triumvirat scientifique constitué de Hooker, Gould et Lyell dorme sur place, mais, le plus souvent, il se contentait d’une visite d’une journée, ne restant que le temps de profiter d’un repas d’après-midi. Comme ces déjeuners avaient normalement lieu dans le vivarium, Chloe se retrouvait fréquemment à écouter les conversations des sages (ne comprenant qu’une infime fraction de ce qu’elle entendait), tout en continuant ses tâches de gardienne de zoo et en supervisant les enfants qui traversaient le dôme à dos de tortue, comme des cheiks sur des chameaux.
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Vidéo de James Morrow
James Morrow vous présente son ouvrage "Lazare attend" aux éditions Au diable Vauvert.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2425226/james-morrow-lazare-attend
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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